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Rafik SMATI, French Paradise : « les vraies révolutions sont portées par des acteurs à la périphérie du système »

ITespresso > Pourquoi avoir écrit French Paradise ? Est-ce un livre « révolutionnaire » ou simplement un livre préfigurant le programme d’un futur homme politique ?

Rafik SMATI > Ce n’est pas la première fois que j’écris sur un sujet politique. Dans mon précédent livre, déjà, je dressais les contours d’un projet européen inédit que pourrait porter la jeune génération. Après sa sortie, j’ai été contacté par de nombreux lecteurs, convaincus par le projet, et qui se proposaient, à ma grande surprise, de m’accompagner dans une mise en mouvement de ces idées. C’est là que j’ai décidé de lancer French Paradise.

French Paradise est en réalité plus qu’un livre-manifeste. C’est aussi une initiative qui a vocation à aller plus loin, à fédérer sous une forme ou sous une autre. Partout en France et en Europe, je ressens une envie de faire émerger de nouvelles idées, une volonté de bousculer les codes, notamment en politique. Alors, oui, je suis un homme politique, dans le sens où je développe certaines convictions et que je souhaite les porter. Mais je ne veux pas faire de la politique un métier. Les Français en ont d’ailleurs assez de ces politiciens qui sont obsédés par leur carrière, au point de renoncer à la bataille des idées.

ITespresso > Pourquoi vous concentrer sur des questions éénergétiques, européennes ou financières alors que vous êtes surtout légitime dans l’univers numérique ?

Rafik SMATI > Votre question est révélatrice de ce syndrome bien français qui consiste à vouloir enfermer tout le monde dans une case ! Le chef d’entreprise dans l’internet ne serait donc légitime que pour parler numérique ? Le médecin ne pourrait avoir un avis que sur les questions de santé ? Le technocrate serait aussi le seul à pouvoir développer un avis sur les questions européennes ? Je crois bien sûr énormément au numérique et à son potentiel de transformation. J’en ai d’ailleurs largement parlé dans un précédent livre («Eloge de la vitesse»). Mais pour tout vous dire, je trouve le sujet plutôt bien traité par la puissance publique aujourd’hui. Même si tout n’est pas parfait, une dynamique est à l’œuvre. Je m’en réjouis.

En revanche, d’autres sujets m’inquiètent. L’énergie, par exemple. Je ne suis pas un écologiste dogmatique. Je ne suis d’ailleurs pas farouchement opposé au nucléaire. Mais je suis convaincu que nous sommes à la veille d’un krach écologique majeur. Dans French Paradise, je démontre comment il est théoriquement possible de faire en sorte que tous les Français puissent être alimentés en énergie durable à horizon 10 ans ! Audacieux et ambitieux, certes, mais possible !

Un autre sujet qui m’interpelle : l’Europe. En voilà une belle idée qui a été vidée de son âme ! Il est temps de repenser le projet Européen, en mettant de côté certains dogmes. Je suis par exemple convaincu que les intérêts des pays du Nord et du Sud de l’Europe sont aujourd’hui trop divergents pour permettre à l’Euro actuel de tenir. Depuis un moment, je travaille sur la possibilité de ce que j’appelle l’«Europe duale». Elle ferait en quelque sorte de la France le chef de file des pays d’Europe du sud. C’est aussi une des idées que j’approfondis dans «French Paradise».

Enfin, vous évoquez le sujet de la finance spéculative. C’est en effet l’un de mes combats. Je m’insurge contre tous ces irresponsables qui discréditent le capitalisme et qui mettent en péril l’économie planétaire !

ITespresso > Estimez vous qu’un livre, un compte twitter ou un site web (frenchparadise.org) suffisent aujourd’hui à l’action politique ? Sur la forme, quel doit être le mode d’action des hommes de votre génération ?

Rafik SMATI > Chacun, à la place qui est la sienne, dispose aujourd’hui de leviers pour agir, participer au débat public. Et l’initiative providentielle, celle qui sera salvatrice, n’existe pas. Ce qui fera que les choses bougent, ce sont la multitude des initiatives individuelles et collectives qui viendront se conjuguer. C’est clairement dans cet esprit que je m’inscris.

Je suis par ailleurs convaincu que notre génération dispose d’une mission particulière. Nous sommes une génération de transition. Nous nous situons entre les «baby-boomers», cette génération bénie des dieux qui a vécu au dessus de ses moyens au point de laisser à ses enfants et petits enfants une dette abyssale, et la génération dite «Y», celle qui ne croit plus en l’avenir et qui semble avoir renoncé à changer le monde. Nous, trentenaires, sommes, j’en suis sûr, le chaînon manquant qui fera en sorte que le futur sera à la fois innovant, imprévisible, mais également juste et équilibré. A nous maintenant de passer à l’action.

ITespresso > La « révolution » ne serait elle pas de se passer des institutions politiques et financières actuelles, en optant pour une démocratie directe et de nouvelles monnaies virtuelles ?

Rafik SMATI > Dans bien des domaines, les révolutions et ruptures n’émanent pas des acteurs qui sont au cœur du système : ils sont trop ancrés dans leurs certitudes, avec des horizons d’analyse trop restreints. Mais elles n’émanent pas davantage de ceux qui se mettent en opposition à ce système : le système serait bien plus puissant pour se protéger ! Non, les vraies révolutions sont toujours portées par des acteurs qui se placent
à la périphérie du système. Ce n’est pas un grand fabriquant d’aspirateurs qui a révolutionné l’aspirateur : c’est James Dyson, un ingénieur lassé d’avoir à remplacer les sacs de ses aspirateurs ; ce ne sont pas les grandes «majors» du disque qui ont bouleversé la distribution de musique : c’est Apple, qui cherchait à offrir du contenu à son iPod ! Il en est de même dans le domaine politique. Ce n’est pas un hasard si Barack Obama créa la surprise en 2008 : très peu connu au début de la campagne, il pouvait se prévaloir d’un regard neuf sur les choses…

Toutes les initiatives dont vous parlez sont intéressantes, notamment s’agissant de la démocratie directe et des monnaies virtuelles. Mais je crois encore au potentiel d’action politique, au cadre des institutions de la cinquième république qui permettent d’agir. Ce qu’il nous manque, ce ne sont pas de nouvelles règles du jeu. Ce dont nous avons besoin, c’est d’idées, d’audace, de créativité, et de grandeur !

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