Ce mardi 8 mars 2016, l’Assemblée nationale votait massivement – à 474 voix pour et 32 contre – le projet de réforme pénale contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.
Présenté par le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, le texte est défendu par le gouvernement comme « une arme contre la menace et un bouclier pour nos libertés fondamentales ».
Nous en sommes au début de la navette parlementaire. Si bien que les députés ont eu à examiner nombre d’amendements, y compris sur le volet numérique et plus précisément la question du chiffrement, dans la lignée du litige qui oppose Apple au gouvernement américain de l’autre côté de l’Atlantique.
Si les députés s’accordent sur la nécessité de se montrer plus coercitif vis-à-vis des opérateurs télécoms, fournisseurs d’accès Internet et exploitants de services qui refusent de communiquer des données dans le cadre d’affaires de terrorisme, ils ont du mal à placer le curseur.
On en a eu l’illustration la semaine passée avec le rejet, à 12 voix contre et 11 voix pour, de l’amendement no 221 déposé par Éric Ciotti. Le député Les Républicains des Alpes-Maritimes souhaitait permettre la poursuite, sans distinction, pour complicité de crime ou délit terroriste, les acteurs du marchés qui ne répondent pas aux réquisitions de l’autorité judiciaire.
Il proposait jusqu’à 2 millions d’euros d’amende et la possibilité, pour les tribunaux, d’interdire temporairement la commercialisation des produits et services incriminés (par exemple l’iPhone dans le cas d’Apple).
Le socialiste Pascal Popelin, co-rapporteur de la commission des lois, de la législation et de l’administration générale de la République, avait émis un avis défavorable, estimant, comme Jean-Jacques Urvoas, que la réflexion devait être menée au plan européen, voire international.
Il s’était, en revanche, prononcé en faveur de l’amendement no 90, déposé par le député-maire LR du 15e arrondissement de Paris Philippe Goujon et consistant à insérer, après l’article 4 ter du projet de loi, des dispositions visant à modifier le code de procédure pénale pour aggraver les peines encourues par les entreprises privées et les organismes en cas de refus de coopérer avec la justice. En l’occurrence, de communiquer aux officiers de police judiciaire « toutes les informations utiles à la manifestation de la vérité ».
L’amendement de Philippe Goujon étend la peine maximale encourue à 15 000 euros et 2 ans de prison, contre 3 750 euros actuellement, à condition qu’il s’agisse d’une affaire de terrorisme.
Mais il implique aussi l’intégration, dans l’article 60-2 du code pénal, d’un alinéa visant « les constructeurs mêmes des moyens de cryptologie dont le décryptage est nécessaire [aux enquêtes] ». Ces derniers pourraient être puni de 350 000 euros d’amende et de 5 ans d’emprisonnement en cas de refus opposé à des investigation portant sur des crimes et délits terroristes.
La disposition est aussi intégrée, comme le note NextInpact, à l’article 230-1 du même code pénal, qui permet à la justice de désigner une personne qualifiée pour l’aider à obtenir, en clair, des informations chiffrées à l’origine, « ainsi que, dans le cas où un moyen de cryptologie a été utilisé, la convention secrète de déchiffrement, si cela paraît nécessaire ».
On notera que le député LR Pierre Lellouche, dont l’amendement no 51 visant à obliger les acteurs du marché à fournir des informations à la justice sous peine de se voir considérés comme complices de terrorisme avait été rejeté, s’est abstenu lors du vote du projet de loi.
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