Quelle place va prendre le RTB ou publicité programmatique ? C’est-à-dire le fait d’automatiser des inventaires publicitaires en moins de 100 millisecondes. Les chaînes d’achat et de vente d’espaces sur le Web (desktop et mobile) sont concernées. Mais c’est l’intégralité des médias (TV, radio…) qui sera entraîné dans la spirale.
Le forum ATS qui s’est déroulé jeudi à Paris a permis de distinguer de grandes tendances sur ce marché mouvant entre consolidation et regénération constante. ITespresso.fr a suivi les débats du matin et vous propose une synthèse des tendances soulignées. Au nom de Weborama (voir article), Alain Levy est venu inaugurer la session ATS en démontrant l’expertise data de sa société.
L’essor de la publicité programmatique est incontestable. A partir de données brutes de marché, il est établi que la publicité digitale représente 24% du marché global de la publicité en France (source : SRI).
La part Real Time Bidding dans la publicité display se situe aux alentours de 85 millions d’euros (22% des dépenses display en 2014 contre 15 l’an passé). Et les perspectives font rêver : IDC parie sur un marché à 260 millions d’euros d’ici 2018. Rien que pour le marché français.
Alors on comprend l’agitation actuelle autour de la publicité programmatique que l’on jouxte souvent à la publicité sur mobile et la publicité vidéo. Les experts ont les yeux qui brillent quand ils parlent de ce triptyque. Un monde perçu comme un eldorado mais avec beaucoup (trop ?) de chercheurs d’or.
Il suffit de jeter un coup d’oeil sur le panorama des acteurs des fournisseurs de solutions d’exploitation de données à des fins publicitaires en Europe. La cartographie est fournie par Exelate. On a reproduit le tableau ci-dessous des positionnements de la centaine de prestataires présents dans la chaîne data.
Pour utiliser un euphémisme, c’est…complexe.
« Toutes nouvelles technos liés à l’adserving ou la DMP qui arrivent sur le marché intègrent la data », commente Alain Sanjaume, Directeur Europe d’Exelate. Ce fournisseur de solutions RTB d’origine américaine, qui aide les éditeurs à qualifier leurs données d’audience pour améliorer la monétisation de leurs sites Internet, recense 125 intégrations de technologies sur sa plateforme, dont 70 en France.
Il aboutit à une agrégation de (big) data : « 22 milliards de signaux par jour sur deux milliards de terminaux. » La collecte des données s’étend. « Au départ, nous avons dû créer notre propre pool de data car les entreprises avaient peut d’être exposées dans la commercialisation de data », explique Alain Sanjaume.
« Maintenant, des acteurs reconnus sur le marché comme MasterCard deviennent fournisseurs de données, ce qui permet de créer un environnement rassurant pour les annonceurs. » On arrive à une certaine maturité du marché ? La semaine dernière, le cabinet d’études marketing Kantar TGI a lancé sa propre offre data (baptisée Ad-vantage).
A travers Exelate, la technique du Lookalike modeling est poussée : c’est l’identification d’une « base jumelle statistique ». A partir d’une base de données A qui a fourni de bons résultats, on double la mise en quelque sorte en réitérant l’opération avec une base B similaire. D’autres prestataires comme Rocket Fuel ont pris ce chemin.
Autre signe du dynamisme du marché RTB : un acteur comme Rubicon Project a fait son entrée sur le NYSE en avril dernier en levant 100 millions de dollars. Il continue d’ouvrir des bureaux dans le monde (Sao Paulo, Miami, Tokyo, Singapour…).
Pour préciser son positionnement, Rubicon s’adresse aux éditeurs média qui ont recours à la publicité programmatique.
« Avant, le RTB avait vocation à écouler en volume les espaces invendus sur les sites Internet. Puis nous sommes entrés dans un cycle d’optimisation de la valeur », explique Julien Gardès, Directeur France et Europe du Sud de Rubicon.
« C’est la grande nouveauté 2014 : nous pouvons proposer tous les types de format de publicité (…) Les verrous technologiques sur les formats ont sauté. La stratégie des annonceurs a changé. Ils changent leur mode d’achat. »
Récemment, le fournisseur de solutions RTB a dévoilé un nouvel outil – Ad Engine – pour gérer et optimiser l’ensemble des campagnes directes ou indirectes au sein d’une plateforme unique (une prochaine extension à la publicité vidéo et mobile est attendue).
