Le 17 décembre 2014, l’Assemblée nationale adoptait, en deuxième lecture dans le cadre du projet de budget rectificatif de fin d’année, les mesures déposées par la députée socialiste Bernadette Laclais pour assouplir les règles de financement des start-up par des holdings d’investisseurs particuliers via des plates-formes de crowdfunding.
L’entrée en vigueur du texte au 1er janvier 2015 a levé deux conditions auxquelles ces sociétés d’investissement de business angels (SIBA) devaient se soumettre pour que les associés puissent bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu ou la fortune : elles n’ont désormais plus à employer au moins deux salariés et peuvent compter plus de 49 actionnaires.
Apparues respectivement en 2009 et en 2011, ces deux restrictions devaient apporter un contrepoids face aux abus constatés après la promulgation, en 2007, de la loi TEPA, qui mettait en place une série d’avantages fiscaux pour l’investissement de particuliers dans le non coté.
Présidente de WiSEED (plate-forme française de crowdfunding), Stéphanie Savel revient sur la levée de ces barrières. Quels bénéfices pour les porteurs de projets ? Quelles perspectives en matière de jonctions avec les autres canaux de financement ?
ITespresso.fr : En quoi consistent précisément les allègements applicables depuis le 1er janvier ?
Stéphanie Savel : Ils consistent à rendre possible la déduction d’une partie de l’investissement des particuliers de leur impôt sur le revenu ou de l’ISF, même quand ils investissent via une holding de plus de 49 actionnaires créée par une plate-forme de financement participatif.
Cette mesure concerne directement WiSEED : pour chaque start-up financée, nous créons une société qui regroupe tous les actionnaires individuels. Le principe même du crowdfunding étant de faire appel à la foule, on dépassait très souvent le seuil imposé, avec des holdings regroupant parfois jusqu’à 200 ou 250 personnes.
Jusqu’au 1er janvier 2015, celles-ci n’autorisaient tout simplement pas la défiscalisation. Pour les particuliers qui tenaient absolument à la déduction, on créait des structures de moins de 50 actionnaires, mais avec un ticket d’investissement minimum plus élevé, en l’occurrence 5000 euros.
Chez WiSEED, nous estimons toutefois que le principe même de la holding en financement participatif est de pouvoir accueillir de petits tickets d’investissement : à partir de 100 euros en l’occurrence.
Concernant l’obligation d’employer deux salariés dans l’année suivant l’investissement, c’était moins contraignant pour nous, quand bien même il fallait établir des contrats de travail.
C’est vraiment le seuil de 49 actionnaires qui est extrêmement important pour nous. Et sur les plan des principes, il permet une meilleure équité fiscale, la déduction étant appliquée quel que soit le montant investi.
ITespresso.fr : Que gagne l’entrepreneur en ayant affaire à une holding ?
Stéphanie Savel : La gestion de la relation actionnariale est vraiment simplifiée. Je peux vous dire que les entrepreneurs préfèrent avoir un seul interlocuteur qui représente tous les actionnaires sans pour autant faire écran.
De notre côté, on se fait fort d’organiser et de structurer la relation entre les deux parties, tout en rappelant à l’entrepreneur que derrière la holding, il y a 50, 100 ou 200 investisseurs qui peuvent être autant de ressources précieuses.
Quand on leur parle de crowdfunding, les entrepreneurs ont parfois tendance à partir en courant. Mais quand on leur dit qu’on regroupe les actionnaires au sein d’une holding, ils reviennent plus volontiers.
Ce schéma de financement facilite également le co-investissement avec les acteurs traditionnels, typiquement les VC. De telles situations se retrouvent de plus en plus sur WiSEED.
ITespresso.fr : Existe-t-il d’autres jonctions avec le capital-risque ?
Stéphanie Savel : Depuis deux à trois mois, on voit que l’aspect co-investissement avec les VC devient naturel.
Chose plus inattendue : nous hébergeons maintenant des projets qui nous sont apportés par des fonds d’investissement ayant participé à un premier tour de table et qui aimeraient introduire la dimension crowdfunding dans un deuxième tour.
Nous avons trois cas actuellement sur notre plate-forme. Mais nous ne communiquerons officiellement à ce propos qu’à partir de fin janvier.
L’intérêt pour les entrepreneurs d’ajouter au capital-risque une dose de crowdfunding, c’est de mesurer la réceptivité du public face à une innovation, à la fois en tant qu’investisseurs et en tant que futurs utilisateurs ou marché potentiel.
Et cela ne s’applique pas qu’aux projets BtoC. En tout cas, les trois projets que je vous évoquais sont plutôt orientés technos et BtoB.
ITespresso.fr : Comptez-vous vous ouvrir au financement des PME, par exemple avec votre fonds WiFund ?
Stéphanie Savel : WiFund n’est pas positionné sur cette problématique. Il s’agit d’un fonds de co-investissement qui a vocation à soutenir des projets de projets aux côtés d’investisseurs particuliers qui financent les start-up en amorçage, avec la possibilité d’un deuxième, voire d’un troisième tour.
Sur le financement des PME plus matures, il y a deux branches. Le capital-développement n’est pas très répandu en crowdfunding. En revanche, on réfléchit effectivement sur le financement par le prêt : de plus en plus de plates-formes s’insèrent sur ce domaine d’activité.
Nous misons notamment sur une communauté d’investisseurs qui regroupe une grande variété de profils. On s’aperçoit aussi que le ticket moyen augmente, certains étant prêt à mettre jusqu’à 100 000, voire 150 000 euros. L’appétence du public reflète aussi le développement de l’économie collaborative et une certaine désaffection des intermédiaires financiers.
Au-delà du financement des PME innovantes, notre logique s’étend jusqu’aux marchés boursiers : l’objectif du crowdfunding reste de s’assurer que les entreprises se développent suffisamment pour envisager toute évolution capitalistique… Y compris à travers une IPO, mais aussi des rachats industriels ou l’ouverture à un second marché.
Depuis quelques mois, nous structurons une politique d’accompagnement en ce sens, assurée soit par nos équipes, soit par des membres de notre communauté d’investisseurs qui ont des compétences particulières.
ITespresso.fr : Des pistes à creuser dans le cadre de la Loi Macron ?
Stéphanie Savel : Il y a effectivement des axes à aborder, mais ce sont des notions assez techniques, gérées essentiellement par le régulateur et qui concernent la façon dont les process sont structurés sur les plates-formes. Par exemple aller vers davantage de dématérialisation, entre autres en acceptant la signature électronique comme nouvelle preuve de souscription.
On pourrait aussi souhaiter l’instauration de mesures qui permettent d’orienter plus facilement une partie de l’épargne des particuliers vers le financement direct.
La situation actuelle en France est assez paradoxale : d’un côté, on injecte beaucoup d’argent public dans le soutien à la création d’entreprises, au travers des incubateurs.
Et après, c’est un peu le désert… Alors même que les particuliers, sous conditions de transparence et de traçabilité, se montrent disposés à soutenir les start-up.
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A lire en complément :
– L’éditeur français One Check empoche 300 000 euros grâce à WiSeed (article du 15/01/15)
– Les dix nouvelles règles du crowdfunding (tribune, octobre 2014)
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