Richard Stallman: « Les mesures techniques de protection sont injustes »
La figure emblématique du libre a manifesté à Paris contre le verrouillage des contenus numériques. Vnunet.fr l’a interviewé.
Au départ, votre action était très centrée sur le logiciel, vous touchez aujourd’hui de plus en plus au domaine culturel ?
Oui et non, c’est vrai que dans les années 90, jai partiellement généralisé l’idée de logiciel libre aux autres oeuvres. Pas complètement, je ne dis pas que toutes les oeuvres doivent être libres. Les ouvrages de référence ou d’éducation doivent être libres. Mais les oeuvres d’art et d’opinion ne doivent pas l’être. Il y a tout de même une liberté de base que tout le monde doit toujours avoir, c’est la liberté de diffuser non commercialement des copies exactes. Cest d’abord pour cette raison que je m’oppose aux DRM.
Où en êtes-vous dans la réalisation de la licence GPL v3 ?
Nous avons presque terminé d’élaborer la seconde version « préliminaire » du texte qui sera publié.
Qui est chargé d’examiner ce texte ?
Moi. Il y a une raison pour cela. La grande majorité des utilisateurs de logiciels libres ne sont pas partisans de la liberté donc on ne peut pas leur laisser prendre les décisions sur la manière de protéger notre liberté.
Linus Torvald a mal reçu cette nouvelle version de la licence, non ?
C’est son opinion. Il a le droit de l’utiliser ou non. Son problème est qu’il n’accorde pas assez de valeur à la liberté. Dans la GPL 3, nous n’allons pas interdire le fonctionnement des DRM mais nous envisageons de défendre la liberté de l’utilisateur de faire tourner la version modifiée qu’il a le droit de créer. Dans la version 2, l’utilisateur a le droit d’accéder au code source, de le modifier mais certaines machines ont été fabriquées pour ne pas accepter l’installation de versions modifiées, comme le TiVO qui ne permet pas d’utiliser des versions modifiées par l’utilisateur [NDLR: le TiVO est un magnétoscope numérique très répandu aux Etats-Unis]. En fait, on peut l’installer mais le TiVO refuse de la faire tourner. C’est la mauvaise pratique de restriction que nous voulons éviter. Nous voulons interdire la « Tivoisation ». Nous allons exiger que le fabricant livre à l’utilisateur toutes les clefs nécessaires pour l’installation et l’utilisation des versions modifiées. En vérité, qui veut ôter cette possibilité à l’utilisateur ? Celui qui veut imposer une fonctionnalité malveillante, comme les fonctions de surveillance ou les DRM. Beaucoup de développeurs veulent imposer de telles fonctionnalités. La première étape passe par l’implémentation de cette fonctionnalité dans un programme. La seconde étape consiste à interdire à l’utilisateur la possibilité de corriger le problème. C’est sur cette seconde étape que la version 3 de la GPL agira.
Vous pensez que c’est ce point précis qui gêne Linus Torvald ?
Oui, il n’est pas d’accord. Il ne le fait pas lui-même. Mais, de manière incompréhensible, il est en faveur du droit de les imposer aux utilisateurs.