Volkswagen n’en a pas fini avec Flavio D. Garcia.
Cet ingénieur en informatique à l’université de Birmingham reviendra, à l’occasion de la conférence Usenix dont l’édition 2016 a lieu du 10 au 12 août à Austin (Texas), sur les conclusions établies dans son rapport « Lock it and still lose it ».
Des conclusions peu flatteuses pour le groupe automobile allemand : la quasi-totalité des véhicules qu’il a vendu ces 20 dernières années* peuvent être déverrouillés sans clés… et sans plip, du nom de cette télécommande aujourd’hui livrée en standard avec la plupart des voitures de tourisme.
Flavio D. Garcia étudie depuis plusieurs années les vulnérabilités associées aux systèmes de commande à distance dans l’univers automobile.
En 2012, il avait constaté, avec plusieurs collègues, que les récepteurs RFID Magamos Crypto, adoptés par de nombreuses marques de luxe, pouvaient être détournés non seulement pour ouvrir et fermer les portes, mais aussi pour faire démarrer le moteur, le tout sans disposer des clés.
Contacté par ses soins en mai 2013, Volkswagen avait déposé plainte, argüant qu’une publication de ces recherches exposerait ses véhicules à un risque accru de vol. La Haute Cour du Royaume-Uni lui avait accordé une injonction, retardant d’autant la publication, finalement effectuée il y un an et sous une forme très restreinte : une seule phrase, dans les annexes de la conférence Usenix, comme le souligne Bloomberg.
Cette fois-ci, Flavio D. Garcia s’est épargné les considérations juridiques. Avec deux associés de l’université de Birmingham et la firme allemande Kasper & Oswald, il aborde deux vulnérabilités distinctes ; l’une concernant Volkswagen et l’autre applicable à une longue liste de constructeurs.
Point commun entre ces failles : elles sont fondées sur l’interception des données transmises par les télécommandes, qui fonctionnent sur les bandes de fréquence à 433 ou 868 MHz en Europe et 315 MHz en Amérique du Nord – à l’exception de quelques anciens systèmes basés sur la technologie infrarouge.
Sur le volet Volkswagen, trois véhicules ont été passés au crible : une Passat 3B, une Skoda Fabia et une Alfa Romeo Giulietta.
Pour intercepter les données envoyées par les télécommandes, les chercheurs ont fabriqué un module radio à partir d’une carte Arduino.
Ils se sont aperçus que de manière générale, le niveau de protection des données dépendait de l’âge des véhicules. Sur des modèles du début des années 2000, il arrive qu’aucune méthode de cryptographie ne soit appliquée : un code unique est envoyé à chaque appui sur le(s) bouton(s) d’ouverture et de fermeture des portes.
Sur des voitures plus récentes, des paramètres ont été ajoutés. Notamment un compteur incrémenté à chaque pression, permettant d’éviter qu’une commande soit exécutée deux fois.
Dans tous les cas, il est possible de déterminer la structure des paquets de données, d’autant plus que ceux-ci sont souvent transmis à plusieurs reprises, sans doute pour s’assurer que la communication aboutisse dans les environnements difficiles sujets à des interférences.
L’équipe de Flavio D. Garcia a identifié pas moins de 7 schémas de transmission. Parfois, le signal varie en amplitude ; d’autres fois, en fréquence. La quantité de données change elle aussi, au même titre que les algorithmes de chiffrement. Mais dans tous les cas, la sécurité peut être déjouée et la clé, clonée.
Cette opération de clonage ne peut toutefois se faire qu’une fois obtenue la clé logée dans le récepteur RFID de la voiture. Pour cela, les chercheurs en ont extrait le firmware. Et fait une sacrée découverte : cette « clé maîtresse » est la même sur des dizaines de millions de véhicules du groupe Volkswagen.
Sur la liste – non exhaustive – des modèles considérés comme vulnérables figurent les Audi A1, Q3, R8, S3 et TT, les Skoda City Go, Roomster, Fabia 1 et 2, Octavia, SuperB et Yeti, les Seat Alhambra, Altea, Arosa, Cordoba, Ibiza, Leon, MII et Toledo… ainsi que les Volkswagen Amarok, (New) Beetle, Bora, Caddy, Crafter, e-Up, Eos, Fox, Golf 4, 5 et 6, Golf Plus, Jetta, Lupo, Passat, Polo, T4, T5, Scirocco, Sharan, Tiguan, Touran et Up.
Dans le prolongement de ces conclusions, Flavio D. Garcia et consorts se sont intéressés aux circuits intégrés PCF7946 et PCF7947, que le fabricant de semi-conducteurs NXP fournit à de nombreux constructeurs automobiles.
Avec le même mode opératoire, ils sont parvenus à pirater une Fiat Punto, un Citroën Jumper, un Dacia Duster, une Renault Modus ou encore un Nissan Qashqai. Il leur a toutefois fallu pousser l’expérimentation plus loin, en interceptant plusieurs codes (4 à 8, d’après le rapport, car ces codes changent à chaque pression sur la télécommande) et en utilisant un ordinateur pour déchiffrer certaines données. En l’occurrence, une partie des 28 bits du compteur.
Une étape indispensable : sur un grand nombre de véhicules, la télécommande se bloque si ledit compteur, censé augmenter d’une unité à chaque appui, n’est pas synchronisé avec celui du récepteur RFID.
Le déchiffrement prend moins de 10 minutes en exploitant les failles de HiTag2, un algorithme de cryptographie lancé il y a près de 20 ans et associé aux circuits intégrés PCF7946/7947. Pour intercepter plus rapidement le nombre de codes requis, les chercheurs ont bloqué la transmission des signaux afin que que les utilisateurs ciblés pressent à nouveau le bouton de leur télécommande.
La principale limitation réside dans la portée des télécommandes. Généralement quelques dizaines de mètres. Il faut donc impérativement se trouver dans ce périmètre.
Dès lors, il est possible d’envisager d’autres scénarios. Par exemple, une sorte de DDoS à partir du système de blocage de la télécommande.
Ces recherches répondent à une situation bien réelle : aux États-Unis, les forces de l’ordre constatent de plus en plus de vols de voitures sans effraction. Les images de vidéosurveillance révèlent souvent l’utilisation d’un simple boîtier électronique. Ce mois-ci, une trentaine de Jeep ont été volées dans le Texas avec un simple ordinateur.
* Volkswagen aurait vendu près de 100 millions de véhicules entre 2002 et 2015, pour une part de marché de 23 % en Europe au pointage de septembre dernier.
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