Alors que les députés devraient prochainement reprendre les débats sur les moyens de protéger les oeuvres numériques (dont la musique) dans le cadre de l’examen du projet de loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la Société de l’Information (DADVSI, voir dossier spécial), les partisans de la copie privée viennent de remporter une victoire.
L’UFC-Que Choisir informe que le tribunal de grande instance de Paris a condamné le 10 janvier dernier la mise en place de systèmes anti-copie sur les supports numériques des oeuvres.
Rappel des faits. En 2003, un consommateur se plaint de ne pouvoir ni lire ni copier sur son Macintosh le CD audio Testify de Phil Collins. Quelle est la cause ? La mise en place d’un système de protection anti-copie installé sur le support audio par Warner Music France. Le 28 mai 2003, UFC-Que Choisir et le particulier assignent alors la maison de disques pour « défaut de conformité et violation du droit à la copie privée ». La Fnac, distributeur du produit, est attaqué de son côté pour « défaut d’information ».
Dans sa décision du 10 janvier 2005, le TGI de Paris donne raison au plaignant et à l’association de défense des consommateurs. Warner Music doit verser 59,50 euros au client du CD et 5 000 euros à l’UFC-Que Choisir au titre de dommages et intérêts. En outre, la major a désormais interdiction « d’utiliser des mesures de techniques de protection sur le CD de Phil Collins qui empêchent la réalisation de copie privée sur tout support ». Sous astreinte d’une amende de 150 euros par jour à compter de deux mois à partir de la date du jugement.
La copie privée confortée
A priori, Warner Music devra donc retirer tous les CD Testify de Phil Collins des bacs pour les remplacer par des supports qui autorisent copie à titre privée de l’oeuvre, quel que soit le support final (CD vierge, disque dur, MP3, cassette…). La maison de disques n’a pas retourné nos appels pour savoir, notamment, si elle comptait faire appel de cette décision.
Après un premier arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 15 avril 2005 concernant une impossibilité de lecture d’un CD d’Alain Souchon, puis celui de la Cour d’appel de Paris du 22 avril 2005 suite à l’impossibilité de faire une copie du contenu d’un DVD sur un magnétoscope (affaire aujourd’hui en Cassation), le récent jugement du TGI de Paris confirme les consommateurs dans leur droit à user de l’exception de copie privée. « Le principe est désormais établi : les mesures de protection technique ne doivent pas faire obstacle à la réalisation de copie privée sur tout support », estime l’UFC.
Ce jugement, qui tend à faire jurisprudence, pose un véritable problème pour les maisons de disques confrontées au piratage des oeuvres. En tentant de protéger les contenus qu’elles distribuent face à la diversité des systèmes de lectures (lecteurs de salon, autoradios, systèmes d’exploitation informatique divers…), les majors se heurtent à des incompatibilités technologiques, sources de mécontentement des utilisateurs.
Et quand les éditeurs pensent avoir trouvé la solution technique, c’est parfois aux dépens de la sécurité de l’ordinateur du consommateur. Sony-BMG en a fait les frais. En utilisant des outils informatiques (rootkit) permettant la lecture de certains de ses produits musicaux sur les ordinateurs (mais pas la copie), Sony-BMG a essuyé une série de plaintes de consommateurs mais aussi de certains Etats américains et canadiens (voir édition du 11 janvier 2006).
Vers une limitation de la copie privée ?
Et la situation risque de perdurer. En France, du moins. Le projet de loi DADVSI, dont les discussions devraient reprendre à l’Assemblée le 8 février, ne remet pas en cause le droit à la copie privée mais favorise tout de même les mesures de protections anti-copie.
A l’occasion de la réouverture des débats au parlement, le nombre de copies autorisées pourrait être précisé noir sur blanc. Lors de la présentation du projet de loi (voir édition du 19 décembre 2005), Renaud Donnedieu de Vabres, le ministre de la Culture, évoquait le nombre de 5 copies autorisées. « C’est un retour en arrière », estime-t-on à l’UFC, « actuellement, la loi ne restreint pas le nombre de copies. »
D’autant que cette exception à la copie privée est, pour les ayants droit, compensée par une taxe sur les médias vierges (CD, disques durs de baladeurs, mémoire Flash, cassettes…). Une redevance qui a généré environ 165 millions d’euros en 2004 et qu’il faudrait, en toute logique, supprimer en cas de disparition de l’autorisation de copie privée.
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