Showrooming, click and collect, e-réservation… Les interactions se multiplient entre le monde digital et les magasins physiques au risque de brouiller un peu plus les pistes du parcours-client type.
Est-ce la fin des boutiques telles qu’on les connaît ? Des experts ont évoqué ce sujet lors d’une table ronde au salon Time2Marketing qui s’est tenu le 2 juin à Paris.
Cela fait maintenant une quinzaine d’année que l’industrie IT met le dimension du cross canal sur le piédestal. A savoir un parcours client simple et fluide où les différents points de contact – la boutique, le centre d’appel, le site Web, l’appli mobile – se répondent les uns aux autres, « sans couture ».
Sauf qu’avec les phénomènes du showrooming et du web-to-store, les voies qui mènent à l’achat se sont quelque epu brouillées.
« Il y a 4 ans, le parcours client était assez classique », soutient David Legrand, Directeur général de Beaumanoir, en charge de la digitalisation des marques du groupe (Bonobo, Cache-Cache, La City, Morgan…) et de l’activité online.
« Le consommateur commençait le plus souvent à s’informer sur le Web pour finir en boutique. Aujourd’hui, tout se bouscule, le parcours est erratique. »
Avec la difficulté de suivre le client dans les méandres de ce monde « phygital ». « Ce qui se trace bien, c’est le transactionnel. C’est bien pour la fidélisation, mais, ce qui nous intéresse, c’est ce qui se passe en amont. Comment le client s’engage et se désengage et sur quel canal. Si on pouvait tagger les clients en RFID, ça serait super », ironise David Legrand.
A défaut, Beaumanoir fait de l’analyse comportementale, croise des données. « Pour les gérants de magasin, cela paraît complétement abstrait. Il faut donc traduire ces schémas en actions commerciales. »
D’autant que le mobile a ringardisé les autres médias. « Une appli mobile induit un marketing one to one et non du mass market avec du contenu personnalisé, des notifications. C’est une transformation profonde du CRM. »
Avec 2500 magasins et autant points relais, le groupe de prêt-à-porter féminin s’est converti au click and collect en observant comment les VPCistes opéraient « 50 % des achats conclus sur le web sont retirés en magasins ».
Beaumanoir a également opté pour la réservation en ligne. « Nos taux de transformation étaient bas sur le Web. En observant les internautes qui ne concrétisaient pas, on s’est aperçu qu’ils préparaient leurs achats, consultaient les stocks en magasins pour voir si le modèle était disponible », précise son représentant à T2M.
Tout en poursuivant : « Du coup, le trafic dans nos magasins est aujourd’hui majoritairement assisté via le web et le CRM. Le trafic naturel ne représente plus grand-chose. Le client ne se déplace plus en magasin par hasard. »
La fréquentation en boutiques baissant (alors que les loyers des bailleurs, eux, n’ont pas bougé), David Legrand prédit la fermeture d’un grand nombre de magasins.
« Ils seront remplacés par des showrooms, des lieux de services ou des espaces de loisirs de type retailtenment (mot-valise associant retail et entertainment, NDR) relégués en périphérie. »
Expert de la distribution, qui a sévi pour Jardiland, Krys et Apple, Joël Plat croit, lui, encore en l’avenir des boutiques.
A condition qu’elles offrent « une expérience émotionnelle » qui différent en fonction du jour de la semaine, de l’année, ou d’un événement. On pense bien sûr aux Apple Store…
« C’est un jeu d’adaptation permanente entre le off- et le online. Il faut donner envie de revenir. Seules les marques qui arrivent à véhiculer leurs valeurs sur tous les points de contacts réussiront. »
Mais attention aux fausses promesses du clinquant. Les écrans digitaux, les vitrines tactiles coûtent une fortune et une fois à l’intérieur, le client peut être déçu.
Spécialiste du cross-canal, Régine Van Heems note d’ailleurs que des enseignes américaines retirent leurs écrans tactiles.
« Le consommateur préfère être dans l’intimité pour surfer. Pas sûr qu’il fasse des kilomètres pour se rendre dans des magasins aussi froids et digitaux que son écran. »
Cela rappelle à Sandrine Ramakers, Directrice marketing et e-commerce chez Top Office, la folie des bornes tactiles. « Il y a quelques années, il fallait en installer partout. Après quelques mois de tests, on se rendait compte que le nombre de connexions était très limité. On a perdu de vue l’usage en voulant faire moderne. »
Top Office a choisi de doter ses vendeurs ou plutôt d’iPod. « Le format est plus pratique. Les forces de vente ont accès à l’historique des achats a aussi à disposition des comparateurs pour proposer une offre adaptée ».
Face à un client qui s’est sur-informé sur Internet, le vendeur peut être challengé, « il ne dit plus je vais me renseigner auprès d’un collègue. »
Directrice grands comptes et développement du cabinet Bolero (groupe Fullsix), Stéphanie Di Mattia croit, elle, aux vertus du big pour tracer et modéliser un parcours client.
Elle prend le cas du bricolage, un secteur qui réalise peu de ventes mais l’un des plus dynamiques en terme de discussions sur le Web.
« Le bricoleur prépare son achat en s’informant sur le Web. Mais les pages d’atterrissage sur les sites spécialisés sont assez décevantes. Il va donc ses rendre sur les forums de discussion où il échangera avec leaders d’opinion. Il quittera le online pour ensuite parler à son beau-frère qui fait autorité. Puis y retourner pour regarder des tutoriels vidéos de pose. »
Tout ce petite monde, le consommateur le retrouvera dans son smartphone une fois en magasin. Il devient ce que Sandrine Ramakers appelle un « consommateur augmenté ».
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