Pour SuSe, distributeur allemand d’une suite Linux, l’heure est venue d’imposer le système d’exploitation Open source dans les PC de bureau des entreprises. Le distributeur vient en effet de lancer SuSe Linux Desktop, une déclinaison pour PC de sa suite. Elle est couplée avec une suite bureautique libre, OpenOffice.org, et celle de Sun Microsystems, StarOffice ; les utilisateurs peuvent néanmoins continuer d’utiliser Office de Microsoft. Le coût d’une licence SuSe Linux Desktop pour cinq utilisateurs est de 598 dollars, un prix assez élevé qui démontre l’orientation résolument professionnelle de ce produit. Notons que l’initiative de Suse n’est pas isolée. Ainsi Red Hat prévoit-il le lancement d’une version de sa suite pour PC d’ici le mois de novembre, croit savoir InternetWeek. Elle serait en ce moment évaluée par plusieurs clients d’IBM Global Services.
Voilà donc l’allemand SuSe, et peut-être prochainement Red Hat, à l’assaut des parcs de PC des entreprises. La disponibilité de versions de Linux pour PC n’est pas vraiment une nouveauté mais jusqu’à présent, leur succès auprès des utilisateurs finaux n’a été que très relatif, voire quasi nul, que ce soit en entreprise ou auprès des particuliers. Ainsi, d’après IDC, moins de 2 % des PC livrés en 2001 étaient équipés du système libre. Et de fait, c’est essentiellement en tant que système d’exploitation pour serveurs que Linux s’est imposé au fil des années, au point de constituer désormais un très sérieux concurrent de Windows NT et des Unix. Alors pourquoi s’intéresser aujourd’hui aux PC alors que l’offensive sur le marché des serveurs bat son plein ?
L’affaire munichoisePour Suse, équiper les serveurs reste incontestablement la priorité et constituera pour longtemps encore l’essentiel de son activité. Cependant, le distributeur allemand parie sur une montée en puissance rapide de son activité PC : il prévoit qu’elle représentera de l’ordre de 30 % de son chiffre d’affaires d’ici à deux ans. Déjà, SuSe a remporté le mois dernier un important contrat, ce qui tend à conforter ses prévisions ; il va en effet équiper de sa suite Linux les 14 000 postes de travail de la municipalité de Munich. Contrat qu’il a bien évidemment remporté au nez et à la barbe de Microsoft alors que le CEO, Steve Ballmer, a tenté lui-même de convaincre les responsables munichois de lui rester fidèles. Pour cela, l’éditeur américain avait consenti de très substantielles ristournes. Ainsi, selon une estimation du cabinet d’études Gartner Group, la migration du parc de PC de Windows vers Linux leur coûtera-t-elle de l’ordre de 30 millions d’euros, alors que la mise à jour des licences Windows ne leur aurait coûté que 27 millions, et ce avant les ultimes remises consenties par Steve Ballmer. Mais las, la volonté de la municipalité de Munich de s’affranchir de Microsoft a été la plus forte. C’est peut-être cet échec qui a conduit la semaine dernière Steve Ballmer à envoyer à ses salariés un mémo dont le contenu a été rendu public dans la presse et dans lequel il identifie Linux comme LA menace pour l’avenir de son groupe.
Délicate migrationMais cette menace est-elle à ce point imminente ? Car malgré l’incontestable succès de SuSe à Munich, il ne faudrait pas en conclure trop rapidement que s’ouvre désormais pour lui et les autres distributeurs une voie royale vers les parcs de PC des entreprises, loin s’en faut. Les obstacles sont en réalité fort nombreux. Le Gartner en faisait la remarque : une des motivations à l’engagement de la ville de Munich ? et, au-delà, de collectivités territoriales et d’administrations européennes ou sud-américaines – en faveur de Linux et des logiciels libres est d’ordre politique : il s’agit de stimuler l’activité d’entreprises locales et de favoriser l’émergence d’une concurrence effective sur leur territoire national. Autant de préoccupations qui n’ont, a priori, pas à être prises en compte par les entreprises privées. Pour elles, la pertinence d’une éventuelle migration doit s’évaluer plus froidement. Elles doivent ainsi bien prendre en compte les coûts cachés comme la formation des utilisateurs, leur perte de productivité momentanée consécutive à une éventuelle résistance… Les problèmes techniques ne sont pas anodins non plus : l’utilisation d’Internet Explorer sous Linux ne semble pas être des plus aisées. Et Gartner de rappeler que, dans le cas la municipalité de Munich, certaines applications ne migreront pas vers Linux : ce sont notamment les applications dites « webisées » auxquelles on accède à l’aide d’un navigateur…
Mais l’exemple de la municipalité de Munich constituera un test intéressant qui permettra d’évaluer la maturité de Linux en tant que système d’exploitation pour PC. Il faudra cependant patienter un peu car la migration ne débutera pas avant le premier trimestre 2004. En attendant, on peut tirer un premier enseignement, d’ordre commercial : à savoir que Linux peut être habilement utilisé pour négocier de meilleurs prix auprès de Microsoft.
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