« La LEN est dangereuse pour la liberté d’expression sur Internet. » A la veille de la reprise des débats en seconde lecture au Sénat de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LEN), l’association Reporter sans frontière (RSF) interpelle une nouvelle fois les groupes politiques pour leur rappeler que, en l’état, la loi « met en place une justice privée du Réseau et contraint les hébergeurs à jouer le rôle de censeurs », peut-on lire dans le communiqué.
Comme nombre d’associations (au premier rang desquelles la très dynamique Ligue Odebi), RSF s’inquiète du contenu de l’article 2 et particulièrement de la responsabilité des prestataires techniques amenés à surveiller les pages hébergées pour éliminer les contenus illicites. « Le texte français choisit sur cette question une interprétation dangereuse de la directive européenne sur le commerce électronique de juin 2000 », estime RSF qui s’inquiète donc de la capacité des prestataires à juger les contenus. « En France, seuls les juges sont habilités à effectuer ce travail », avance l’association qui voit dans l’application de la loi un risque de « dérive de la censure sur la Toile ». Selon l’interprétation de la LEN, n’importe quel internaute pourra demander le retrait d’un contenu auprès d’un hébergeur qui risque, s’il refuse de se plier à la demande, une amende de 75 000 euros et un an de prison. Risque cependant compensé par le délit de dénonciation abusive lui-même puni de 15 000 euros d’amende et un an d’enfermement.
Bon espoir
L’organisme en profite pour rappeler les choix de nos voisins européens. Choix qui éliminent toute ambiguïté. Ainsi l’Espagne et l’Italie ont opté pour laisser à un « organe compétent » le soin de juger de la teneur licite ou non des contenus litigieux. En Belgique, seul le procureur du roi a le pouvoir de trancher face aux contenus illicites. « Ces trois pays ont en effet pris la mesure du danger représenté par la création d’une justice privée de l’Internet », juge RSF qui « demande aux sénateurs de prendre également en compte ce risque et d’amender l’article 2 de la LEN pour laisser aux soin des juges de dire quel contenu en ligne est illégal et doit être supprimé ».
Il y a pourtant bon espoir que les amendements demandés voient le jour. A la suite du rapport de la Commission des affaires économiques et présentés par Pierre Hérisson et Bruno Sido, « le Sénat semble prêt à amender le texte dans le bon sens ». Malgré les ambiguïtés relevées par Odebi (voir édition du 17 mars 2004), le rapport s’oppose à l’obligation générale de surveillance par les prestataires techniques. Autre signe d’ouverture, le groupe « Produire et Gérer les Savoirs » de l’association Les Temps Nouveaux, proche des socialistes, présidée par Christian Paul (député de la Nièvre), invite Pascal Cohet, porte-parole de la Ligue Odebi, à venir présenter ce lundi 5 avril au soir (19h30 – 21h00) à l’Assemblée, sa vision en matière de production et d’accès des biens informels. L’occasion de faire également le point sur la LEN et les amendements qui pourraient lui être apportés.
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