Réactions mitigées au nouveau texte de la LEN
Si les fournisseurs d’accès semblent satisfaits du nouveau texte sur la confiance dans l’économie numérique, les associations se disent choquées et demandent à être reçues par le ministre.
Globalement, l’association des fournisseurs d’accès français (AFA) se dit satisfaite par le texte du projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN) voté au Sénat jeudi 8 avril 2004 (voir édition du 9 avril 2004). « L’AFA se félicite du compromis atteint par les sénateurs et le Gouvernement et, tout en tenant compte du débat ouvert par les députés, de leur implication pour assurer le développement de l’Internet en France dans le respect de l’ordre public », annoncent les FAI dans leur communiqué. L’objet de cette satisfaction est évidemment le retrait de l’obligation de surveillance a priori des contenus hébergés et des mesures de filtrage. Tout en rappelant que ces mesures sont contraires à la directive européenne que la LEN transpose en droit français, l’AFA « appelle l’ensemble des parlementaires à soutenir cette position équilibrée pour favoriser l’usage de l’Internet en France dans un cadre réaliste et régulé, propice à un climat de confiance pour les professionnels et les consommateurs ».
Mais la LEN, votée en l’état, ne fait pas que des heureux. La Ligue Odebi, très active sur ce dossier tout au long des débats parlementaires, se dit « profondément choquée ». L’association regrette que la suppression des contenus litigieux relève de la seule responsabilité des hébergeurs sur simple requête d’un citoyen – même si une sanction pénale assortie d’une amende devrait limiter les abus – et accuse surtout les sénateurs d’avoir cédé aux pressions du lobby des industries culturelles : « Le gouvernement français et la majorité parlementaire n’ont rédigé cette loi que pour satisfaire les intérêts économiques du lobby audiovisuel dans le mépris le plus absolu des citoyens français. » Une accusation lancée sur la base de l’article IV nouvellement introduit par les sénateurs, qui précise que la liberté d’expression sur Internet est libre mais limitée « par le respect de la dignité de la personne humaine […] ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle ». Pour Odebi, cette dernière condition, mise sur le même plan que « la sauvegarde de l’ordre public » ou encore « les besoins de la défense nationale », montre que « le développement économique du lobby audiovisuel prime sur la liberté d’expression ».
Les dangers de l’autocensure
Une dérive qui provoque « un sentiment de révolte » chez Odebi, Reporters Sans Frontières et le Syndicat de la magistrature qui, dans une lettre commune, demandent à être reçus par Nicolas Sarkozy, récemment nommé ministre de l’Economie et des Finances, ou par son délégué à l’Industrie, Patrick Devedjian, afin de présenter « des solutions concrètes pour sortir de la crise engendrée par ce texte ». Les trois organisations souhaitent notamment rappeler que, bien que la directive européenne ait prévu une régulation des contenus en ligne par les prestataires techniques, trois pays européens ont « pris la mesure du danger représenté par la création d’une autocensure de l’Internet » en refusant d’accorder des responsabilités éditoriales aux hébergeurs. La gestion de la légalité des contenus en ligne a été confiée à un « organe compétent » en Italie et en Espagne et au procureur du roi chez nos voisins belges.
Avant d’être définitivement adoptée, la LEN doit encore passer devant une commission paritaire mixte composée de quatorze sénateurs et députés qui devront se mettre d’accord sur les aménagements finaux. En cas d’échec – peu probable – des négociations, la loi devra repasser devant les assemblées parlementaires.