La direction de France Telecom est vivement critiquée à la suite d’une série de suicides de collaborateurs du groupe souvent liés à des difficultés dans la vie professionnelle. On recense 24 suicides en presque 20 mois.
L’opérateur a pris des mesures d’assistance et d’assouplissement en termes de gestion de ressources humaines pour tenter de diminuer la pression en interne. Mais cela suffira-t-il ?
« C’est nécessaire mais pas suffisant », assure Sébastien Crozier, Délégué syndical CFE-CGC/UNSA chez France Telecom – Orange (interview réalisée le 16/09/09)
ITespresso.fr : Comment vit-on les drames du suicide au sein du groupe France Telecom ? Comment les salariés peuvent-ils en parler ensemble ?
Sébastien Crozier : Devant la gravité des drames qui nous touchent, nous avons ouvert un site Internet qui permet à tout collaborateur de témoigner, de donner ses impressions sur ses conditions de travail et de faire des propositions. Ce site est en cours d’ouverture : il s’appelle www.ReagirEnsemble.com. Une censure est pratiquée sur l’Observatoire du Stress et des Mobilité forcé (www.observatoiredustressft.org) depuis les postes de travail des salariés par la direction du groupe. Il fait l’objet d’un filtrage depuis deux ans. On ne peut pas y accéder car le site ne présenterait pas de caractère professionnel. ReagirEnsemble.com est monté par ceux qui avaient initié l’Observatoire du stress, à savoir les sections syndicales CFE-CGC/UNSA et Sud.
ITespresso.fr : Que pensez-vous du pacte social initié par France Telecom ?
Sébastien Crozier : Tous les salariés de France Telecom sont bouleversés par ce énième suicide qui intervient au sein même de leur entreprise [allusion au suicide d’une collaboratrice de France Telecom qui s’est défenestrée le 11 septembre à Paris, ndlr]. Les mesures prises par la direction du groupe sont nécessaires mais insuffisantes. Ce que les salariés demandent, c’est un véritable projet industriel qui donne à chacun un avenir. En cinq ans, France Telecom a supprimé un emploi sur quatre (soit 30 000 emplois) alors que le secteur des télécoms connaît une croissance exceptionnelle et plus globalement les nouvelles technologies. Où sont partis ces emplois ? Ils ont été délocalisés sur l’Ile Maurice, en Tunisie ou au Maroc, lieux privilégiés des centres d’appels de France Telecom ou externalisés vers des sous-traitants.
ITespresso.fr : France Telecom n’est pas le seul groupe télécoms qui réduit son effectif massivement. Alcatel-Lucent est dans une situation similaire…
Sébastien Crozier : Les salariés ont l’impression que, depuis la privatisation complète de l’entreprise [l’Etat détient encore 27 % du capital du groupe, ndlr], les réductions d’emplois semblent être le seul objectif de l’entreprise. A l’instar de Serge Tchuruk, ex-P-DG d’Alcatel, qui voulait faire une entreprise sans usines, la direction de France Telecom veut faire d’Orange une marque sans salariés. Le sentiment d’inutilité sociale au sein de la société France Telecom augmente, créant un malaise et un stress d’une telle intensité. Les salariés ne se reconnaissent pas dans le projet exclusivement financier de la direction. Ils estiment n’avoir plus d’avenir et cela paraît parfois insupportable.
(lire la fin de l’interview page 2)
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