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Sigfox : compter sur le bas débit pour connecter des milliards de capteurs

56. C’est le nombre de dossiers reçus de propositions d’investissement dans Sigfox.

Logiquement, la plupart des postulants ont des profils de capitaux-risqueurs. « Un fonds voulait même investir seul 100 millions », explique Ludovic Le Moan, le CEO de « l’opérateur de l’Internet des objets alliant économie d’érnergie et faible coût », en marge de la conférence.

La composition finale du bouquet de partenaires financiers sera plus équilibrée. Et elle a été dévoilée à l’occasion d’un point presse organisé mercredi matin à l’Hôtel de l’Industrie (Paris VI). Comme l’industrie des objets connectés, se laisse-t-on emporter.

Dans la salle de réception, Anne Lauvergeon, Présidente du conseil d’administration de Sigfox depuis avril 2014, et Ludovic Le Moan plantent le décor.

La société toulousaine Sigfox confirme une levée de fonds de 100 millions d’euros réalisée auprès de trois opérateurs télécoms internationaux (Telefonica, SK Telecom et NTT Docomo Ventures), un fonds américain (Elliot Management Corporation) et des partenaires industriels (GDF Suez, Air Liquide et Eutelsat).

Un « montant record pour une start-up de quatre ans », s’exclame Ludovic Le Moan. Précisons que cette levée de fonds est à découper en un tour de table initial de 81 millions d’euros et une réserve de surallocation de 19 millions d’euros.

On attend Cityzen Sciences (prêt-à-porter connecté) censé suivre pour un montant similaire. Tandis que BlaBlacar (application de covoiturage) avait brillé l’an passé en levant également 100 millions d’euros.

Pour Sigfox, ce méga-financement est le signal d’une accélération du business : expansion géographique en particulier en Amérique du Nord, recrutement intensif pour atteindre la barre de la centaine de collaborateurs (80 actuellement) et poursuite de la R&D (notamment comment communiquer en se passant des batteries des terminaux et augmenter la longévité des capteurs déployés).

Les dirigeants ne communiquent pas sur la valorisation présente. Encore moins sur celle escomptée lors de l’introduction en Bourse. Ils y pensent ouvertement à l’horizon 2016 « avec une valorisation proche de la zone de record de Criteo », précise Ludovic Le Moan. Donc Sigfox vise une valorisation d’au moins 1,7 milliard d’euros.

Depuis sa création en 2010, la société toulousaine a levé une somme cumulée de 27,5 millions d’euros.

Vive la French Tech, s’exclame le gouvernement. « Je tiens à féliciter SIGFOX pour sa capacité à convaincre des investisseurs variés de la grande qualité de son modèle de croissance », dixit Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique.

« La présence, parmi ces investisseurs, de grandes entreprises françaises et internationales démontre l’intérêt et la nécessité de rapprocher toujours plus  grands groupes et  jeunes entreprises innovantes. »

Signe de confiance : tous les actionnaires de Sigfox suivent

Lors de la conférence de presse, les deux managers de Sigfox ont justifié leur choix des investisseurs après huit mois de travail sur ce tour de financement record. « La plus grande partie de la levée de fonds a été effectuée par les actionnaires existants », précise l’ex-présidente d’Areva revenue en mode start-up.

Ce qui veut dire que des acteurs comme Elaia Partners, Intel capital, Ixo Private Equity, Partech ou Bpifrance se sont renforcés dans le capital. « La participation des industriels [GDF Suez, Air Liquide, ndlr] est beaucoup plus limitée. » Mais on peut comprendre leur intérêt en raison de l’essor des capteurs et des compteurs connectés dans le secteur de l’industrie et des facilities (groupes électriciens, gaziers…).

C’est logique aussi pour les opérateurs télécoms qui connaissent déjà le business du machine-to-machine (M2M) mais leur choix est également à décrypter sous l’angle de l’expansion géographique et/ou technologique. Commençons surtout par les absents.

Pourquoi Orange, opérateur national par excellence, n’a pas suivi la start-up Sigfox dédiée à la connectivité des objets ? Anne Lauvergeon prend sur la main sur cette question. « L’opérateur est très convaincu du modèle (…) mais nous ne  pouvions pas faire rentrer tout le monde ». Evoquant tout de même des « points Sigfox dans des boutiques Orange à Bordeaux ».

Ainsi, Telefonica sera précieux car le marché espagnol est devenu le plus important pour Sigfox après des accords signés avec Albertis (gestion d’infrastructures télécoms et autoroute) ou Securitas  Direct (télésurveillance).  Mais l’influence de Telefonica pourra aussi être précieuse lorsque Sigfox sera tenté d’investir des marchés d’Amérique du Sud (pourquoi pas le Brésil).

Il est évident que SK Telecom (Corée) et NTT Docomo Ventures (Japon) serviront à ouvrir la voie pour avancer en Asie. Mais Sigfox perçoit aussi un potentiel de collaboration technologique avec le groupe télécoms sud-coréen pour capitaliser sur la LTE-Advanced et définir la 5G (« les futures stations de base permettront d’agréger à la fois le très haut débit et le bas débit »).

