Rapport Gallois : le numérique est dilué dans la compétitivité

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A travers le rapport Gallois sur la compétitivité de l’industrie française, on devine que le numérique aura un rôle à jouer mais il apparaît juste en filigrane.

Le « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française » intègre-t-il vraiment la dimension du numérique ?

La première lecture du rapport, que Louis Gallois a remis au gouvernement, fait naître quelques doutes tant la dimension IT est diluée (télécharger ici).

Il est d’emblée entendu que ce rapport ne fera pas de « préconisations sectorielles ». Du coup, on peut se montrer déçu par son contenu.

Réalisé sous la houlette du Commissaire Général à l’Investissement, le rapport démarre sur un postulat inscrit dans la lettre de mission : « L’industrie doit jouer un rôle majeur d’entraînement de l’économie pour la croissance, l’emploi et l’innovation. »

A la lecture de la documentation et des propositions en 65 pages, on peut se demander si par « industrie », il ne faut pas se contenter du secteur secondaire c’est-à-dire essentiellement les activités manufacturières…Le commerce électronique n’est jamais mentionné dans le rapport.

Donc, a priori, le lien entre la compétitivité et le numérique n’est pas vraiment souligné.

A travers les préconisations, on devine que le numérique aura un rôle à jouer mais il apparaît juste en filigrane. Louis Gallois pose davantage le débat sur la dimension « technologique » fédératrice (voire galvaudée ?). « La politique technologique, celle qui prépare l’avenir, est clairement interministérielle. »

« La France, contrairement aux idées reçues, est une terre d’émergence de PME innovantes, souvent révélées par le programme des Investissements d’Avenir et par les projets collaboratifs des pôles de compétitivité », peut-on lire en guise de fondements (déjà à ce niveau, on pourrait se montrer plus prudent).

« La création d’entreprises est plus active en France que chez la plupart de nos voisins. Le problème des PME est de grandir sans se faire racheter, soit par les grands groupes français (moindre mal), soit, de plus en plus souvent, par des groupes ou des fonds étrangers parfois prédateurs. »

Autre constat que l’on ne peut nier en substance : « La recherche française est reconnue mondialement. Certes, elle reste insuffisamment articulée avec le tissu productif, mais sa présence à très haut niveau, sur un large spectre, en fait un pilier de l’économie de la connaissance. Nos ingénieurs et nos personnels techniques sont bien formés et sont appréciés à l’étranger. Il y a en France un acquis d’expérience et de compétence industrielles qui reste considérable. »

En fonction des préconisations avancées, le secteur du numérique peut piocher à sa guise dans les éléments qui collent le mieux à ses propres problématiques. Notamment en creusant les 3 axes qui guident le rapport : « Jouer la montée en gamme, l’innovation et la productivité », « S’appuyer sur ce qui marche » et « Renforcer les partenariats et les synergies entre tous les acteurs de l’industrie ».

L’investissement est « la clé », « la priorité ». Mais pas seulement. « Nous verrons que cela suppose également une structuration plus dynamique de notre tissu industriel. »

L’une des premières propositions susceptibles d’intéresser les acteurs du numérique serait la création d’un Commissariat à la Prospective pour que l’État joue lui-même « un rôle de stratège, d’éclaireur de l’avenir ». Du coup, Louis Gallois appelle à « un renforcement et une meilleure coordination des structures d’intelligence économique et de veille technologique ».

Une ligne est néanmoins consacrée à la sécurité IT et cela devrait faire plaisir à l’ANSSI. « Les entreprises doivent être mieux protégées des cyber-attaques qui deviennent un problème majeur pour les industries de haute technologie. »

Autre mesure préconisée d’ordre général : la recherche publique et le soutien à l’innovation doivent être « budgétairement sanctuarisés comme le secteur de l’Éducation » sur la durée
du quinquennat.

Vers un Small Business Act à la française ?

Autre idée défendue dans la lignée d’une position prise par le Comité Richelieu par exemple : la création d’ l’équivalent du SBRI britannique (Small Business Research Initiative) ou du SBIR américain (Small Business Innovation and Research) qui orientent une partie de la commande publique vers des innovations ou des prototypes élaborés par des PME.

Avec, en guise de prolongement, un « mécanisme d’orientation de la commande publique vers des innovations et des prototypes élaborés par des PME : objectif de 2 % des achats courants de l’État ».

