En cette fin décembre, Stéphane Van Gelder a officiellement quitté la direction d’INDOM (bureau d’enregistrement de noms de domaine qu’il avait co-fondé, propriété du groupe britannique NBT depuis fin 2010) et monte sa propre société de consulting dans le nommage Internet.
Parallèlement, il occupe des fonctions importantes au sein de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) du nom d’une organisation de droit californien qui joue un rôle de coordinateur de premier rang dans le système d’attributions des noms Internet.
Après avoir présidé le comité GNSO, Stéphane Van Gelder a été élu en octobre au Nominating Committee (NomCom), « une instance indépendante qui a pour mission d’identifier, recevoir et sélectionner les candidatures à certains des postes clefs de l’ICANN » selon DomainesInfo.
Il revient sur les premières étapes du processus de libéralisation des extensions génériques (gTLD en anglais) sous la houlette de l’ICANN et sur les prochaines échéances de ce programme censé redistribuer les cartes sur Internet.
(Interview réalisée le 17 décembre 2012)
ITespresso.fr : Où en est le processus de libéralisation des extensions génériques ?
Stéphane Van Gelder : En juin 2012, le nombre de candidatures reçues a été annoncé : 1930 dépôts de dossiers. Elles proviennent majoritairement du continent américain (911), puis vient l’Europe (676) et l’Asie (303). On en recense 24 d’Amérique latine et 17 d’Afrique. C’était un succès inattendu d’un point de vue volumétrie. Personne ne s’attendait à un tel afflux de demandes. Début 2012, l’ICANN s’attendait à 500 demandes.
Les Américains ont manifestement compris l’intérêt et surtout deux géants de l’Internet : Google (qui a demandé 98 extensions) et Amazon (76 extensions).
Avec ce programme, il y a une opportunité de changements de distribution des cartes sur Internet.
ITespresso.fr : Est-ce le signe d’une réelle volonté d’investir dans les nouveaux noms de domaine génériques ou une manière de se protéger d’éventuels risques que des organisations ne s’en servent au détriment d’autres ?
Stéphane Van Gelder : Les stratégies sont manifestement commerciales, avant-gardistes et innovantes. Il ne s’agit nullement de prises de position défensives. Bien sûr, les marques sont demandées pour la protection. Mais ce sont surtout des termes génériques qui sont sollicitées comme le « .blog » ou le « .book ». Il y a une volonté de décliner de nouveaux espaces sur le Net pour atteindre une clientèle ou une communauté spécifique.
Je précise que, sur l’ensemble des demandes figuraient 116 dépôts de dossiers en IDN (c’est à dire en caractères non latins).
Par exemple, L’Oreal, qui a été la marque française la plus prolifique en demandes d’extension, voudrait adopter le « .beauté » en chinois. Là aussi, c’est le signe d’une compréhension du potentiel de toucher une vaste clientèle avec un système de nommage qui lui parle.
ITespresso.fr : Quelles sont les prochaines étapes pour 2013 ?
Stéphane Van Gelder : A priori, on devrait voir apparaître les premiers noms de domaine de la vague de la libéralisation dans le courant de l’année 2013. Le programme est en phase de validation au sein de l’ICANN. Il s’agit désormais de vérifier en détail les candidatures (solidité financière, administration, risques éventuels de perturbation du fonctionnement de l’Internet, etc.). Les gouvernements ont pu s’exprimer sur les éventuelles réticences vis-à-vis de certaines extensions.
ITespresso.fr : Avez-vous des exemples sur des extensions qui gêneraient des autorités gouvernementales ?
Stéphane Van Gelder : Au nom de l’intérêt national, la France a émis des doutes sur des demandes d’extension comme le « .sarl » (acronyme de société à responsabilité limitée, extension sollicitée par deux entités : une allemande et une américaine) ou le « .vin ».
Le gouvernement a aussi émis des doutes vis-à-vis de demandes de la seule société française qui explore vraiment le potentiel des noms de domaine génériques libéralisés : StartingDot qui voudrait exploiter le « .archi » pour désigner l’univers de l’architecture et le « .bio » pour éviter les abus sur la dimension écologique.
ITespresso.fr : Comment peut-on adresser une réclamation à l’ICANN ?
Stéphane Van Gelder : Précisons qu’en l’état actuel, les démarches des gouvernements sont informelles. C’était prévu dans le programme de l’ICANN. Mais, pour l’instant, les gouvernements s’adressent directement aux candidats concernés sous la forme d’un complément d’information sur la manière dont les extensions requises pourraient être exploitées « Nous avons un problème, voici ce qui nous dérange dans votre dossier. Merci de nous contacter pour voir ce que l’on peut faire. »
Il existe un formulaire dans ce sens sur le site de l’ICANN. Le gouvernement peut demander le retrait de l’extension ou une modification de l’exploitation pour remplir les exigences (en renforçant les mesures de protection par exemple).
