À mesure que s’enchaînent les décisions de justice en faveur de l’éditeur d’Adblock Plus, la tension monte sur la question du blocage de la publicité en ligne.
Les opérateurs prennent progressivement position dans le débat, défiant parfois le principe même de neutralité du Net.
Début 2013, Free avait donné un coup de pied dans la fourmilière en activant par défaut, dans sa Freebox Revolution, un logiciel capable d’enlever les bannières et plusieurs autres formats, notamment la vidéo.
La filiale du groupe Iliad avait rapidement fait marche arrière sous la pression du gouvernement et plus particulièrement de Fleur Pellerin, alors ministre de l’Économie numérique. Elle avait toutefois poursuivi son bras de fer contre les prestataires de services, notamment YouTube, en sollicitant une contribution financière pour le développement des infrastructures réseau et des capacités de bande passante.
La même question se pose pour les opérateurs mobiles. Et l’un d’entre eux vient de prendre une initiative lourde de sens. Digicel, basé en Jamaïque et actif dans une trentaine de territoires au sein de la zone Pacifique avec un portefeuille de 14 millions de clients, exige de Google, Apple et consorts un partage des revenus, sous peine de bloquer l’affichage de leurs publicités.
Ce blocage serait effectif au niveau du réseau. Il s’appliquerait donc à tous les clients, que ces derniers aient ou non installé, sur leur mobile, une solution de type Adblock.
Pour Digicel, la contribution financière des fournisseurs de contenus permet de « dégager un budget pour investir dans la construction du réseau », tout en « [aidant] à connecter les 4,2 milliards de personnes qui, dans le monde, n’ont pas encore accès à Internet ». Accessoirement, cela permettra aussi aux abonnés de rester dans les clous de l’enveloppe data – 500 Mo à 10 Go en fonction des offres – associée à leur forfait.
Les arguments utilisés par Digicel sont globalement les mêmes que ceux avancés aux États-Unis par Comcast contre Netflix… et donc en France par Free contre YouTube.
La publicité display et vidéo sera bloquée dans les navigateurs Web ainsi que dans les applications mobiles, mais « un grand nombre de sites d’actualité » seraient épargnés. Et les utilisateurs auront la possibilité de désactiver le dispositif ( « opt-out »).
Cette technologie est développée par l’entreprise israélienne Shine, qui compte parmi ses investisseurs le milliardaire chinois Li Ka-shing (propriétaire du groupe télécoms Hutchinson Whampoa)… et qui dit travailler avec « plusieurs références mondiales », dont l’une comptant « près de 40 millions de clients ».
La décision de Digicel fera-t-elle tache d’huile en Europe ? En début d’année, un opérateur sur place avait évoqué au Financial Times un plan d’action en ce sens, avec un système capable de bloquer la plupart des publicités à l’exception de certains formats, natifs essentiellement (par exemple dans les fils Twitter et Facebook).
Mais l’entrée en vigueur – prévue pour novembre – de nouvelles règles régissant la neutralité du Net pourraient contrarier cette démarche.
Crédit photo : Panya Anakotmankong – Shutterstock.com
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