Les structures d’innovation et de diffusion des technologiques comme les Instituts Carnot, les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) ou la création des Instituts de Recherche Technologique (IRT) doivent être favorisées. Tout comme « l’industrialisation des projets issus des pôles de compétitivité ».

Le rapport gallois insiste sur cette dimension Small Business Act : financements, soutien à l’innovation et à l’exportation, commande publique…Autant d’éléments susceptible de permettre à l’État d’impulser « une dynamique de croissance » des entreprises et un « cadre de cohérence ».

La dimension de pilotage et la coordination avec les régions est primordiale : « Nous ne proposons pas de réduire le nombre de pôles de compétitivité, mais d’ajuster leur pilotage à leur dimension: l’État devrait assumer la responsabilité première – en coopération avec les Régions concernées – des pôles mondiaux ; les autres pôles pourraient utilement être pilotés par les régions – en coopération avec l’État. »

La BPI, pilier du financement des PME et ETI

La mise en place de la Banque publique d’investissement (BPI) est perçue comme « un instrument décisif de financement des PME et des ETI [entreprises de taille intermédiaire, NDLR] dans une période de retrait relatif des banques ».

Tout est une question d’optimisation du (co-) financement entre fonds publics et fonds privés. En particulier à travers le véhicule France Investissement destiné à « soutenir les entreprises ayant de forts besoins d’investissement au moment de l’industrialisation de leurs innovations ».

Le rapport Gallois précise : « La BPI devrait plus généralement accepter, elle aussi, des durées de retour sur investissement plus longues. Elle aura à s’engager pour que certains de nos fleurons technologiques ne soient pas rachetés par des entreprises étrangères et devrait pour cela pouvoir détenir des participations majoritaires temporaires lorsque l’intérêt national le justifie. »

Sa place est capital dans le dispositif. « La BPI, devra s’équiper pour mettre en oeuvre soit directement, soit par les fonds qu’elle gère, les priorités de la politique industrielle et technologique, notamment, le financement de grands programmes d’innovation, la structuration des filières et la diffusion des technologies génériques et du numérique dans les entreprises. »

Mais Louis Gallois n’oublie pas pour autant le rôle du  Commissariat Général à l’Investissement sont le rôle doit être confirmé et probablement renforcé pour prendre en compte la « priorité du redressement compétitif ».

Au-delà de l’action globale en faveur de la recherche et de l’innovation, le CGI pourrait être porteur de trois priorités techniques et industrielles jugées décisives : développement et la diffusion des technologies génériques (numérique et microélectronique, photonique, nanotechnologies, biotechnologies, matériaux, systèmes…), santé et l’économie du vivant, transition énergétique (dont les industries vertes ou green IT).

En guise de conclusion, le rapport Gallois plaide pour « l’innovation et la qualité, l’esprit d’entreprise et la prise du risque ». Mais il appelle aussi à « rompre les barrières et travailler ensemble, mettre en valeur les compétences et (re)donner le goût du progrès technique, ouvrir de nouveaux espaces de dialogue et stimuler l’intelligence collective ».

Il y a du pain sur la planche mais on l’avait déjà remarqué avec le rapport Attali pour « la libération de la croissance française » commandé par l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy (juin 2007 – janvier 2008) : beaucoup de propositions sont enterrées et on se rend compte que le fait de « rompre les barrières » est une étape compliquée…

Cinq mesures de financement des entreprises vraiment « sanctuarisées » ?
Dans le cadre de la présentation du Rapport Gallois, l’État s’engage à ne pas modifier cinq dispositifs de financement ou de transmission d’entreprise. Ce qui devrait notamment rassurer le cercle des Pigeons (disparus ?) :
– le crédit impôt recherche
– les dispositifs dits « Dutreil » favorisant la détention et les transmissions d’entreprises
– la contribution économique territoriale (68 modifications de la taxe professionnelle en 35 ans !)
– les incitations « sociales » aux jeunes entreprises innovantes, rétablies à leur niveau de 2010.
– les dispositifs en faveur de l’investissement dans les PME, notamment « l’IR PME30 »
et « l’ISF PME » (annonce du Président de la République à la Remise des Prix de l’Audace
Créative – le 20/09/2012).Le rapport Gallois considère également que « le développement de l’actionnariat dans les PME et les ETI doit plus généralement s’inscrire dans un cadre fiscal supportable pour un placement à risque et qui ne soit pas pénalisant par rapport à d’autres placements plus ‘confortables’ comme l’immobilier, dont la fiscalité pourrait être relevée ».

Credit photo Shutterstock  : Copyright : Julien Tromeur

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