L’épopée de la sonde Rosetta, l’épidémie Ebola, la disparition du vol 370 Malaysia Airlines, le triomphe de l’Allemagne lors de la Coupe du monde de football : Google passe en mode rétrospective et retrace les grands moments de l’année 2014 à travers les requêtes formulées dans son moteur de recherche.
Mais qu’en est-il du business du groupe Internet ? Au-delà des services en ligne, l’heure est à la diversification. Mobilité, salon numérique, voiture connectée, santé-médecine, très haut débit, nouvelles interfaces homme-machine : le discours a nettement évolué en l’espace un an. Et les ambitions se sont traduites dans les faits, du rachat de Nest Labs début janvier à l’officialisation, cette semaine, d’investissements records consentis pour soutenir start-up et PME innovantes.
Google se projette de plus en plus sensiblement vers l’avenir, dans des domaines aussi variés que la santé-médecine, l’industrie automobile et l’informatique quantique. Sur ce dernier point, le groupe Internet s’est allié à l’université californienne de Santa Barbara pour concevoir les processeurs qui équiperont « l’ordinateur du futur ». Il entend aussi, par l’intermédiaire de sa division Google Genomics, proposer des outils permettant le stockage et le traitement d’informations génétiques.
La R&D s’intensifie par ailleurs dans le cadre du « Self-Driving Car project« , qui vise à développer une voiture électrique automatique. Google cherche aussi à motiver les contributions externes, par exemple avec le Little Box Challenge, doté d’une récompense d’un million de dollars pour qui repoussera les limites de la densité électrique en créant l’onduleur proposant le meilleur rapport puissance/encombrement.
Dans l’état actuel, de nombreux efforts sont consacrés à la sécurité informatique. Depuis le début de l’année, Google a notamment lancé la technologie Verify Apps, qui permet de détecter les vulnérabilités et les comportements potentiellement malveillants des applications Android après leur installation.
Au printemps, les travaux se sont portés sur une amélioration du dispositif de « kill switch » intégré à Android pour prévenir le vol de téléphones mobiles. Google a également mis les bouchées doubles en montant une troupe d’élite « Project Zero » pour détecter les failles dans les principaux logiciels du marché.
Dans le cadre du front mené par les grandes entreprises IT en réponse aux opérations d’espionnage de la NSA, un accord a été signé avec Yahoo pour renforcer la sécurité des systèmes de messagerie électronique. C’est justement Gmail qui a fini par se retrouver au centre d’une affaire de piratage : les adresses électroniques et de mots de passe liés à près de 5 millions de comptes ont fuité… dans des circonstances encore floues, un prestataire tiers endossant finalement la responsabilité.
2014 fut aussi l’année des alliances. Illustration avec l’entité Simply Secure, montée avec Dropbox et dédiée à la simplification des solutions de sécurité informatique. Parallèlement, les travaux se sont portés sur le moteur de recherche. Non seulement en prenant en compte l’accès Web sécurisé (HTTPS) comme critère de référencement des sites Web, mais aussi par une mise à jour de l’algorithme, désormais capable de repérer plus pertinemment les sites hébergeant des contenus malveillants.
Ces dernières semaines, Google s’est distingué par ses travaux sur l’authentification renforcée, avec une clé USB permettant de protéger les accès à ses services Internet via le navigateur Chrome. Ce sont aussi ses équipes qui ont découvert la faille POODLE dans le protocole SSL/TLS.
Google n’en a pas moins été actif sur le volet des réseaux. Le déploiement de la fibre à 1 Gbit/s s’est accéléré aux Etats-Unis et il est déjà question de porter le débit à 10 Gbit/s dans un délai de deux ans. Dans les airs, c’est le projet Loon qui prend forme. Il vise à élargir la couverture Internet dans le monde en exploitant des ballons stratosphériques.
Google travaille aussi au déploiement de liaisons câblées sous-marines. Pour soutenir son projet de connexion USA-Japon, la multinationale a intégré un consortium télécoms-Internet. Elle a plus récemment mis en place des tests de transmissions sans fil à ultra-hautes fréquences pour ouvrir de larges bandes passantes sur de courtes distances.
Le business publicitaire a également évolué avec de nouveaux outils et formats pour les annonceurs souhaitant se positionner sur le mobile. Mais aussi des technologies de ciblage destinées aux e-commerçants qui désirent donner davantage de visibilité à leurs applications pour smartphones/tablettes. Parmi les nombreuses offres lancées cette année, on peut citer le bouton de rappel Website Call Conversions, qui se déploie sur les sites Web pour rester en contact avec un internaute après l’avoir attiré via Google AdWords.
Dans cette lignée, Google a élargi, aux Etats-Unis, la disponibilité de son service de livraison express des produits commandés sur les sites marchands. Son laboratoire Google X a pour sa part révélé un projet d’exploitation de drones pour la livraison aérienne. Testé en Australie, le service pourrait faire ses débuts commerciaux à l’horizon 2016.
Difficile toutefois, dans cette spirale innovante, d’éclipser la question des brevets. En 2014, Google s’est attaché à apaiser les tensions en nouant successivement des accords de licences croisées avec Samsung (sur 10 ans), Cisco (« sur le long terme ») et LG (sur 10 ans également). Un pacte de non-agression a également été signé avec Apple.
