Vnunet.fr: Comment avez-vous perçu l’introduction de l’UMTS en France ?
Stéphane Dubreuil : SFR, le numéro deux sur le marché mobile en France, a lancé cette innovation majeure avant le leader Orange fin 2004. Nous avons assisté à des lancements de services 3G autour de stratégie principalement d’image destinée à faire découvrir aux consommateurs le potentiel 3G. Désormais, l’UMTS est devenu une réalité en France. Mais, dans un contexte européen, nous sommes l’un des derniers pays à l’avoir adopté. Au Royaume-Uni, en Italie, en Autriche ou au Danemark, on compte trois voire quatre opérateurs UMTS, ce qui a pour conséquence de dynamiser le marché. Dans notre pays, on ne peut pas encore parler de réelle conquête de clientèle pour le moment. Les opérateurs et les équipementiers télécoms peaufinent encore l’aspect technique : stabilité des réseaux, maîtrise des débits, amélioration de la qualité des terminaux…
L’entrée dans le monde de l’UMTS peut-il modifier les rapports de force entre opérateurs mobiles ?
En France en tout cas, l’impact sera faible sur 2005 car les nouveaux services UMTS ne sont pas encore suffisamment compréhensibles ou attractifs. Il ne crée pas une réelle rupture sur l’équilibre des parts de marché actuelle car nous n’avons pas accueilli de nouvel entrant comme dans beaucoup de pays européen tel que l’opérateur « 3 ». Dans un premier temps, Orange et SFR vont bénéficier d’un effet d’image fort. On ne peut pas parler d’impact économique significatif à court terme. A court terme, le marché restera embryonnaire avec des volumes de données transmis sur les réseaux UMTS non significatifs. En 2005, les opérateurs vont adapter leurs plans tarifaires pour proposer des offres plus attractives et démarrer la migration de leurs clients 2G à grande échelle. L’année 2006 sera certainement l’année du décollage de l’UMTS en France et – pourquoi pas – de son explosion comme on peut le voir dans d’autres pays européens. En 2005, on attend la réaction de Bouygues Télécom, qui privilégie toujours les services i-Mode avec un upgrade réseau privilégiant la technologie Edge (dite 2,75G). Il sera intéressant d’étudier la manière dont l’opérateur compte déployer la technologie en France et pallier les nombreux problèmes techniques inhérent à l’Edge notamment la disponibilité des terminaux I-mode / Edge. Si le troisième opérateur tardait trop, il pourrait ne pas supporter le choc des titans.
L’un des principales critiques autour des services 3G portent sur la tarification qui semble excessive. Cela ne va-t-il pas rebuter d’emblée les clients ?
Les tarifs peuvent paraître élevés si l’on se place dans une logique de massification du marché. Cela peut être un frein. Mais les opérateurs n’ont pas retenu cette option pour le démarrage, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ils restent très prudents. De toute façon, ils ne pourraient pas supporter une montée en charge rapide sur les réseaux et en terme d’approvisionnement de terminaux. Toutefois, les opérateurs réfléchissent déjà à la manière d’adapter les grilles tarifaires et surtout à la manière de susciter l’usage par typologie de services.
Parmi les services de vidéo sur mobile, quelles sont les applications qui pourraient susciter un intérêt particulier auprès des consommateurs ?
On peut distinguer trois types de services autour de la vidéo : les séquences de vidéos à la demande, les chaînes de télévision diffusées en streaming et la visiophonie. Potentiellement, le premier service apparaît comme le plus simple d’usage et le plus créateur de valeur. La télévision sur mobile entre plutôt dans la catégorie des nouveaux usages. Mais, en l’état actuel, on risque de saturer les réseaux UMTS pour regarder la télévision, ce qui n’est pas satisfaisant. Les opérateurs envisagent donc des évolutions technologiques comme l’adoption de la norme DVBH. Mais cette technologie reste coûteuse. Pour franchir le pas, il faudrait déterminer si la TV sur mobile sera un marché de masse ou un marché de niche. Une autre voie apparaît avec le HSDPA (3,5G). Quant à la visiophonie, elle est identifiée comme un nouveau service pour un nouvel usage. Sa spécificité est qu’elle entre dans la catégorie de la communication interpersonnelle. Elle devrait servir à des communications d’ordre personnel et familial. Le catalyseur de la visiophonie pourrait être l’interopérabilité du fixe avec le mobile. Il reste un quatrième service qui reste encore peu exploité et qui pourrait surprendre : c’est l’usage des outils de messagerie instantanée sur les supports mobiles interopérable avec le web.
Quelles sont les prochaines grandes étapes de l’UMTS en 2005 ?
La première grande nouveauté en 2005 dans le domaine de la mobilité devrait concerner l’arrivée d’un quatrième acteur majeur sous la forme d’un opérateur mobile virtuel (MVNO), qui proposera à terme des services 3G. Cela va permettre de dynamiser la concurrence. Le opérateurs alternatif Télé 2 est clairement un candidat potentiel mais pas seulement. D’autres opérateurs alternatifs comme Neuf Télécom sont également partants. Il est également envisageable de voir s’installer des FAI ou des distributeurs tels que : AOL, Free ou encore la Fnac à l’instar de Virgin Mobile en UK. Dans le courant de l’année 2005, les opérateurs vont modifier leurs grilles tarifaires pour élargir leurs parcs respectifs de clientèle 3G. A ce titre, CSC estime qu’à fin 2005, la France comptera entre 1,5 et 2 millions de clients 3G. D’ici la fin de l’année 2006, on projette entre 4 et 5 millions de clients en France.
*Stéphane Dubreuil est le co-auteur d’un ouvrage de référence sur l’UMTS intitulé »Le Marketing du multimédia mobile » aux Editions d’Organisations qui a le mérite d’être clair et pédagogique. Fait unique, il est préfacé par les trois principaux directeurs des opérateurs mobiles français (Gilles Pélisson pour Bouygues Télécom, Didier Quillot d’Orange France et Pierre Bardon de SFR), qui exposent leurs visions de la 3G.
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