Rétrospective 2016 : Yahoo laisse à Verizon un empire affaibli
Au cours d’une année 2016 marquée par son passage dans le giron de Verizon, Yahoo n’est pas passé entre toutes les gouttes.
L’élection présidentielle américaine, les Jeux olympiques de Rio, le crash du vol MS 804 d’Egyptair, le Brexit… Il est venu l’heure, pour Yahoo, de dresser le bilan de l’année 2016 à partir des mots-clés les plus recherchés sur son moteur* en France.
Mais qu’en est-il de la chronologie des événements pour la société Internet pionnière ?
L’année aura été rythmée par deux temps forts : le passage dans le giron de Verizon et un piratage massif.
Elle s’était ouverte sur un revers aux États-Unis : la justice avait donné son feu vert à la constitution d’un recours collectif par des usagers de Yahoo Messenger se plaignant d’avoir reçu des SMS indésirables.
Début février, les résultats annuels étaient tombés. Dans la lignée de l’annonce, en décembre 2015, d’une nouvelle configuration corporate marquée par la constitution d’une entité regroupant le core business et la participation dans Yahoo Japan (alors valorisée à 7 milliards de dollars), le groupe avait fait le point sur les prochaines étapes de sa restructuration.
Outre 1 500 suppressions de postes inscrites dans un plan d’économies de 400 millions de dollars, il fut décidé de fermer des bureaux à Dubaï, Mexico, Buenos Aires, Milan et Madrid. Mais aussi de mettre un terme à l’exploitation de certains produits, tout en segmentant l’offre annonceurs avec, d’un côté, Gemini pour le search et les native ads et de l’autre, BrightRoll pour le programmatique appliqué à la vidéo, au display et aux formats natifs.
Verizon veillait
Quelques jours plus tard, on apprenait que Yahoo avait possiblement engagé des « discussions préliminaires » en vue d’une revente de tout ou partie de ses activités. À l’époque circulaient les noms d’AT&T, Comcast, IAC, News Corp, Walt Disney… ou encore Verizon.
Les manœuvres entreprises dans les semaines suivantes n’ont plus laissé de place au doute, Yahoo nommant un comité indépendant chargé d’explorer « des alternatives stratégiques », tandis que son board se rapprochait de trois banques et d’un cabinet d’avocats.
Le mois de février aura également été l’occasion d’officialiser un grand chambardement éditorial, avec la fin de 7 magazines numériques. La liste s’était allongée en mars avec des médias comme Yahoo Astrology, diverses API et les services BOSS (« Build your Own Search Service ») destinés à la mise en place de moteurs basés sur les technologies de Yahoo.
Fin mars, une étape était franchie, avec un appel à tous les acquéreurs potentiels du cœur de business dans le Web et des actifs en Asie (tout particulièrement la participation dans Yahoo Japan). On évoquait, à ce moment-là, des « manifestations d’intérêt » de la part d’une quarantaine d’acteurs qui ont pu prendre connaissance de la situation délicate de Yahoo par le biais du prospectus que leur ont communiqué les banques accompagnant le processus de revente.
La valse des prétendants
Plus le temps passe, plus Verizon a la faveur des pronostics. La somme de 16 milliards de dollars circule au cœur du printemps, tandis que Google et la maison mère du tabloïd britannique The Daily Mail rejoignent le cercle des aspirants pressentis.
L’étau se resserre au mois de mai : Yahoo aurait retenu une dizaine d’offres de reprise de ses activités Internet, dont la plupart intégralement en numéraire. D’abord réticente à une vente, Marissa Mayer se montre plus ouverte. L’arrivée en force de Starboard Value LP au conseil d’administration a sans douté pesé lourd dans la balance. Le fonds activiste faisait entendre sa voix de longue date, appelant à vendre plutôt qu’à reconstruire le business autour de ses atouts.
En juin, quelques jours après une mise en lumière sans précédent de « lettres de sécurité » reçues du FBI, circule la rumeur d’une offre à 3 milliards de dollars signée Verizon, dans un contexte toujours aussi difficile illustré par une baisse des bénéfices sur le 1er trimestre 2016.
Quelques semaines plus tard, on touche au but : il ne resterait qu’une demi-douzaine de propositions échelonnées de 3,5 à 5 milliards de dollars, la différence se faisant essentiellement au niveau des brevets et des actifs immobiliers. Les rumeurs n’excluent alors pas que SoftBank, propriétaire de Yahoo Japan, entre dans la danse. Circule aussi le nom de Dan Gilbert, président-fondateur de Quicken Loans, propriétaire de la franchise de basket-ball des Cavaliers de Cleveland et prétendument soutenu par le milliardaire Warren Buffett.
Hacking end
Les résultats trimestriels présentés en juillet relèvent de l’exercice de style : Yahoo s’emploie à redéfinir le périmètre de certaines activités et à reclasser les revenus associés, met en avant la baisse des dépenses d’exploitation et insiste sur le bénéfice généré par la vente d’actifs immobiliers.
Le 25 juillet, la nouvelle tombe : Verizon a remporté les enchères pour 4 825 800 dollars, laissant de côté des brevets, des propriétés immobilières et des participations minoritaires.
Affaire conclue ? Pas tout à fait. Au mois d’août, des informations prétendument rattachées à 200 millions de comptes Yahoo émergent sur le darkweb, vendues par un hacker pas inconnu au bataillon. Le groupe de Marissa Mayer confirme alors simplement avoir lancé une enquête, sans se prononcer sur l’authenticité des données en question.
Fin septembre, c’est la confirmation : une alerte de sécurité fait état d’au moins 500 millions de comptes affectés dans le cadre d’un assaut remontant à fin 2014. Attribuant les faits à « un agent piloté par un État », Yahoo s’engage à diffuser des e-mails d’information à ses membres, à renforcer le contrôle des accès aux comptes et à pousser l’authentification forte.
L’affaire rebondit rapidement en justice. L’une des plaintes est déposée par un résident new-yorkais persuadé que certaines personnes en interne « savaient » et qu’elles n’ont rien ébruité pour ne pas compromettre le deal avec Verizon.
Chaud et froid
En octobre, un expert reconnu en sécurité IT attribue le hack non pas à un « agent piloté par un État », mais à Group E, un collectif de pirates basé en Europe de l’Est et auquel on associe aussi des offensives contre Dropbox et LinkedIn.
Dans la foulée, Reuters dévoile que Yahoo aurait accepté de développer, pour le renseignement U.S., un « programme espion » scannant, en temps réel, tous les contenus envoyés via son service de messagerie électronique. L’épisode aurait entraîné des remous en interne, allant jusqu’à précipiter le départ du RSSI Alex Stamos.
Ces révélations, doublées du piratage massif, ont refroidi Verizon, qui a fini par confirmer, par la voie de son directeur juridique Craig Silliman, que l’accord d’acquisition de Yahoo pourrait effectivement faire l’objet d’une renégociation au rabais.
Le groupe télécoms américain regrette de n’avoir été averti du hack que le 22 septembre, alors que, d’après lui, des personnes – dont Marissa Mayer – étaient au courant au moins depuis le mois de juillet.
Le formulaire 10-Q remis le mois dernier à la SEC (Securities and Exchange Commission, gendarme des marchés financiers aux États-Unis) semble même témoigner du fait que Yahoo avait détecté l’intrusion dès fin 2014…
* Au dernier pointage de StatCounter pour le mois de novembre 2016, Yahoo dispose, toutes plates-formes confondues, d’une part de marché de 1,86 % sur la recherche en ligne en France, contre 94,24 % pour Google et 3,39 % pour Bing de Microsoft.