Sur l’année 2015, Julien Gardès prédit une combinaison de trois paramètres pour que les éditeurs réussissent la commercialisation de leurs espaces publicitaires en mode RTB : optimisation de chaque impression, automatisation des formats les plus impactants, et des CPM (coût pour mille) garantis sur le programmatique.
Ce forum ATS-Paris est également l’occasion d’effectuer un suivi de l’actualité dans la publicité programmatique. Ainsi, après la fusion avec Xaxis, Stephane Dupayage, Managing Director France de 24/7 media, précise que l’activité régie demeure en France.
Son nouveau propriétaire a conçu un DMP baptisée Turbine qui a nécessité 25 millions de dollars d’investissement. Là aussi, on regarde à la loupe le concept du Lookalike modeling (jumelage et modélisation des données), même s’il rapporte moins que le retargeting pour l’instant. « Pour les éditeurs, l’enjeu est de rester maître de la donnée tout en l’exploitant. » Un case study autour d’un dispositif 360° pour le compte de Fnac.com a été présenté.
Lors d’une table ronde sur l’évolution du programmatique, Jean-Baptiste Rouet, Directeur général de Vivaki (groupe Publicis), a évoqué le rachat de RUN survenu fin octobre. Cette société américaine mêle les approches « DSP et DMP mobile centric ».
« Son expertise va nous permettre de suivre, tracer et cibler le consommateur quel que soit le terminal. » Tout en poursuivant : » Ca marche aux Etats-Unis avec Verizon. L’enjeu sera d’importer cette techno en Europe en signant des deals avec des opérateurs télécoms ou des fournisseurs technos de logs sur mobile. »
De son côté, Laurence Milhau, responsable de la business unit Programmatique au sein de l’agence médias GroupM, a rappelé le signal fort donné par sa maison-mère WPP en investissant dans Appnexus (25 millions de dollars injectés et une participation de 15%).
Quant à Déborah Wits (représentante d’Affiperf, la plateforme de trading du groupe Havas), elle a mis l’accent sur la solution Affiperf Meta DSP ou comment travailler avec plusieurs DSP (Demand Side Platforms) à partir d’un point de contact unique. « C’est un véritable outil d’aide à la décision conçu après l’acquisition de MFG Labs », précise-t-elle.
Tout en considérant que la révolution RTB va bouleverser l’achat et la vente d’espace dans toutes les sphères médias : « Le programmatique est à envisager d’une manière stratégique sur l’intégralité des médias. On travaille sur la radio. »
Sur la problématique des modèles commerciaux redéfinis avec le programmatique, Fabien Magalon, P-DG de La Place Media, rappelle le glissement en termes de positionnement. D’abord chargée de commercialiser des inventaires non garantis en provenance de 30 groupes médias (« 1ère place de marché RTB 100% média » face à Audience Square), la société propose désormais ses solutions aux régies tierces.
Le modèle a aussi évolué du côté de Smart AdServer. Lors de sa création il y a dix ans, la société était positionnée « adserving & display ». « Nous sommes devenus une plateforme technologique intégrée », commente David Pironon, COO de la société qui explore la publicité mobilité, vidéo et le big data.
Son représentant souligne que les modèles commerciaux tendent à évoluer, au-delà de la vente de gré à gré (achat direct en régie) et du modèle automatique du RTB, les « deals ID » ou « Preferred deals » montent en puissance. Il s’agit d’un compromis : un accord spécifique de diffusion publicitaire en RTB négocié à un prix raisonnable (situé entre le prix fort que la régie négocie pour du contenu premium et le prix vraiment bas pratiqué en programmatique).
« Les deals peuvent peser jusqu’à 50% de notre CA en fonction des mois et 50% d’entre eux sont basés sur la data », commente Fabien Magalon. De son côté, David Pironon acquiesce tout en reconnaissant avoir démarré cette formule « RTB+ » plus tard.
Autant de témoignages qui montrent que la publicité digitale n’est plus qu’une affaire de créateurs et de commerciaux. Elle est entrée dans l’ère des data scientists.
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