Stéphane Van Gelder (ICANN) : « Extension générique : la propriété industrielle au coeur des appréhensions »
La libéralisation des extensions génériques se précise : Le 12 janvier, les premiers dossiers de candidatures pourront être déposés auprès de l’ICANN. Décryptage avec un expert du nommage Internet impliqué dans le processus.
ITespresso.fr: Dans les dossiers d’inscription, quels volets intriguent le plus les potentiels candidats ?
Stéphane Van Gelder : La première appréhension porte sur la propriété industrielle. Comment faire pour que l’on ne me vole ou que l’on n’usurpe pas mon nom principal sur une extension ? Actuellement, il existe déjà un bouquet de 22 extensions génériques. Demain, on parlera peut-être en milliers…Ce qui paraît complexe, c’est le fond du dossier. On est très loin des domaines d’activités des entreprises. Il faut reconnaître que les règles de mise en place de ce programme au sein de l’ICANN n’ont pas toujours été très claires. Par certains aspects, ce n’est toujours pas le cas. Cela engendre de l’inquiétude et du flou.
ITespresso.fr: Une entreprise candidate pourra-t-elle externaliser cette activité d’exploitation d’extension générique à des prestataires spécialisés ?
Stéphane Van Gelder : Oui, ce sera possible. Une société comme la nôtre aide les sociétés à monter le dossier et à gérer l’extension lorsqu’elle sera obtenue. Nous sommes dans des métiers très spécifiques (consulting, systèmes informatiques, sécurité, marketing…). Il est plus raisonnable d’opter pour une délégation à des experts.
Sur le front juridique, il y aura aussi des nouveautés contractuelles. Si un candidat obtient une extension, il devra signer un contrat avec l’ICANN de droit californien qui l’engagera sur une période de dix ans minimum. Il faudra fournir des garanties financières sur le fonctionnement de l’extension pendant une période de trois ans. Et montrer que l’on a les reins solides en cas de problèmes. Sur certains aspects, il y a une sensation de perte de contrôles du contrat sur ce programme. C’est la communauté de l’ICANN qui fixent les conditions et qui peut décider de les changer.
ITespresso.fr : Imaginons qu’un constructeur automobile dépose l’extension « .voiture ». Dans quelle mesure ses concurrents peuvent demander un droit d’exploitation au propriétaire de l’extension ?
Stéphane Van Gelder : Tout dépend du projet initial du constructeur déposant qui a été validé par l’ICANN. Si les conditions d’accès sticts sont homologuées, ce constructeur peut exploiter cette extension pour son propre compte sans en faire profiter ses concurrents. Cet exemple est un peu caricatural mais les entreprises doivent être conscientes des risques avec la nouvelle donne des extensions génériques. L’ICANN sera vigilante vis-à-vis des ruptures de contrat : une entreprise qui détient une extension générique ne pourra pas changer son mode d’exploitation en cours de route.
ITespresso.fr: Quels sont les mécanismes d’opposition mis en place ?
Stéphane Van Gelder : Il y a plusieurs procédures spécifiques de protection de premier niveau (.voiture) et deuxième niveau (.renault.voiture) à ce programme. Je n’en connais pas le nombre exact. Ils permettront de faire opposition sur plusieurs grands critères comme la propriété industrielle, la moralité et l’ordre publique, la confusion potentielle avec des extensions existantes ou à créer. Si un constructeur automobile dépose un dossier devant l’ICANN pour l’extension .voiture, il a légitimement le droit de le faire voire de l’acquérir si personne ne s’oppose.
Parmi les mesures de protection de deuxième niveau, une base de données centralisée de référence sera mise à la disposition de tous les registres. Dans cette base de données en cours de création, tous les ayants-droits pourront y inscrire leurs marques sur la base du volontariat [une prestation payante qui sera facturée aux entreprises, ndlr]. Elle permettra de protéger la propriété industrielle dans le processus de ventes de noms de domaine liées à ces nouvelles extensions.