S. Crozier (CFE-CGC/UNSA – France Telecom) : « Le sentiment d’inutilité sociale augmente au sein du groupe »
Le délégué syndical CFE-CGC/UNSA commente la situation chez France Telecom qui fait face à une série de suicides souvent commis en raison de difficultés professionnelles.
ITespresso.fr : Pourtant, France Telecom dispose d’un réseau moderne que beaucoup d’opérateurs historiques peuvent nous envier. Comment expliquer cette dichotomie ?
Sébastien Crozier : Les salariés de France Telecom, qu’ils soient fonctionnaires ou salariés de droit privé, ont parfaitement su gérer les trois révolutions technologiques : téléphonie fixe numérique, téléphonie mobile et Internet haut débit (ADSL). Les parts de marché en France sont impressionnantes par rapport aux opérateurs historiques des pays voisins, tant dans la téléphonie mobile et l’Internet. Le tout avec des tarifs raisonnables. Les collaborateurs de France Telecom ont relevé ce défi de la concurrence. La vraie rupture intervient en 2004 avec la privatisation et une distribution de stock-options destinées aux dirigeants du groupe. L’objectif premier n’est plus la pérennité d’un projet collectif mais simplement la valorisation des stock-options. Depuis, nous assistons à une dégradation des conditions de travail. Les suppressions de postes se poursuivent alors que France Telecom ne connaît pas la crise : nous générons toujours plus de chiffre d’affaires en France.
ITespresso.fr : Que pensez-vous des premières mesures sociales par la direction de France Telecom après la vague de suicides : la « ligne dialogue » pour les salariés de France Telecom, la suspension des plans de mobilité, davantage de médecins de travail… ?
Sébastien Crozier : Il a fallu que notre organisation appelle à l’Etat, premier actionnaire du groupe France Telecom, pour que celui-ci convoque la direction et lui intimer l’ordre de prendre des mesures de sauvegarde à l’intention du personnel. C’est une première série de mesures qui ne donne en aucun cas de perspectives aux salariés concernés. Le déploiement de la fibre optique en France pourrait servir de dynamique pour mener un grand projet d’entreprise dans lesquels les salariés de France Telecom se reconnaîtraient. Que l’Etat et les législateurs prennent en charge les investissements importants nécessaires dans le cadre de la relance économique pour le Plan Fibre car nous estimons que cela relève du service universel. Il en va de l’intérêt national au nom de l’aménagement numérique du territoire : l’ampleur du déploiement ne peut pas être porté par les seuls opérateurs. Nous demandons également de mettre un terme aux délocalisations des centres d’appels clients (alors que les licences mobiles relèvent du domaine public français) et même au recours à l’externalisation. La priorité doit être donnée aux ressources disponibles au sein du groupe.