En pleine relance de son service sous l’angle « open banking », Morning vient de recevoir plusieurs coups de massue.
Initialement créée sous le nom Payname, la start-up Fintech, installée près de Toulouse, avait présenté ses nouvelles ambitions de néo-banque en juin.
Elle se retrouve dans une situation difficile à plusieurs titres : mesures conservatoires prises au nom de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) aboutissant à la suspension de service, difficultés financières et un présumé manque de soutien de la part de son actionnaire de référence (la MAIF détient 38% du capital).
Après avoir développé un système de cagnotte en ligne gratuite pour sécuriser les paiements entre particulier, Morning a émis la volonté un projet plus ambitieux de « néobanque »…sans l’appui des banques. La première brique dans ce sens avait été dévoilée en novembre : une prochaine carte MasterCard pour « simplifier la gestion financière au quotidien ».
Comment la situation de Morning s’est détériorée en trois actes :
Agréé « Etablissement de paiement » par l’ACPR et détenteur d’une licence de membre principal MasterCard, Morning a dû stopper ses services de paiement.
Des mesures conservatoires ont été prises à l’encontre de la start-up par décision de l’autorité de régulation « qui veille à la stabilité du système financier et à la protection des clients » en date du 1er décembre.
Au cœur de l’alerte : une insuffisance de fonds sur le compte de cantonnement (bloqué) auprès d’un établissement de crédit (une obligation règlementaire en vertu du Code monétaire et financier).
Un prélèvement de 514 564 euros a été effectué en septembre 2016 sans reversement ultérieur. Mais le commissaire aux comptes de la SAS Morning a également identifié une insuffisance de cantonnement supplémentaire de 538 494 euros au 31 octobre 2016.
C’est trop pour l’ACPR qui considère que la start-up n’a pas mis en œuvre les « diligences requises pour assurer la protection des fonds reçus de sa clientèle ».
Tout en poursuivant : les sommes figurant actuellement au crédit du compte de cantonnement de la SAS Morning sont nettement insuffisants pour couvrir le montant des fonds qu’elle a reçus de sa clientèle. « En conséquence,les intérêts de ses clients sont susceptibles d’être compromis. »
Jusqu’à nouvel ordre (c’est-à-dire un éventuel déblocage des mesures conservatoires de l’ACPR), l’activité de Morning est interrompue.
Dans un communiqué du jour, Morning se défend : « Nous tenons à rappeler qu’une somme a été nantie sur le compte de cantonnement afin de répondre aux obligations de garanties nécessaires pour le lancement des prochaines cartes de paiement Morning. Cette somme n’a pas été utilisée par Morning. »
Dans une contribution blog du jour, Morning explique la situation à ses 75 000 clients à propos du service inaccessible : « En clair, il nous est impossible aujourd’hui de proposer nos services, notamment ceux de cagnotte et de page de paiement. Nous ne pouvons pas reverser l’argent collecté sur le compte de nos clients. Le site est donc gelé et aucun mouvement ne peut être opéré. »
Mais d’autres éléments contextuels rendent une hypothèse de relance plus hasardeuse.
L’ACPR le précise dans sa décision sur la foi de l’alerte donnée par le commissaire aux comptes de la SAS Morning : « La trésorerie de la société est devenue négative au 17 novembre. »
Le risque de défaillance est important : une cessation de paiement pourrait conduire à une période de redressement judiciaire voire de liquidation.
« C’est le sujet le plus préoccupant », estime Eric Charpentier, CEO fondateur de Morning contacté lundi après-midi par ITespresso.fr.
Selon ses propos, Morning pariait sur une levée de fonds dans le courant de l’année 2016 voire une introduction en Bourse sur Alternext de 15 millions d’euros d’ici la fin du premier trimestre 2017.
Mais Eric Charpentier évoque des tergiversations – ou plutôt des « non-décisions » – qui ont perduré de la part de la MAIF depuis le début de l’année et un plan IPO qui n’a pas été jugé « sérieux » et « crédible » par l’actionnaire de référence de la start-up.
La MAIF, qui avait injecté 5 millions d’euros en septembre 2015 via son fonds d’investissement MAIF Avenir, semble mal à l’aise avec le projet de « néo-banque » de Morning. C’est la version avancée par le fondateur de la start-up.
Au point de laisser flotter la situation sur le premier semestre 2016 ? Une période au cours de laquelle Morning cherche des nouveaux leviers de financement pour assurer la pérennité des activités.
« Aujourd’hui, alors que nous sommes prêts à exécuter le modèle, notre investisseur principal, la MAIF, nous annonce qu’il conditionne son action d’accompagnement du projet à l’entrée d’un nouvel investisseur », évoque Morning dans son communiqué du jour.
« Dans un délai aussi court, la MAIF nous oriente clairement vers l’introduction d’une banque historique au capital. Ce qui reviendrait à tuer le projet d’indépendance de Morning, à tuer l’innovation au profit unique d’un acteur dont les intérêts sont ailleurs. »
En termes de gouvernance, la MAIF fait partie du comité stratégique de Morning et une assemblée générale devrait se réunir « dans les prochains jours », évoque Eric Charpentier lors de notre entretien.
La fin de l’année sera mouvementée mais déterminante pour l’équipe de 50 collaborateurs et le suivi du projet de la start-up. Malgré tous les efforts fournis par la direction pour montrer les étapes disruptives et positives franchies depuis la création de la société (voir CP en PDF).
Dans un communiqué à ce jour, la MAIF réagit sur le cas de Morning « mise en cause par l’ACPR ». La société d’assurance précise qu’elle est « totalement mobilisée pour tenter de trouver des solutions qui permettraient de surmonter les difficultés rencontrées par Morning, et ce, dans l’intérêt de ses clients et de ses salariés. »
Tout en poursuivant : « Nous nous engageons, lorsque nous serons au terme de cette démarche, à nous mettre en situation de partager notre vision sur l’évolution de ce dossier. »
Une interview de Pascal Demurger (Directeur général de la MAIF), diffusée cet été sur ITespresso.fr, laissait planer un doute sérieux sur la volonté du groupe d’assurance de s’investir dans ce crédo de néo-banque visant à bousculer le secteur traditionnel de la banque.
« Notre démarche sur le secteur bancaire repose sur l’agilité d’une start-up [Linxo, à l’origine du service d’agrégateur de comptes bancaires Nestor, NDLR] et l’exploitation d’un positionnement de neutralité, car nous n’avons pas d’intérêt marqué dans le monde bancaire. »
Tout en poursuivant : « En proposant ce service d’agrégateur de comptes bancaires, nous n’avons pas les inconvénients liés aux métiers de la banque : nous ne sommes pas teneur de comptes, nous n’avons pas besoin de consentir les investissements nécessaires pour monter un système bancaire. »
Le cas de Payname/Morning avait été éclipsé dans la réponse. Un message subliminal peut-être.
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