Cependant, certaines tensions demeurent. En tête de liste, ce conflit de longue haleine avec Oracle concernant l’exploitation de la technologie Java au sein d’Android. D’autres litiges ouverts de longue date ont finalement connu une issue. C’est le cas de cette bataille avec le consortium Rockstar, qui associe des entreprises IT comme Apple et Microsoft et qui faisait valoir un lot de brevets issu du démantèlement du groupe canadien Nortel pour viser l’écosystème Android.
Google aura également connu des remous en interne. Fin octobre, Andy Rubin quittait le navire après 9 années passées à la tête d’Android, puis d’une division dédiée à la robotique. Quelques jours plus tôt, Sundar Pichai avait pris du galon : jusqu’alors responsable du développement de Chrome et des Google Apps, il supervise désormais l’ensemble des services Internet du groupe. En avril, c’était Vic Gundotra, principal responsable de Google+, qui avait mis les voiles.
Ces bouleversements dans le top management n’ont pas empêché Google de poursuivre ses investissements : en 2014, sa branche Google Ventures aura investi environ 425 millions de dollars dans des start-up innovantes (dont 125 millions en Europe). Elle a aussi pris part à la méga-levée de fonds – 542 millions de dollars – réalisée par Magic Leap, entreprise à l’origine d’une interface homme-machine susceptible de remplacer les écrans des smartphones et des ordinateurs.
En plus de mettre ses billes dans plusieurs start-up et PME innovantes, Google en a acquis un certain nombre. L’année s’était ouverte sur le rachat de Bitspin, éditeur suisse de l’application Timely, horloge hautement personnalisable pour les smartphones et tablettes Android.
Ont suivi DeepMind (intelligence artificielle), SlickLogin (système d’authentification basé sur le transfert de clés sécurisées par ultrasons entre un PC et un smartphone), Green Throttle Games (jeux mobiles pour Android), Titan Aerospace (avions solaires) ou encore Rangespan (intégration automatisée de produits dans des catalogues sur les sites e-commerce).
Google s’est aussi renforcé dans la mesure de performance des campagnes marketing multicanales avec Adometry… avant de s’offrir, coup sur coup, Appetas (plate-forme de création de sites Web pour restaurateurs) et StackDriver (solutions de maintenance des applications Web). Autres acquisitions portant sur des actifs technologiques : Quest Visual (traduction instantanée sur mobile), Divide (gestion de la mobilité en entreprise), Skybox Imaging (micro-satellites d’imagerie terrestre), mDialog (gestion de la publicité vidéo) et Alpental (communications sans fil à haut débit).
L’été s’est ouvert sur le rachat d’Appurify (test de sites et d’applications mobiles). Songza (recommandation musicale) est aussi passé dans l’escarcelle de Google, au même titre que drawElements (contrôle des performances 3D sur mobile), Directr (montage de séquences vidéo sur mobile) et Emu (messagerie instantanée avec assistant virtuel « à la Siri »).
Peu avant la rentrée, Google annonçait l’acquisition de Jetpac (conception de guides urbains thématiques à partir de photos Instagram), puis celle de Zync Render (production d’effets spéciaux pour les studios d’animation). Par la suite, le groupe Internet est monté en puissance sur les sondages en ligne adaptés au mobile, avec Input Factory. Il a ensuite mis la main sur Firebase (le « Dropbox des développeurs ») pour consolider Google Cloud Platform.
Ces dernières semaines, deux start-up spécialisées dans l’intelligence artificielle (Dark Blue Labs et Vision Factory) sont passées dans son giron. le dernier rachat en date est celui de RelativeWave et ses solutions de prototypage d’applications mobiles pour iOS.
Autre sujet récurrent de cette année 2014 : le principe de « droit à l’oubli » institué au mois de mai par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) portant sur le traitement des données personnelles collectées par les moteurs de recherche. Invité à traiter les demandes émanant d’internautes souhaitant obtenir le déréférencement de certains contenus, Google mettait en place, au mois de juillet, une formulaire dédié.
Au 16 décembre, 170 000 requêtes ont été déposées, dont 50 000 en France. L’arbitrage est souvent difficile pour Google, qui doit traiter des dossiers pénaux graves, des photos embarrassantes, des cas d’intimidation en ligne, des injures, des articles de presse négatifs…
D’autres sujets délicats émaillent cette fin d’année. En premier lieu, la fermeture de Google News en Espagne, où une loi imposant la taxation des agrégateurs de contenus sur Internet entrera en vigueur le 1er janvier 2015. Face à la perte massive d’audience que risque d’entraîner cette décision, les éditeurs sur place cherchent un consensus.
Google envisagerait aussi un retrait partiel de Russie, en supprimant ses ressources d’ingénierie sur le plan local… mais en maintenant ses forces de ventes, de marketing et de support. On évoque une décision guidée par des considérations politiques, mais aussi par cette loi qui, depuis quelques mois, oblige tous les fournisseurs de services en ligne à stocker les données des citoyens russes au niveau national.
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