Président de Randstad, François Béharel est formel : «[La France] compte 4 à 5 millions de chômeurs et des acteurs de l’emploi comme nous ont du mal à servir les commandes des entreprises ».
Pour gommer ce paradoxe, le spécialiste de l’intérim – qui emploie 3 600 personnes en France, pour 2,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2014 – s’est lancé, il y a trois ans, dans un projet big data.
Souhaitant dépasser le simple outil de mise en correspondance des offres et des CV disponibles, il a sollicité Capgemini pour développer une solution qui gère aujourd’hui quelque 1 000 qualification… et 11 000 compétences différentes.
En cas de pénurie sur une qualification, il est possible de zoomer sur les compétences nécessaires afin d’élargir la recherche et de trouver des passerelles entre les métiers. Bilan : on peut par exemple proposer à un métallier une formation pour devenir soudeur, un poste où l’offre est supérieure à la demande.
L’outil exploite les 3 millions de CV que possède Randstad, ainsi que les 12 millions d’annonces qui lui sont communiquées en moyenne chaque année par ses partenaires (Pôle Emploi et les job boards).
En coulisse, on trouve des technologies d’analyse sémantique et un arbre de décision permettant d’identifier les compétences acquises (dans les CV) ou attendues (dans les offres), ainsi que leur poids (typiquement le nombre d’années d’expérience).
Avec l’acquisition de données, les technologies de machine learning ont été « le gros morceau sur ce projet », à en croire Valérie Perhirin. Interrogée par Silicon.fr, la directrice des activités big data et analytics de Capgemini France précise que les développements reposent sur Hadoop (un cluster de 10 To sur base de distribution Cloudera) et sur Spark (le principal framework pour le système de gestion de données open source. Le tout avec une infrastructure Oracle.
A son lancement, le projet était centré sur l’algorithme de rapprochement des compétences et des profils. La solution s’est ensuite progressivement ouverte à d’autres services, tournés notamment vers les collectivités territoriales ou la direction des entreprises.
Aujourd’hui, les scénarios d’usage sont multiples. Certains concernent les candidats (orientation, entrée sur le marché du travail, anticipation des reconversions) ; d’autres, les recruteurs (disponibilité de compétences sur un bassin d’emploi, élargissement de la recherche en cas de pénurie).
L’outil offre aussi une vision stratégique sur des éléments comme la disponibilité de compétences dans le temps afin de cibler une implantation ; ou bien à propos des concurrents sur un bassin d’emploi en termes d’attractivité sur un métier donné.
Pour les collectivités et l’État, on a par exemple une carte permettant de mesurer, département par département et qualification par qualification, la tension entre offre et demande.
Actuellement testé au sein d’un projet pilote auprès d’une population experte, le service doit prochainement être amené aux 2 000 à 2 500 consultants de Randstad, déjà équipés de tablettes. Ces utilisateurs seront équipés en octobre. Ils n’accéderont qu’à une partie des visualisations que permet l’outil.
Randstad entend par la suite d’enrichir son outil de modèles prédictifs et projette aussi l’agrégation de la base de CV détenue par Pôle Emploi.
Une version publique, accessible à tous, est par ailleurs à l’étude. Cette dernière devrait proposer une vision statistique, François Béharel ayant clairement indiqué sa volonté de « ne pas brader cet outil » en donnant accès à tous au savoir-faire de son groupe, « à commencer par la passerelle entre métiers et compétences ».
Crédit photo : Juergen Faelchle – Shutterstock.com
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