L’essentiel de la loi sur le renseignement a été validé par le Conseil constitutionnel à travers la décision n° 2015-713 DC rendue le 23 juillet.
Malgré les craintes d’atteintes aux libertés individuelles soulignées à multiples reprises pendant les débats parlementaires par de nombreuses organisations militantes pour la défense des libertés individuelles, des chambres professionnelles du secteur numérique et des syndicats de professions en lien avec la police ou la justice.
On attendait notamment la position des Sages sur le point le plus sensible : les « boîtes noires » ou la mise en œuvre par les opérateurs de traitements automatisés permettant de détecter, sur leurs réseaux, des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste. Bref, il s’agit de filtrer les communications en amont sur les réseaux télécoms.
Cette disposition incluse dans l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure est « conforme à la Constitution », « compte tenu des importantes précautions prises pour encadrer le recours à cette technique ».
C’est donc un échec pour les opposants au projet de loi sur le renseignement qui perçoivent un risque de dérive de cyber-surveillance généralisée.
Plusieurs saisines d’origine politique avaient été adressées au Conseil constitutionnel : Président de la République, Président du Sénat et 106 parlementaires dans une approche trans-partisane.
Avec la publication de cette décision n° 2015-713 DC très attendue, les Sages ont gardé dans l’esprit une volonté de limiter les atteintes au droit au respect de la vie privée dans la collecte d’information susceptible d’être exploité par les services de renseignement.
« Elles doivent être proportionnées à l’objectif poursuivi ». A charge pour la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ((CNCTR) et le Conseil d’État de veiller « au respect de cette exigence de proportionnalité ».
On remarque néanmoins deux articles et une disposition censurés :
– « l’urgence opérationnelle » invoquée au nom d’une « menace imminente », qui permettait aux services de renseignement de se soustraire au contrôle politique (c’est-à-dire de déroger à la délivrance d’une autorisation par les services du Premier ministre ou l’un de ses collaborateurs directs habilités au secret défense ou à la délivrance d’un avis préalable de la CNCTR) : c’est « une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances ».
– un article du code de la sécurité intérieure relatif aux mesures de surveillance internationale. Les conditions d’exploitation, de conservation, de destruction des renseignements collectés et de contrôle de légalité par la CNCTR n’ont pas été déterminées par le législateur.
– une disposition gênait également le Conseil constitutionnel : elle portait sur le contrôle des comptes de la CNCTR, « qui relève du domaine réservé des lois de finances ».
Constatant un encadrement suffisant des pratiques de recueil des données au nom de la communauté du renseignement, le Conseil constitutionnel a validé plusieurs mesures adoptées par le Parlement :
– techniques de sonorisation de certains lieux et véhicules et de la captation d’images et de données informatiques;
– durées de conservation des données en fonction des caractéristiques des renseignements collectés;
– réquisition administrative de données techniques de connexion auprès des opérateurs;
– transmission en temps réel de données techniques par voie de géolocalisation, de dispositifs techniques permettant la localisation en temps réel et recueil de données techniques au moyen d’un appareil ou d’un dispositif technique spécifique.
Ainsi, les services de renseignement pourront recourir à des valises espions (« IMSI-catchers ») jusqu’ici réservées à la justice, qui permettent de capter toute conversation dans un rayon de 500 mètres.
La décision du Conseil constitutionnel risque de décevoir les organisations qui avaient protesté contre certaines dispositions du projet de loi.
Il est probable que des recours devant la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) voire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (juridiction du Conseil de l’Europe) soient déposés.
Pour aller jusqu’au bout de la démarche de contestation.
(Crédit photo : Shutterstock.com – Droit d’auteur : rickyd)
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