C’est un serial-entrepreneur de sensibilité antiautoritaire, défenseur de l’or comme instrument financier. Mais aussi un autodidacte multidiplômé, codeur invétéré, expert du chiffrement et amateur de culture japonaise : Craig Steven Wright a le profil-type d’un Satoshi Nakamoto. En d’autres termes… du créateur de Bitcoin.
L’étau se resserre sur ce citoyen australien âgé de 44 ans et impliqué à bien des égards dans l’univers des crypto-monnaies.
Pour Wired, il n’y a plus guère de doute : de multiples indices concordants sont apparus à l’examen de messages électroniques et de documents transmis par un chercheur en sécurité qui les avait lui-mêmes obtenus « d’un proche de Wright ».
Premier élément : une contribution blog d’août 2008. L’intéressé y annonce son intention de publier un livre blanc sur les crypto-monnaies, en faisant référence à des travaux menés trois ans auparavant par un pair sur un concept proche de Bitcoin.
À quelques semaines d’intervalle, le fameux Satoshi Nakamoto annonce justement, sur une mailing list dédiée à la cryptographie, la publication imminente… d’un livre blanc sur les crypto-monnaies.
Dans un autre post de novembre 2008, Wright demande aux lecteurs qui souhaitent communiquer avec lui de chiffrer leurs messages à l’aide d’une clé publique. Celle-ci est associée, dans la base de données du serveur où elle était stockées, à l’adresse e-mail satoshin@vistomail.com, très proche de celle (satoshi@vistomail.com) utilisée par Nakamoto pour publier son livre blanc Bitcoin.
Dans un autre e-mail envoyé à son ami David Kleiman juste avant le lancement de Bitcoin le 9 janvier 2009, Wright explique vouloir « quitter son travail » et investir dans « quelques centaines de processeurs », possiblement pour miner les premiers bitcoins.
Une version que tend à confirmer ce contrat signé avec Kleiman et portant sur la constitution d’un fonds de 1,1 million de bitcoins « gelé » jusqu’au 1er janvier 2020, à quelques exceptions près, dont l’investissement dans la recherche sur les réseaux P2P.
Ce pactole est aujourd’hui bel et bien référencé sur la blockchain, utilisée pour enregistrer toutes les transactions en bitcoins. Il n’a encore pas bougé…
Comme le souligne Gizmodo.com, Wright a fermé son compte Twitter, sur lequel il avait livré, ces derniers mois, plusieurs indices sur sa « double existence ». « Je n’ai jamais décidé d’être un leader, mais je n’ai pas le choix » ; « On devient un produit de ce que l’on crée », « Aucun secret ne se garde à jamais », etc.
Un profil LinkedIn lui est toujours associé.
Outre l’étendue de ses diplômes et certifications (finance, management, droit commercial, statistiques, psychologie, administration réseaux et systèmes…), on constate qu’il a déposé un brevet (no20140359291 aux États-Unis) portant sur « un système, une méthode et un logiciel informatique permettant de gérer un registre ».
Mais la véritable pièce à conviction est peut-être cette transcription d’une réunion organisée en 2014 avec le gouvernement australien. Interrogé sur des questions de fiscalité relatives à sa société Denariuz (une banque fonctionnant avec le bitcoin comme devise unique), Wright aurait déclaré, dans un moment d’énervement : « J’ai fait de mon mieux pour dissimuler le fait que je pilotais Bitcoin depuis 2009 ».
Fort de ces preuves, Wired a envoyé, le 1er décembre 2015, un e-mail à l’intéressé. La réponse est arrivée d’une autre adresse électronique, localisée au Panama et associée… à Vistomail. Dans le corps du texte, on pouvait notamment lire : « Vous creusez, mais où en êtes-vous ? ».
Un deuxième e-mail est arrivé quelques heures plus tard, avec cette déclaration : « Vous semblez en savoir plus que vous ne devriez ». Une relance, et un troisième e-mail arrive : « Il y a en a déjà trop qui connaissent des secrets que le monde n’a pas besoin de connaître. Il existe d’autres moyens que la dictature pour impulser le changement ».
Quelques éléments pourraient cependant laisser penser à un hoax monté de toutes pièces. Notamment le fait que les contributions blogs d’intérêt ont été éditées a posteriori pour ajouter des détails. Par exemple, en 2013, la clé PGP associée à l’adresse e-mail de Satoshi Nakamoto et les références au livre blanc sur les crypto-monnaies.
Wright paraît toutefois très concerné à chaque fois que quelqu’un essaie de démasquer le créateur de Bitcoin. Le 6 mars 2014, jour de publication d’une enquête de Newsweek, il envoie à un collègue un e-mail incendiaire intitulé « please leak » (littéralement, « fais fuir, s’il te plaît »). Il semble qu’il se soit agi d’une sorte de brouillon avant la publication, sur les forums de la P2P Foundation, d’un démenti officiel… signé Satoshi Nakamoto.
Toujours selon son blog, Wright s’est impliqué dans l’écosystème Bitcoin au point d’hypothéquer trois propriétés, mais aussi d’investir plus d’un million de dollars en puissance de calcul et en connectivité. Jusqu’à installer de la fibre optique dans sa maison de campagne australienne.
Crédit photo : Hadrian – Shutterstock.com
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