L’All Writs Act, c’est pas automatique.
Ainsi pourrait-on résumer la décision prise ce lundi par un tribunal fédéral de New York dans un dossier opposant Apple au gouvernement américain.
Que vient faire l’All Writs Act dans cette affaire ? Les autorités l’invoquent pour contraindre la firme de Cupertino à désactiver une fonction de sécurité sur un iPhone trouvé dans la demeure d’un trafiquant de drogue présumé.
Voté en 1789 dans le cadre du Judiciary Act, entériné sous sa forme actuelle en1911 et amendé à plusieurs reprises depuis lors, ce texte de loi a donné lieu à des interprétations très larges par lesquelles l’administration U.S. s’est arrogé des droits de requête vis-à-vis de sociétés publiques et privées.
Dans le cas présent, il faut remonter au 6 juin 2014 pour saisir les tenants et aboutissants du litige.
À cette date, la justice donne au gouvernement un mandat pour perquisitionner, dans le quartier new-yorkais du Queens, la résidence du dénommé Jun Feng, suspecté d’être impliqué dans la vente de drogue.
Le 9 juillet 2014, après une vague d’arrestations, Feng et quatre autres individus sont formellement accusés de trafic de méthamphétamines.
C’est seulement un an plus tard (le 6 juillet 2015 en l’occurrence) que le gouvernement sollicite un mandat pour rechercher des données sur plusieurs terminaux mobiles saisis lors du raid chez Feng.
La justice donne son feu vert, mais un souci se présente : un iPhone sur lequel une partie des informations ne sont accessibles qu’avec un mot de passe.
L’intervention du FBI n’ayant pas résolu le problème, une assistance technique est demandé auprès d’Apple, qui se dit prêt à collaborer à condition qu’une décision de justice l’y invite.
Le 8 octobre 2015, le gouvernement dépose une demande dans ce sens, au nom de l’All Writs Act.
Avant de valider cette requête, le juge James Orenstein donne à Apple l’occasion d’être entendu avant de décider de l’application effective de l’All Writs Acts.
Dès lors, la bataille s’accélère, le procès de Feng étant fixé au 16 novembre 2015.
Sauf que la situation évolue finalement le 29 octobre : l’accusé décide de plaider coupable.
Du côté du gouvernement, on maintient la pression ; non seulement parce que l’intéressé n’a pas encore été officiellement condamné, mais aussi parce que les informations stockées sur l’iPhone en question pourraient permettre d’obtenir de précieux renseignements sur d’éventuels associés.
Les semaines passent et le 12 février 2016, Apple envoie une lettre à la justice. D’une part, pour questionner la pertinence de la démarche du demandeur ; de l’autre, pour souligner la portée que pourrait avoir la décision rendue dans ce dossier, la firme étant engagé dans plusieurs procédures comparables à l’échelle des États-Unis.
Ce lundi 29 février 2016, James Orenstein a tranché en faveur d’Apple, à qui il était précisément demandé de contourner le code de sécurité associé à un iPhone 5s équipé d’iOS 7.
Il n’est pas question de créer une version dérivée du système d’exploitation comme c’est le cas dans l’affaire San Bernardino. Mais le gouvernement utilise les mêmes fondements légaux.
Sauf que son interprétation est, selon le juge, trop large pour ne pas porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs (« checks and balances »)… et qu’elle met tout simplement en doute la constitutionnalité de l’All Writs Act au regard du 4e amendement.
Pour James Orenstein, la seule existence de l’All Writs Act ne justifie pas qu’une cour de justice accorde au gouvernement des pouvoirs que le Congrès ne lui a pas confiés sans pour autant les lui avoir refusés. A fortiori lorsque ledit Congrès a étudié la faisabilité d’une loi « qui aurait eu le même effet », sans l’adopter finalement.
Le magistrat fait aussi la distinction entre le cas d’Apple et celui qui avait véritablement établi l’All Writs Act comme une voie royale pour le gouvernement : il ne portait pas sur une société privée, mais sur une entreprise publique (New York Telephone), qui n’avait par ailleurs pas eu à créer un nouveau produit, mais simplement à installer, à certains endroits, un équipement qu’elle produisait déjà…
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