Va-t-on voir l’architecture PowerPC faire trembler le binôme Microsoft-Intel ? Si la question paraît largement prématurée aujourd’hui, elle est sérieusement envisagée par les plus fanatiques des aficionados d’Apple, ceux-là mêmes qui s’adonnent aux supputations les plus extravagantes sur la base des rumeurs agitant le petit monde du Mac. Par quel cheminement arrive-t-on à pareil raisonnement ? Une large part des réflexions s’appuie d’abord sur une malencontreuse fuite d’IBM Allemagne. La filiale a laissé entendre que son microprocesseur PowerPC 970 – dont chacun a été amené à penser qu’il est d’abord destiné à Apple – atteint les 2,5 GHz et qu’il serait dévoilé sur un serveur d’IBM, lors du Cebit de Hanovre à la mi-mars ! Le communiqué de presse a depuis disparu du site allemand de Big Blue, de même que la photo de la carte mère ! La nouvelle, si elle s’avère, n’a rien d’anodin : prévu pour atteindre des fréquences de 1,2 à 1,8 GHz à ses débuts, le PowerPC 970 (PPC 970) pourrait être introduit entre 1,8 et 2,5 GHz. A ces fréquences, il écrase les performances des tout derniers Pentium. Certains fanatiques ont même déjà extrapolé les spécifications SPECInt2000 et SPECfp2000 (les célèbres spécifications qui permettent de comparer les processeurs entre eux) de la nouvelle puce. Ils tombent sur des scores à faire frémir Intel : respectivement 1 301 et 1 459 pour une puce tournant à 2,5 GHz, tandis que le Pentium 4 à 3,06 GHz se voit honoré respectivement de 1 032 et 1 092, et que le meilleur PowerPC G4 n’atteint actuellement que 418 et 248. Rappelons au passage que tant SPECInt que SPECfp ne font aucune utilisation de l’unité de calcul spécialisée SIMD incluse dans ces puces. Autant dire que les constructeurs de machines qui intègreront le nouveau processeur auront affaire, dans l’absolu, à un « Pentium killer », comme se plaisent déjà à l’envisager certains participants des listes de discussion. D’autant plus que les applications les plus demandées aujourd’hui, tournées vers l’audio et la vidéo, font plus appel aux opérations en virgule flottante, relevées par les SPECfp. Un domaine où le PowerPC se dégage nettement et où AltiVec, son moteur SIMD, s’avère roi ! On comprend mieux la raison du soutien d’IBM à AltiVec aujourd’hui, alors que la firme n’en voulait pas en 1997… Les applications en question n’étaient alors qu’en émergence !
Compatibilité Mac-PC
Poursuivons le raisonnement. Si les nouvelles puces utilisées par Apple lui permettent de revenir dans la course aux gigahertz, un verrou pourrait alors sauter auprès d’entreprises et de particuliers encore réticents à migrer vers les machines à la Pomme. L’idée de la compatibilité entre Mac et PC devient alors presque incontournable : faire profiter les anciens utilisateurs de PC (les switchers) d’une boîte d’émulation X86 capable de faire tourner leurs applications Windows chèrement acquises. L’argument pour cette nouvelle clientèle étant : sur Mac, vos applications tournent aussi vite que sur PC ! Objectif : atteindre rapidement le seuil de 5 % de parts de marché, évoqué récemment par le directeur financier de la firme, Fred Anderson. L’intégration d’un émulateur s’avère une nécessité, comme le souligne Business Week dans son édition du 26 février dernier. D’autant que plusieurs marchés en ont déjà besoin et que l’augmentation du nombre de migrants du PC vers le Mac continue. Le rachat des activités d’émulation de Connectix par Microsoft s’explique en partie par ce besoin, sur ce marché spécifique. En fait, Virtual PC remplit un vide : il s’agit d’une passerelle entre les mondes Windows et Mac. Le problème est que, désormais contrôlé par Microsoft, il peut tout autant être transformé en obstacle ! D’où la probable nécessité pour Apple d’intégrer une boîte d’émulation du type WinTel d’OpenOSX.org, qui permettrait aux switchers de jongler, sur Mac OS X, entre des applications Unix, Mac et Windows. Un raisonnement qui n’a de sens qu’avec l’arrivée des nouvelles puces, capables de tenir la distance face aux Pentium 4 actuels.
La principale interrogation concerne bien évidemment la réaction de Microsoft : pour certains aficionados, le géant ne pourrait rester les bras croisés. L’éditeur ne serait pas seulement concurrencé par Apple sur sa périphérie, mais également sur le coeur de son activité. Et les récents défis d’Apple vis-à-vis de Redmond depuis la mi-2002 pourraient s’expliquer par l’imminence de l’arrivée du PPC 970. D’autant que le pire est à venir pour Microsoft car il y a fort à parier qu’Apple dispose bien dans ses cartons de la version Marklar de son OS, destinée à tourner directement sur la plate-forme X86 d’Intel, et qui du coup pourrait aussi émuler Windows ! Pour un utilisateur de PC, cela signifierait accéder aux applications Mac et PC sans avoir à changer de matériel. « Marklar serait la solution la moins chère pour un switcher (?) C’est une question de 130 dollars par boîte Mac OS X et non plus de 1 500 dollars par Macintosh. (?) Imaginez : vous achetez une licence Mac OS X, vous l’essayez avec des logiciels pour Windows, vous convenez que vous l’aimez et vous commencez à acheter des logiciels Mac OS, ou même du matériel Apple pour avoir l’ordinateur le plus rapide », rêve tout haut un participant à un forum d’AppleInsider. Du coup, certains envisagent déjà les ripostes possibles de Microsoft : la première réaction pourrait bien évidemment être de se débarrasser de son activité Mac. Autrement dit, à moyen terme, adieu Internet Explorer ou Office pour Mac ! Sans parler d’Entourage et de sa future comptabilité avec Exchange. La préparation par Apple de logiciels concurrents comme Safari ou Keynote pourrait remédier à ce problème. Et ce d’autant plus si Mac OS X sait faire tourner des applications Windows. Une alternative de Microsoft consisterait à développer une version PPC 970 de Windows, pour prendre Apple à son propre jeu. La firme a déjà porté Windows sur PowerPC, il y a quelques années. Un scénario peu probable sauf si nombre de constructeurs adoptent le PPC 970 pour offrir des machines sous Linux ! Mais le plan de défense principal de Microsoft ne pourrait tenir en fait que dans le portage de Windows sur les prochaines puces 64 bits d’Intel ou d’AMD (voir édition du 26 février 2003). A condition que le nouveau système intègre l’utilisation des actuelles applications 32 bits. Un casse-tête et un défi logiciel pour Microsoft ! L’acquisition de Connectix semble pouvoir répondre à cette problématique. Mais Redmond ne s’attendait sans doute pas être pris dans ce jeu de chaises musicales par son principal client au lancement des premiers PC : IBM lui-même !
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