Qualcomm rattrapé par la patrouille antitrust aux États-Unis
Le gendarme américain de la concurrence dénonce, en justice, les pratiques de Qualcomm sur le marché des modems 3G/4G. On parle iPhone et WiMAX.
Paye-t-on nos smartphones plus cher à cause de Qualcomm ? C’est l’avis de la Federal Trade Commission.
Le gendarme américain de la concurrence a déposé plainte contre la multinationale, qui aurait abusé, à plusieurs titres, de sa position dominante sur le marché des modems 3G (CDMA) et 4G (LTE).
Deux entités sont visées. D’une part, Qualcomm CDMA Technologies, qui assure la commercialisation desdits modems auprès des fabricants de terminaux mobiles (les OEM) et dont le dernier chiffre d’affaires annuel dépasse les 15 milliards de dollars. De l’autre, Qualcomm Technology Licensing, qui monnaye le portefeuille de brevets du groupe (C.A. : 7,6 milliards de dollars sur l’exercice 2016).
Qualcomm se serait rendu coupable de pratiques anticoncurrentielles qui ont eu pour effet d’exclure des rivaux ou d’imposer une forte pression sur leurs marges (Intel et MediaTek sont cités en exemple). Tout en mettant « un frein à l’innovation »… et en faisant monter les prix pour les consommateurs.
Négociations indirectes
L’analyse concurrentielle de la FTC est vite faite : sur les dix dernières années, le seul fournisseur de modems 3G à ressortir un tant soit peu face à Qualcomm aura été le taïwanais Via Technologies, passé en 2015 dans le giron d’Intel. Raisonnement similaire pour la 4G : en pratique, les OEM ont « peu d’autres choix » que de se tourner vers Qualcomm.
Le groupe américain possède un certain nombre de brevets* relatifs à des technologies ayant fait l’objet d’une standardisation. Il s’est engagé, à l’invitation des principaux organes chargés de cette standardisation, à concéder des droits d’exploitation des brevets en question selon des termes « justes, raisonnables et non discriminatoires » (FRAND, pour « Fair, Reasonable and Non-Dsicriminatory »).
Problème : Qualcomm refuse de concéder ces licences directement à ses concurrents (Intel et Samsung ont ainsi été refoulés, selon la FTC). Les négociations se font avec les OEM, à des prix nettement plus élevés que ce que proposent les concurrents… et sous des conditions pour le moins particulières, dont des royalties plus importantes en cas d’utilisation de modems fournis par d’autres sociétés.
Les OEM ont tout à fait la possibilité de refuser lesdites conditions, mais Qualcomm ne fait alors pas affaire avec eux. Ce qui limite « significativement » leur marge de manœuvre.
Dénonçant une « taxe […] disproportionnée » non seulement par rapport aux tarifs des concurrents, mais aussi au regard de la réelle valeur ajoutée, la Federal Trade Commission estime qu’une telle politique dissuade les OEM d’aller en justice : lancer une procédure reviendrait à tirer, au moins provisoirement, un trait sur les puces Qualcomm.
Au malheur du WiMAX ?
Les contrats signés avec les OEM imposent par ailleurs à ces derniers de n’utiliser que des modems Qualcomm sur toute la durée de vie d’un appareil.
Un accord a été noué dans ce sens avec Apple, qui aurait accepté de ne pas solliciter d’autres fournisseurs pendant cinq ans, entre octobre 2011 et septembre 2016 – ce qui expliquerait qu’Intel ne soit entré dans la boucle qu’avec l’iPhone 7.
En échange, Qualcomm aurait accepté de rembourser une partie des royalties versées par Apple (ou plus exactement par ses sous-traitants, avec facturation ultérieure ; cela se chiffre en milliards de dollars).
Trois accords auraient été trouvés dans ce dossier, dont un daté de 2007 et interdisant à Apple de commercialiser un produit utilisant la technologie WiMAX, qu’Intel poussait à l’époque.
Du côté de Qualcomm, on assure que la FTC « n’a pas saisi » le fonctionnement de l’industrie du mobile. On dément, en outre, avoir menacé les OEM de ne pas leur fournir de puces sauf à s’engager sur des licences « injustes » ou « irraisonnables ». Non sans évoquer une décision « prise à la hâte » avant la passation de pouvoir à l’administration Trump.
* Selon la FTC, 13 % de l’ensemble des brevets dits « essentiels » sur la partie LTE (contre 19 % pour Nokia et 12 % aussi bien pour Ericsson que pour Samsung).