La loi sur la liberté de la communication a finalement été votée le 28 juin 2000 lors d’une lecture finale au Sénat. Conformément aux attentes, le texte aura été peu modifié. Pourtant, plusieurs associations dont l’Iris (Imaginons un réseau Internet Solidaire), ont redoublé d’activité pour alerter le public sur les risques que font peser le texte. La loi oblige désormais à fournir son nom, son prénom et son adresse dès lors que l’on devient éditeur d’une page personnelle sur Internet. On a évité le pire, car rien n’oblige à afficher son véritable nom sur son site. On peut se « contenter » de faire figurer sur ses pages son pseudonyme et le nom de son hébergeur. N’empêche, une interprétation du texte laisse penser qu’il faudra bientôt fournir son identité à la moindre prise de parole impliquant la liberté d’expression, sur les forums de discussion par exemple. Une éventualité violemment dénoncée par le président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme (voir édition du 20 juin 2000).
« Cette loi est une mauvaise loi, liberticide et hypocrite », lit-on sur le site de l’Iris. De fait, rien n’oblige les fournisseurs de services à vérifier l’identité des internautes. Mais le renforcement de la récolte de données personnelles inquiète, d’autant que leur éventuel usage commercial est difficile à contrôler. Certes, la Commission Nationale pour l’Informatique et les libertés (CNIL) sera consultée avant la publication du décret d’application de la loi pour préciser la manière de conserver les données personnelles. Pour illustrer avec ironie toute l’ambiguïté de la situation, l’Iris incite les internautes à s’identifier auprès d’un hébergeur « avec les coordonnées suivantes : Nom : Tartuffe, Prénom : Amendement, Adresse : Assemblée nationale ».
Le ton est plus serein chez les fournisseurs d’accès et d’hébergement. Selon Jean-Christophe Le Toquin, délégué permanent de l’association des fournisseurs d’accès (AFA), le texte conserve à l’abonné le droit à l’anonymat. Quant à la fuite des données, « nous ne les communiquons pas en dehors des procédures de justice », poursuit-il. Même les flous portant sur la réponse à adopter lors d’une plainte n’apparaît pas gênante. « Nous avons une équipe constituée d’une dizaine de juristes qui ont étudié les versions successives du texte de loi. Et nous ne ressentons aucune difficulté avec la version adoptée », indique Jean-Christophe Le Toquin.
Ainsi, la polémique sur les « diligences appropriées » à mettre en place pour empêcher l’accès à un site litigieux retombe comme un soufflé. L’AFA fait confiance aux juges pour déterminer si, en cas de plainte, les hébergeurs ont agi correctement et suffisamment vite, et s’il avait mis en place un minimum de surveillance (voir édition du 19 juin 2000). Autre point rassurant, lors des discussions à l’Assemblée et au Sénat, le texte fixait une peine de 3 mois d’emprisonnement et de 25 000 francs d’amende pour l’hébergeur s’il communiquait ou affichait des informations fausses ou falsifiées. Finalement, cette disposition est passée à la trappe, selon le porte-parole de l’AFA.
Même si les décrets ne sont pas encore publiés, la loi sur la liberté de la communication a ses premiers effets. Sur son site Altern.org, l’hébergeur de pages personnelles Valentin Lacambre a baissé le rideau. Temporairement, histoire de réfléchir au moyen d’obtenir les données obligatoires sur les internautes. « Altern.org n’ayant pas identifié ses utilisateurs par leur nom, prénom et domicile, je dois soit arrêter, soit mettre en place la réouverture des sites Web après identification », lit-on sur la seule page disponible. Les possesseurs actuels d’une page perso seraient-ils d’accord pour donner leur coordonnées ?
Pour en savoir plus :
* L’Iris
* L’AFA
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