Routeurs chinois : Jean-Marie Bockel veut instaurer un rapport de force
Assises de la sécurité IT : en matière de cyberdéfense, le sénateur justifie sa position concernant l’interdiction sur le sol français d’équipements chinois pour cœurs de réseaux (Huawei, ZTE).
Jean-Marie Bockel, sénateur (UCR – Haut-Rhin), est conscient qu’il a fait du bruit avec l’une de ses recommandations inscrites dans son rapport sur la cyberdéfense.
La proposition visant à « interdire sur le territoire national et à l’échelle européenne le déploiement et l’utilisation de ‘routeurs‘ ou d’autres équipements de cœur de réseaux qui présentent un risque pour la sécurité nationale, en particulier les ‘routeurs’ et certains équipements d’origine chinoise » a provoqué des remous.
Deux mois et demi après la publication de ce document élaboré au nom de la commission sénatoriale des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, Jean-Marie Bockel a apporté des précisions sur quelques points de son rapport.
Sur la polémique des routeurs chinois, il confirme lors d’un point presse : « Je n’ai pas changé d’avis. Mais ma position n’est pas figée. Je ne l’ai pas improvisée. Ce n’est pas un coup médiatique. Mais il existe d’autres propositions plus importantes dans le rapport. »
Le sénateur indique qu’il devrait rencontrer prochainement l’équipementier chinois Huawei en première ligne (quid de ZTE ?).
De manière étonnante, il ne les avait pas rencontrés avant la publication du rapport : « Je vais les voir, les rencontrer de manière plus approfondie dans quelques semaines. J’aurais pu les rencontrer avant, c’est vrai. Mais je ne peux pas auditionner tout le monde (…) ».
Il pourrait profiter de la fenêtre des Assises de la sécurité IT : Huawei France dispose d’un stand sur place et son président François Quentin est présent.
De plus, l’équipementier apporte sa propre vision de la cybersécurité dans un livre blanc en appelant « à une meilleure collaboration ».
L’Agence nationale de la securité IT en France (ANSSI) l’a aidé à « mesurer les enjeux » mais aussi l’agence homologue en Allemagne (BSI). « On va travailler ensemble. »
Jean-Marie Bockel poursuit : « J’ai résisté avant de me laisser convaincre qu’il fallait le dire. Ce n’est pas une démarche anti-chinoise. »
Rappelant au passage que France Telecom travaille avec la Chine mais pas sur les cœurs de réseaux ».
C’est plus subtil : « Je sais que les Chinois ne sont pas insensibles aux rapports de force. Dans ce domaine, il n’y a pas de protection absolue, mais on peut limiter les risques…(…) « Il faut améliorer les règles du jeu. »
L’ancien ministre poursuit : « Je sais comment se passent les discussions avec Huawei au Royaume-Uni. Il y a des progrès et des exigences en termes de normes et de médiation. »
Tout comme dans le domaine des relations commerciales (l’Union européenne a enclenché contre Huawei une procédure pour dumping), les relations avec la Chine sont compliquées en matière de cybersécurité : c’est une grande puissance offrant un vivier de ressources pour lancer des attaques dans le monde…Mais, à l’inverse, ce pays en est également une des plus grandes cibles de prédilection.
« Les officiels chinois sont demandeurs d’une coopération pour une meilleure sécurité IT. Mais ce n’est possible qu’à partir du moment où l’on partage des fondamentaux. » Ce n’est pas gagné, selon l’ancien ministre.
Difficile de concilier la liberté sur le Net et une volonté de la contrôler.
Jean-Marie Bockel : « Des éléments de langage sur la cyberdéfense » pour François Hollande |
Dans le cadre de l’élaboration du Livre Blanc sur la Défense (commission Jean-Marie Guéhenno) qui devrait traiter de la dimension cyberdéfense, Jean-Marie Bockel souhaite obtenir une audience pour exprimer son point de vue. Après la publication du rapport sénatorial (un travail intéressant, reconnaissons-le) sur la cyberdéfense, ce serait logique. Mais, en l’état actuel, ce n’est pas prévu. L’ancien ministre souhaite obtenir un rendez-vous avec Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique, pour tenter de débloquer la situation. Néanmoins, son premier message s’adresse au Président de la République François Hollande : il doit disposer « d’éléments de language » sur la cyberdéfense pour montrer que le sujet est vraiment pris à la hauteur des enjeux au plus haut sommet de l’Etat. |