Les choses semblaient entendues. Les magasins physiques allaient progressivement disparaître sous le rouleau-compresseur des géants de l’e-commerce. A commencer par Amazon. Ce n’est pas si simple que cela.
Lors du colloque NPA / Le Figaro qui s’est tenu le 31 mai, des groupes comme Carrefour, Axa et Louis Vuitton ont évoqué leur stratégie omnicanal où le réseau physique occupe une position centrale. Compte-rendu.
Pour Hervé Parizot, Directeur e-commerce et data clients de Carrefour France, le magasin physique reste, en effet, au cœur du dispositif. « Quand il a été créé, le concept d’hypermarché répondait à la promesse de réunir toute l’offre sous un même toit. Avec le numérique, il s’agit toujours de partir du magasin et d’écarter les murs en proposant des produits et des services complémentaires. »
Carrefour peut, il est vrai, s’appuyer sur une fréquentation régulière et soutenue de ses points de vente grâce à l’alimentaire. Chaque jour, ce sont 3 millions de clients qui se rendent dans l’un de ses 6000 points de vente. Le maillage est tel que le déplacement en voiture ne dépasse pas les 7 minutes. « Pour certains clients, aller au magasin est malheureusement leur seule occasion de sortie. »
Ainsi, quand Carrefour a lancé ses services « drive », il a fait le choix de les mettre à proximité de ses points de vente. Résultat, « 25 % des clients qui vont au drive passent avant en magasin, constate Hervé Parizot. Les courses contraintes sont dévolues au drive, les courses plaisir au magasin. »
Carrefour a aussi la chance d’avoir une multitude de formats : de la supérette de proximité – dont « le trafic est peu altéré par Internet » – à l’hypermarché de 15 000 m2. Pour ce dernier, le distributeur va pousser l’offre de services. Il accordera aussi une place de choix au frais peu présent sur Internet. Avec Fresh qui devrait bientôt arriver en France, Amazon entend justement occuper ce marché des produits frais.
Si les ventes Internet plafonnent à 20 % des revenus du groupe, Carrefour n’investit pas moins dans l’e-commerce. L’été dernier, le groupe rachetait Rue du Commerce, « pour son infrastructure dédiée au non alimentaire. »
De la même manière que Carrefour, la proposition de valeur d’AXA s’est construite autour du point de vente. Chaque client est en moyenne à 5 minutes en voiture de son agence.
Pour Amélie Oudéa-Castera, Directrice digital, marque et partenariats d’AXA France, ce réseau de distribution physique est un grand actif de l’assureur même si les agences doivent être modernisées et davantage reliées aux canaux numériques et aux plateformes de relation-client. C’est d’ailleurs la photo d’un agent général, un certain Benoît, qui figure en grand sur la page d’accueil du site.
Amélie Oudéa-Castera fait toutefois une distinction entre les produits d’épargne ou de santé qui nécessitent un conseil personnalisé et les contrats auto et habitation « plus standardisés et moins impliquants » « Des produits de commodité qui peuvent plus facilement se souscrire en ligne. »
L’omnicanalité permet aussi des parcours hybrides. Un client peut débuter une souscription sur le web, demander un conseil à un opérateur de centre d’appel puis venir signer en agence.
De la même manière, la gestion du sinistre est partagée. En dehors des horaires de l’agence ou le week-end, le client est pris en charge par la plateforme téléphonique mais l’agent est informé dès son retour au bureau et prend le relais.
Pour avoir cette vision client unifiée, AXA est en train de fusionner tous ses outils de CRM en un seul : Salesforce. Le déploiement pour les 25 000 agents généraux et commerciaux doit s’achever d’ici la fin de l’année. AXA fait aussi appel au big data pour mettre les données à disposition de l’ensemble des acteurs de la relation client à travers le programme V360°.
Pour une marque de luxe comme Louis Vuitton (Groupe LVMH), la vente physique dans un de ses 460 magasins reste largement majoritaire. Le site le plus important, celui des Etats-Unis, dépasse seulement les 10 % du chiffre d’affaires réalisé dans le pays.
Pour l’essentiel, le Web sert surtout à s’informer avant l’achat et bénéficier de conseils après (entretien, style…) même si le paiement en ligne est possible. « Nous nous devons d’être omnicanaux et laisser le choix à nos clients, affirme Agnès Vissoud, Directrice expérience et performance digitale. Il peut être plus agréable pour certains de commander sur un canapé. »
Marque internationale, Louis Vuitton doit tenir compte des spécificités locales. Si le groupe français dispose au Japon d’un réseau très dense de magasins, la vente à distance est très répandue en Chine.
Dans l’Empire du Milieu, il offre un service téléphonique très haut de gamme. A l’autre bout de fil, « les vendeurs sont généralement d’anciens vendeurs et connaissent très bien les produits. » Louis Vuitton fait aussi de la vente à distance sur WeChat, le Twitter chinois.
Tout d’abord dans la sélection des vêtements, des accessoires de mode, des bijoux ou des montres qui sont mis en ligne. « Sur les 5000 produits reçus par jour, nous en acceptons 10 % », affirme Olivier Marcheteau, Directeur général du site. Avec un panier moyen de 400 euros, pas question de reproduire le côté fourre-tout des dépôt-ventes physiques.
Pour la mise en scène des produits, le site peut aussi faire appel à des photographes professionnels et des mannequins pour des séances de « shooting ». Enfin, les produits passent systématiquement dans les bureaux de Vestiaire Collective pour être contrôlés par des experts. Ce qui conduit à un « délai incompressible de quelques jours ». Pas vraiment dans la culture de l’e-commerce mais indispensable pour réussir dans le luxe en ligne.
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