S. Ramoin (Gandi) : « Internet, un des rares vrais lieux de démocratie »
En dix ans, Gandi est devenu l’un de principaux bureaux d’enregistrement de noms de domaine en France et en Europe. Interview de Stephan Ramoin qui a racheté l’entreprise en 2005.
Fondé en l’an 2000 par Valentin Lacambre, Laurent Chemla, Pierre Beyssac et David Nahmias, Gandi (acronyme de « Gestion et Attribution des Noms de Domaine sur Internet ») est devenu l’un des principaux bureaux d’enregistrement de noms de domaine en France. Et même au-delà.
Racheté en août 2005 par Stephan Ramoin (ex-manager de Lycos/Multimania), l’entreprise est passée de 5 à près de 50 salariés en 2010.
Elle a progressivement entamé sa mutation avec une offre de services connexes à l’enregistrement d’un nom de domaine : création de blogs, gestion adresses e-mail, etc.
Gandi est également l’un des premiers prestataires de services Internet à avoir cru au développement de l’hébergement cloud en lançant une offre courant 2008.
Enfin, l’entreprise a soutenu plusieurs projets ces dernières années. Le plus célèbre d’entre eux est sans doute le site média Arrêt sur image, né après l’arrêt de l’émission éponyme sur une chaîne de télévision nationale.
Pour faire le point sur l’évolution de cette société phare de l’Internet hexagonal qui revendique un discours « No Bullshit » [l’entreprise n’investit pas dans la publicité alors que ses concurrents dépensent une partie de leur chiffre d’affaire dans des campagnes de publicités, ndlr], nous avons contacté Stephan Ramoin pour un entretien décalé…
(Interview réalisée le 16 décembre 2010)
ITespresso.fr : Qu’est-ce qui vous a marqué ces dix dernières années en terme de « high-tech » ?
Stephan Ramoin : Pas tellement les différentes évolutions technologiques que la reconnaissance des datas comme ressource devenue aussi vitale que l’eau, le pétrole… par dans un premier temps les acteurs du numériques, et bientôt par l’humanité. Oui ça fait un peu pompeux, mais c’est de plus en plus vrai.
ITespresso.fr : Le « Web 2.0 » : évolution, révolution ou… ?
Stephan Ramoin : C’est encore là ça ? Quelqu’un peut-il passer le prendre ? Sérieusement, je ne sais même plus ce que cela veut dire et m’en préoccupe assez moyennement. Je crois que le temps des mots-clefs pour aider à la vulgarisation est passé, mais j’ai toujours été un idéaliste.
ITespresso.fr : Participez-vous régulièrement à des salons/colloques type « LeWeb » ?
Stephan Ramoin : Le type de salon partouze ou tout le monde « embrasse » tout le monde et si possible en public pour que l’on parle de soi ? Non merci, j’ai la chance de pouvoir éviter d’y aller. Et puis j’ai un mot de mon médecin pour éviter de croiser certaines personnes là-bas qui me font vomir. Ceci précisé, je conçois tout à fait que lorsque l’on est une jeune entreprise dans ce secteur l’on croit à ce que « ceux dont on parle et qui savent » disent : allez-y, c’est « the place to be ». Je leur conseillerais de bosser leur produit à fonds, de faire confiance à leur talent et de tout miser sur la qualité de leur produit qui percera forcément grâce à leurs clients, mais je dois me tromper.
ITespresso.fr : Que pensez-vous des lois qui tendent à encadrer voire taxer l’économie numérique ?
Stephan Ramoin : Réflexe normal d’administratifs et politiques qui ne pensent qu’au jour d’après et pas sur le long terme et ne connaissent pas suffisamment ce domaine, ou n’écoutent pas les bonnes personnes, ce qui revient au même. Après chaque big bang technologique (acier, vapeur, puces électroniques…) il y a eu dans l’histoire de l’humanité des soubresauts sociétaux et donc légaux qui montrent bien le processus d’adaptation qui est le nôtre. Ce qui est dommage, c’est que nous n’apprenions pas de notre propre histoire, mais s’il ne s’agissait là que d’une remarque valable pour le numérique …
ITespresso.fr : Vous venez de vous implanter aux Etats-Unis. Dans dix ans, vous serez au Japon ?
Stephan Ramoin : Je pense que nous serons avant en Asie. En tout cas, c’est notre objectif. Pour les Etats-Unis, nous y sommes allés humblement, en investissant dans un data center et une équipe locale. Le but premier est de continuer notre expansion et quitte à choisir un lieu, autant aller là-bas où l’essentiel de notre marché se trouve pour l’hébergement de masse et le cloud pour les PME. Si en plus, nous pouvons développer nos ventes sur place tant mieux, mais l’objectif est de continuer notre croissance organique maîtrisée en offrant encore plus de solutions pour nos clients. Et puis nous avons depuis toujours eu de nombreux clients domaines aux USA et cela nous fait plaisir de leur mettre en face une équipe américaine pour les servir.
ITespresso.fr : Parlons hébergement : vous fournissez des prestations autour des noms de domaine, de la virtualisation… vous n’avez toujours pas envie d’aller au-delà en louant des « machines physiques » ?
Stephan Ramoin : On parle de dédié ? Non merci, nous avons fait notre choix et ne retournons pas notre veste au gré du vent. On ne découvre pas le cloud en habillant du VMware, on est dessus depuis 2007, et on pense sincèrement que ses bénéfices sont trop importants pour être ignorés. Par contre, nous allons sortir un certain nombre de produits qui vont répondre à des besoins basiques d’hébergement de site Web, mais sur notre plate-forme et avec notre service. Rendez-vous en 2011. Nous avons la plate-forme technique, nous allons maintenant nous amuser avec les services :)
ITespresso.fr : Quel regard portez-vous sur le marché français du nommage et de l’hébergement de masse ? et à l’échelle européenne ? Quelle a été l’évolution majeure dans ce secteur au cours des dix années écoulées ?
Stephan Ramoin : L’hébergement en France est dominé par les « discounters », qui gèrent de la logistique et ont profité de l’absence de réelle compétition pendant des années. Ils ont plus ou moins loupé le cloud ou alors ne font que de la revente. Donc je pense que l’on va encore perdre du terrain par rapport à ce qui se fait de mieux ailleurs. C’est également valable pour le reste de l’Europe. Je pense qu’il va y avoir une vague de concentration au niveau européen parce que chaque champion national n’est pas performant dans le reste de l’Europe et cela limite leur évolution.
(lire la fin de l’entrevue page 2)