S. Dubreuil (Sia Conseil): ‘L’iPhone sera lancé dans quatre pays européens’
Le directeur Télécoms & Médias de la société de conseils en management et
stratégie décrypte les enjeux de l’arrivée de l’iPhone en Europe.
Vnunet.fr : Verra-t-on la 3G sur l’iPhone dès cette année ?
Stéphane Dubreuil : Lancer un terminal iPhone compatible 3G cette année paraît compliqué d’un point de vue technique. Car Apple n’a pas préparé ce bond. Selon nos prévisions, les premiers terminaux iPhone 3G n’arriveront que dans la période 2008-2009.
Vnunet.fr : Quel sera le timing de lancement de l’iPhone retenu par Apple ?
Stéphane Dubreuil : on estime qu’une quantité limitée d’iPhone sera lancée à la fin de l’année. Sachant que plus la signature des accords avec les opérateurs prend du retard, plus les tests de compatibilité seront compliqués à effectuer dans les délais imposés. Pour que l’iPhone soit prêt à commercialiser dans la perspective des fêtes de fin d’année, il doit être dans les mains des opérateurs d’ici novembre afin de procéder à des tests réseau. Nous estimons que le lancement sera limité en volume pour une autre raison : Apple va donner la priorité au marché des Etats-Unis afin de sécuriser leur position de leadership.
Vnunet.fr : Avez-vous une idée du volume de terminaux qui seront disponibles pour le lancement européen ?
Stéphane Dubreuil : On peut faire un petit calcul rapidement : attendu qu’il y aura trois millions de terminaux iPhone disponibles d’ici la fin de l’année, un million sont déjà prêts pour la première vague et deux millions prévus pour septembre. A mon avis, il ne faut compter que sur une fourchette de 500 000 – 1 million de terminaux au maximum destinés au marché européen. Il faut remettre ces données en perspective pour mesurer la taille des marchés en Europe par rapport au démarrage aux Etats-Unis : dans le secteur de la téléphonie mobile (210 millions d’abonnés), AT&T, l’opérateur distributeur exclusif de l’iPhone, dispose d’une part de marché de 25%. A lui seul, il cumule la base de données clients des trois opérateurs français. Il n’est pas nécessaire d’avoir des quantités astronomiques de terminaux : entre 200 000 à 300 000 iPhone pour chaque marché en Europe suffiront. Le terminal est positionné sur une niche, celui des smartphones qui représentent une part de marché de moins de 5% au niveau mondial. En France, il se vend moins de 150 000 terminaux de plus de 300 euros.
Vnunet.fr : Comment réagissent les autres fabricants de terminaux mobiles face à l’iPhone ?
Stéphane Dubreuil : Il y a deux attitudes parmi les équipementiers concurrents : ceux qui sont agacés et dénigrent le produit d’Apple et puis ceux qui estiment que l’iPhone représentent un réel danger. La direction de Motorola, qui dispose d’une part de marché de 26% aux Etats-Unis, a reconnu récemment se trouver dans une mauvaise position. Selon l’évaluation de Sia Conseil, cet équipementier télécoms, qui rencontre actuellement des problèmes de gouvernance et de lignes de produits, va perdre 6% de part de marché à moyen terme. Sous pression, Motorola va tout faire pour répliquer à l’iPhone. Après, pour les autres équipementiers mondiaux comme LG, Nokia ou Sony Ericsson et les autres, il y a quelque chose de frustrant voire d’inquiétant. Ils investissent des millions en communication dans leur marque, ils font de la R&D depuis des années, ils sont devenus des spécialistes du sujet. Et voilà que le terminal iPhone apparaît, fait un buzz gigantesque, annonce des records de ventes alors qu’Apple n’a aucune expérience du secteur. Nul doute qu’ils vont réagir de manière assez rapide. Même si, dans notre étude, nous estimons qu’à court et moyen terme, il y aura peu d’impact sur les positions des uns et des autres en termes de parts de marché au niveau mondial.
Vnunet.fr : En dehors d’une perte de part de marché, pour quelles raisons les fabricants mobiles s’inquiètent-ils ?
Stéphane Dubreuil : Le problème vient de la rentabilité des équipementiers, tirée par le haut de gamme. Ils parient sur les marchés émergents en guise de relais de croissance. Certes, les marges sont très faibles mais les volumes sont forts. A contrario, dans les pays industriels, les équipementiers attendent beaucoup du segment ?smartphones’ qui permettent de générer des marges importantes en vendant des terminaux plus onéreux. En lançant l’iPhone, Apple attaque le marché par le haut en menaçant la rentabilité des équipementiers et préempte le marché de la musique et de la vidéo.
Comment l’iPhone va s’installer durablement sur le marché mobile mondial |
Dans une note confidentielle diffusée juste avant le lancement de l’iPhone aux Etats-Unis, Sia Conseil a évalué entre 8 et 10 milliards de dollars les revenus générés par l’iPhone à l’horizon 2008, qui se répartiraient de trois manières : vente de terminaux et accessoires, contenus et reversement (accès, voix, publicitaire), marketing fees et autres. Ces nouveaux revenus pourraient faire bondir le chiffre d’affaires de la firme à la pomme de plus de 50% en deux ans. Une performance qui aura des répercussions sur la valorisation boursière d’Apple. Celle-ci pourrait atteindre 150 milliards de dollars. Toujours selon l’analyse de Sia Conseil, la firme de Steve Jobs va s’engager dans un processus de généralisation qui lui permettra d’écouler 40 millions de terminaux d’ici 2012 aux Etats-Unis. Une échéance qui correspondra à la fin du contrat d’exclusivité qu’Apple a noué avec l’opérateur AT&T. A long terme, Apple et son iPhone pourraient décrocher 6,5 à 7% du marché des fabricants de terminaux mobiles dans le monde (soit 100 millions de terminaux vendus). |
Pour en savoir plus sur l’iPhone : consultez le dossier spécial de Vnunet.fr