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Procès Napster : le couperet est tombé

Dans le procès Napster, les juges de la cour d’appel de San Francisco ont rendu leur verdict en début de matinée (19 heures en France). Napster vit ses derniers jours, du moins dans sa version actuelle, car les juges estiment en substance qu’il « peut être tenu responsable d’avoir contribué à un violation des droits d’auteur, dans la mesure où Napster sait que certains fichiers incriminés contenant des compositions musicales ou des enregistrements sonores soumis au régime des droits d’auteurs sont connues pour être disponible sur le système Napster, et dans la mesure où Napster n’a pas agi en conséquence pour empêcher la distribution de matériel protégé. » En clair, Napster est coupable et les juges demandent à leur collègue Marilyn Hall Patel de réécrire son injonction préliminaire, jugée « trop floue » dans sa version précédente, en fonction de ces éléments. Napster, s’il n’est pas contraint de stopper totalement son service, devra empêcher le partage de fichiers musicaux protégés par le droit d’auteur.

Cette décision est le dernier épisode en date du feuilleton judiciaire opposant Napster à la RIAA (Recording industry association of America). Au départ de l’affaire, la très puissante industrie du disque a déposé sa plainte dès décembre 1999 au nom des 5 Majors (BMG, Warner, Sony, EMI et Universal), en accusant Napster de favoriser le piratage des oeuvres musicales et de violer les droits d’auteur. Pour se défendre, les responsables de la société ont d’abord soutenu que Napster ne jouait qu’un rôle d’intermédiaire technique, mais la juge Marilyn Hall Patel a rejeté l’argument début mai 2000 (voir édition du 10 mai 2000).

Napster « couvert » par le droit à la copie privée ?

Suite à cette déconvenue, les arguments de Napster se sont orientés vers la notion de copie privée, une notion beaucoup plus claire pour les Français depuis qu’ils sont soumis à la « taxe sur les CD vierges ». La copie privée, si elle autorise de dupliquer un morceau pour son usage personnel, reste tout de même un point juridique flou et difficile à appliquer. Dans le cas de Napster, l’argument de la copie privée est étendu au prêt à un ami. Ainsi, selon ses responsables, Napster ne serait en effet qu’un moyen de prêter sa discothèque à un proche. Les avocats de Napster soulignent aussi le rôle ambigu des Majors en prenant l’exemple de Sony qui commercialise aussi des lecteurs MP3 et mieux encore des graveurs de CD…

Finalement, fin juillet, les utilisateurs de Napster apprennent la nouvelle : le service est contraint par la justice de stopper son activité dans les jours qui viennent (voir édition du 27 juillet 2000). La juge a ordonné une fermeture temporaire dans une injonction préliminaire, celle-là même qu’elle devra réécrire. Pourtant, quelques heures à peine avant la date prévue, coup de théâtre : la demande en appel formulée par Napster a été acceptée. Le service peut continuer de fonctionner (voir édition du 31 juillet 2000). Napster soutenait que la société alors en pleine croissance n’allait pas se relever d’une fermeture même temporaire. Les auditions se sont alors poursuivies, elles reprenaient début octobre, dans une ambiance nettement plus favorable à un Napster armé de nombreux soutiens (voir édition du 2 octobre 2000).

Le groupe Bertelsmann, un soutien de choix pour Napster

Le véritable soutien, Napster l’a trouvé fin octobre. Contre toute attente, le géant allemand des médias Bertelsmann annonçait en effet qu’il avait signé un accord avec Napster (voir édition du 31 octobre 2000). Par la même occasion, il prenait une participation dans la société et pouvait envisager de distribuer son catalogue musical par le biais de cet outil dont la popularité n’est plus à prouver. Paradoxalement, BMG (qui fait partie de Bertelsmann), n’a pas retiré sa plainte contre Napster.

Il reste que pour le monde de la musique en ligne, un tel revirement de situation, pour ne pas dire retournement de veste, est un choc. Depuis, l’image de Napster n’est plus tant celle d’un pirate que celle d’une solution technique viable qu’il est possible d’accoler à un modèle économique. Bertelsmann vient d’ailleurs d’annoncer qu’il lancera des abonnements payants à Napster en juin-juillet (voir édition du 29 janvier 2001). Parallèlement Napster parvient à s’accorder les faveurs de deux grands labels indépendants : l’européen Edel et l’américain TVT Records qui utiliseront le système d’échange (voir édition du 3 janvier 2001). Si le premier n’a jamais porté plainte contre Napster, c’était en revanche le cas du second. Mais TVT Record a choisi de retirer sa plainte, une première puisque même BMG ne l’a pas fait.

Les autres Majors restent sceptiques

Depuis, Bertelsmann incite les autres Majors de l’édition musicale à venir le rejoindre sur Napster, mais ces dernières paraissent réticentes. « Nous avons eu des discussions avec Bertelsmann, mais nous n’avons pas vu de modèle économique autour de ce rêve », a ainsi déclaré Richard Parsons, co-chief operating officer d’AOL-Time Warner, cité par ZDNet. Un peu auparavant Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi Universal avait assuré que son groupe ne signerait pas d’accord avec Napster si la justice établissait que le service d’échange était coupable de violation des droits d’auteur. Dans le même temps, il sous-entendait que cela permettrait d’obtenir des dédommagements plus importants. On se souvient de la tactique employée par Universal face à MP3.com (voir édition du 15 novembre 2000).

Le procès du symbole du piratage de la musique correspond au passage à la musique numérique et surtout à sa distribution par ce biais. Le succès de Napster est un affront cinglant aux maisons de disques qui sont longtemps restées en retard sur la distribution en ligne. Elle s’y mettent aujourd’hui tout en cherchant à conserver leurs acquis. La distribution des cartes du jeu a lieu en ce moment. Même si d’autres décisions doivent encore intervenir, notamment les dommages et intérêts, le jugement de la cour d’appel sonne la fin de l’échange gratuit et sans contrôle de fichiers via Napster. Pour autant, ses successeurs se bousculent au portillon, le piratage de la musique en ligne a encore de beaux jours devant lui.

Pour en savoir plus : La décision de la cour d’appel

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