Nous sommes dans une procédure où le candidat n’est pas obligé de répondre à cette alerte. Il y est fortement incité.
D’ici la fin du premier trimestre 2013, les gouvernement établiront une liste officielle des extensions qui ne veulent pas voir sur Internet. Cette liste sera prise très au sérieux par l’ICANN. Dans le cas d’une objection formelle d’un gouvernement voire d’un avis de la part du comité gouvernementale de l’ICANN, il est très peu probable que l’extension sollicitée voit le jour.
ITespresso.fr : Combien de réclamations officieuses peut-on recenser en l’état actuel ?
Stéphane Van Gelder : Assez peu. On recense environ 240 objections émises par les gouvernements qui concerneraient 362 termes différents. L’Australie se distingue : ce pays a émis 129 réclamations. On en recense 20 du côté de l’Allemagne. 19 pour la France. Après, cela s’étiole. Ainsi, on ne recense que 4 objections émises par les Etats-Unis. Sous un autre angle, Amazon (76 extension demandées) a fait l’objet de 27 objections gouvernementales. Google (98 extensions requises) n’en a reçu que 6.
Du côté des marques, il y a peu de contestations officielles. Moins que l’on pouvait l’imaginer. Certes, il y a toujours des soucis de droit sur la protection de la propriété industrielle. Mais ces soucis existaient avant le processus de libéralisation des extensions.
Néanmoins, on peut toujours déposer une contestation. La fin de validation des dossiers de candidatures est prévue pour juin 2013. A cette échéance, l’ICANN publiera la liste des dossiers des demandes d’extensions validées. A priori, dans cette liste, il ne figurera que les extensions ne posant aucun soucis et qui devront faire partie de la première vague pour l’ouverture.
ITespresso.fr : Un récent article du quotidien britannique The Guardian considérait que de nouvelles extensions comme le « .search » ou le « .christmas » seraient susceptibles d’apparaître à partir de l’été 2013…
Stéphane Van Gelder : Il s’agit manifestement d’un défaut d’information. Ce sera difficile de lancer de nouvelles extensions dès cette échéance. Comme je vous le disais, la publication de la liste des dossiers pré-validés n’interviendra pas avant fin juin ou début juillet.
Il faut passer ensuite à la phase d’activation avec la signature d’un contrat entre l’ICANN et le dépositaire. Et cela prendra quelques mois. On reste dans un calendrier d’ouverture des premières extensions à l’échéance fin 2013 – début 2014.
[update : depuis, The Guardian a publié un autre article pour apporter des précisions sur le .christmas notamment, NDLR]
ITespresso.fr : Et, sur le marché français, qui va bondir en premier ?
Stéphane Van Gelder : Difficile à savoir en l’état actuel. Le groupe L’Oreal s’est montré très dynamique. Il existe aussi des sociétés innovantes françaises qui veulent avancer rapidement. Je pense à la PME Translations qui est une société spécialisée dans des prestations de traduction et qui a déposé une demande pour cette extension. Je pense qu’il faudra attendre deux ou trois ans avant d’avoir un tableau plus précis en termes d’implication.
ITespresso.fr : Ce processus de libéralisation des extensions génériques fait-il encore l’objet de résistance ?
Stéphane Van Gelder : Il existe toujours des réticences vis-à-vis de la protection de la propriété industrielle, du fonctionnement du programme ou sur la manière dont l’ICANN compte exploiter cette manne financière. Mais la libéralisation est inévitable. C’est acté. Plus personne ne dit sérieusement qu’il ne faut pas procéder à l’ouverture.
ITespresso.fr : Quels sont les autres gros chantiers 2013 de l’ICANN ?
Stéphane Van Gelder : Depuis octobre, l’ICANN a un nouveau président et CEO : Fadi Chehadé. Il a un profil porté sur l’international et il a fait une très forte impression dès le début de son mandat. On a pu le voir à l’occasion des débats lors de la récente Conférence mondiale des télécommunications internationales (qui s’est déroulée à Dubaï du 3 au 14 décembre 2012). L’ICANN a été invité à participer à la cérémonie d’ouverture.
L’un des grands travaux prioritaires 2013 de l’ICANN portera sur une évolution du WHOIS du nom de cette base de données des noms de domaine qui ne donne vraiment pas satisfaction. Elle n’est pas uniformisée en fonction des extensions (génériques et nationales). Un groupe de travail sur le sujet est en cours de formation pour une action vraiment forte sur ce point-là.
Un deuxième grand chantier portera sur le contrat signé avec les registrars (bureaux d’enregistrement des noms de domaine) labellisés par l’ICANN. Un système décrié par les agences de lutte contre la cybercriminalité (comme le FBI) qui ne considèrent qu’il n’y a pas suffisamment de chaînes de responsabilité dans la diffusion des noms de domaine. Ce qui pose un problème pour lutter contre les sites vendant des produits de contrefaçon par exemple.
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