Un dernier partenaire capitalistique pourrait intriguer : pourquoi Eutelsat ? L’opérateur de bouquets satellites pourrait plancher avec Sigfox sur un protocole IoT entre la terre et l’espace pour couvrir des espaces atypiques comme les océans (ce qui permettrait d’exploiter des capteurs connectés pour les navires de marchandise par exemple).

Presque rien filtre sur les résultats financier de Sigfox en pleine période d’investissement pour grandir vite, prendre les positions fortes, écarter la concurrence qui va rencontrer de sérieuses barrières d’entrée déjà franchie par Sigfox…Bref, accélérer la croissance.

Le fait d’évoquer le chiffre d’affaires de Sigfox en l’état actuel n’est pas pertinent, estime Anne Lauvergeon. « Il est plus à venir qu’existant mais non nul », commente la présidente du conseil d’administration.

Pour la nouvelle répartition du capital, là aussi, on évite d’entrer dans les détails. « Il n’y a pas de changement de majorité ou de pouvoir », commente Anne Lauvergeon. « La répartion reste assez balancée », suggère plutôt Ludovic Le Moan.

Approche du marché validée maintenant place au déploiement

Alors pourquoi le cas de Sigfox est intriguant ? Il y a deux ans, nous avions déjà rencontré Ludovic Le Moan lors de la session DigiWorld de l’Idate à Montpellier.

A l’époque, il devait encore convaincre que le déploiement d’un réseau à bas coût et basse consommation pour répondre à des besoins de connectivités des objets était judicieux, valider le modèle économique et trouver des clients. En 2015, Sigfox a bien avancé sur ces trois plans.

Via son programme Sigfox Network Operator (SNO), l’opérateur couvre désormais en mesure de couvrir 2 millions de kilomètres carrés sur 5 pays (dont la France, l’Espagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas). 20 villes majeures sont desservies. D’ici 2016, Sigfox évoque l’objectif d’une quarantaine de pays couverts…

Pour monter un réseau celllulaire destiné à couvrir un pays comme la France, il a fallu déployer 1500 antennes avec des partenaires comme TDF et FPS (France Pylônes Services). Ce qui a nécessité un investissement situé entre 5 et 10 millions d’euros.

La couverture en Espagne a été assurée en six mois (1400 stations déployées). Ca commence aux Etats-Unis avec notamment un partenaire SNO en Californie.

Pour avancer dans l’Internet des objets, Sigfox a choisi une voie originale : s’appuyer sur un composant low cost (un chip de silicium à faible consommation) capable de diffuser des données à bas débit. On exclut un travail de design particulier des puces. « On trouve ces composants standards de type transceiver radio chez des fournisseurs comme Atmel ou Texas Intrument », précise Ludovic Le Moan en marge de la conférence.

L’expertise de recherche apportée par Sigfox tourne surtout autour de la surcouche logicielle. C’est ici qu’intervient Christophe Fourtet, le Directeur Scientifique (« Notre Mozart » comme le surnomme Ludovic Le Moan).

Tout le travail consiste à réduire la taille des puces, leur consommation d’energie (puissance maximum d’émission à 25 milliwatts équivalente à celle d’une télécommande de portail), augmenter l’autonomie des capteurs et optimiser les coûts de maintenance.

Objectif : connecter des milliards d’objets pour un prix à l’unité dérisoire. « Nous devons déjà surveiller entre 300 000 et 400 000 capteurs dans le monde », suggère Ludovic Le Moan.

Internet des objets, villes intelligentes, tracking…les pistes de Sigfox

Le spectre d’applications est large : relevés de compteurs à distance, dispositifs de sécurité incendie ou anti-intrusion, assitance aux personnes âgées ou faibles…En plein essor de l’Internet des objets, de la ville intelligente, du suivi de biens (tracking) et du contrôle d’équipements ou d’infrastructures, les potentielles applications ne manquent pas.

Au-delà des marchés dans le secteur privé, les collectivités s’y mettent également. En septembre 2014, le Conseil général du Loiret a commencé à déployer la LysBox destinée à 15 000 personnes âgées ou faibles (notamment bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie).

C’est un boîtier multi-tâches d’assistance qui fonctionne sur pile. Selon Les Echos, la LysBox permet aux aides à domicile de badger à leur arrivée sur place, de vérifier les tâches ménagères effectuées et intégrer ultérieurement un bouton d’appel (détection de fumée, soins infirmières indépendantes…).

A l’instar d‘Oceasoft (un autre prestataire dédié aux capteurs connectés qui vient d’entrer en Bourse via Alternext et partnenaire de Sigfox), la société dirigée par Ludovic Le Moan Sigfox parie d’abord sur la jonction de l’Internet des objets appliqué au secteur industriel.

La prochaine étape sera le Mobile World Congress de Barcelone (2-5 mars) : « the place to be » pour exposer ses compétences « telcos & IoT »avec un stand sur place. On peut s’attendre à des annonces à cette occasion….

Clients de Sigfox : Securitas Direct, Oceasoft, Bayard, Pays de Gex, Conseil général du Loiret, Worldsensing, Tele2, Sterela, Whistle Labs

Partenaires : Texas Instrument, Silicon Labs, Atmel, Axsem, Thingworx, Plat.One, Telit, Telecom Design

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