Journaliste, consultant, animateur de GenerationMP3.com, blogueur associé au Monde Interactif…Tarik Krim multiplie les casquettes dans l’univers des nouvelles technologies, en particulier celui du peer et de l’implication de cette technologie dans les divertissements numériques (musique, cinéma…). Il réalise des missions de consulting pour le compte de l’Adami(société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes) et de la Direction pour le développement des médias (DDM). Tarik Krim a réalisé plusieurs études autour du peer-to-peer et du modèle économique de la musique en ligne. (interview réalisée le 14/12/04)
Quels principaux enseignements tirez-vous de la problématique des échanges de fichiers sur les réseaux P2P en 2004?
Il y a trois choses fondamentales à mon sens. Premièrement, les poursuites judiciaires lancées à travers le monde n’ont aucun effet sur la croissance de l’usage du peer-to-peer (P2P). Le nombre d’utilisateurs simultanés a dépassé les 10 millions et les réseaux se sont complexifiés. Chaque fois qu’un réseau est attaqué, les utilisateurs basculent sur un autre. Il y a notamment eu un re-équilibrage entre Kazaa et eDonkey à la faveur de ce dernier. Et 2004 a vu l’avènement de BitTorrent qui permet d’optimiser la bande passante et d’avoir des fenêtres de diffusion très courtes. On est aujourd’hui sur l’instantanéité. Deuxièmement, les majors de l’industrie du disque sont toutes en train de signer avec les réseaux P2P. Peer Impact et Wippit en premier lieu. Cela devrait être annoncé au cours du prochain Midem (le salon des professionnels de la musique qui se tiendra en janvier à Cannes, ndlr). Enfin, les trois journaux qui font l’économie de la planète, à savoir The Wall Street Journal, The Economist et Business Week disent tous la même chose à savoir : si la seule réponse qu’apporte l’industrie culturelle face au P2P est l’attaque de ses clients, cela signifie que leur offre est faible face aux échanges en ligne qui est un marché énorme et que ceux qui n’y sont pas positionnés sont condamnés. Autrement dit, le marché qui va faire exploser le divertissement en ligne viendra des échanges et des nouveaux services.
Dans ce cas, comment expliquer l’acharnement de l’industrie du disque qui multiplie les procédures judiciaires contre les internautes?
Probablement à cause d’une méconnaissance de l’Internet. Face aux circuits fermés que sont la distribution physique, la radio et la télévision, le seul service qui propose une diffusion multicanal est le P2P. Or, la réponse des majors est de refuser cet état de fait. En France surtout. Il faut rappeler qu’il y a dix ans, les premières start-up qui se sont créées autour de la musique en ligne sont tout de suite allées présenter leurs projets aux majors… qui leur ont ri au nez. On ne peut donc pas dire qu’elles n’étaient pas prévenues. Du coup, aujourd’hui, il va être difficile pour les gens en place d’expliquer que ce qui était mal hier est bien aujourd’hui.
Pourquoi l’adaptation à la nouvelle P2P est si lente?
Il y a deux modes de pensée dominants au sein des majors. Les personnes qui n’ont pas compris et qui ne comprendront probablement pas, et ceux qui, formés à l’Internet, essaient de faire bouger les choses. Mais le marché auquel les maisons de disques s’adressent est beaucoup plus complexe qu’à l’époque de Napster qui, il faut le rappeler, avait proposé 1 milliard de dollars en 1999 à l’industrie du disque pour bénéficier de leur soutien. Mais les majors ont refusé à l’époque. En guise de réponse, ils ont forcé Napster à fermer son service.
A votre avis, le P2P est-il à l’origine de la crise du secteur de la musique?
Non, le P2P correspond à un phénomène nouveau qui offre un canal de diffusion supplémentaire de la musique. Il peut annuler des ventes mais aussi en créer. Comment faire pour qu’il n’annule pas des ventes et rendre les CD plus attractifs que les MP3 sur Kazaa? Les maison de disques se refusent d’y répondre. Le CD, qui n’a pas évolué depuis les années 80, est de moins en moins attractif. Contrairement au cinéma qui, avec le DVD, a su séduire avec des bonus. Les utilisateurs ont créé des usages. Au lieu de les monétiser, les majors contournent le sujet. C’est une perte de temps contraire à la logique de la vente en ligne. Au lieu d’établir un pacte directement avec les consommateurs, les majors ont préféré prendre comme interlocuteur privilégié des distributeurs en ligne. Ainsi, Apple a réussi à s’imposer dans ce domaine avec des fichiers vendus à un prix très bas par l’intermédiaire de sa plate-forme iTunes Music Store.
Quelles sont les solutions pour sortir de l’impasse P2P?
Il faut réfléchir sans tabou à un système d’abonnement sur les fournisseurs d’accès car le P2P est là pour longtemps. Il faut envisager la manière d’exploiter légalement cette technologie qui permet de toucher un public plus large que celui qui achète des CD, tout en garantissant des modèles économiques viables.
Qu’apporte Snocap, le nouveau service P2P conçu par Shaw Fanning, le créateur de Napster?
Snocap est une technologie de filtre qui s’implante sur les réseaux P2P. Snocap est en négociation avec un peu tout le monde. La start-up américaine a déjà reçu les faveurs de Vivendi Universal. Début 2005, on verra apparaître des réseaux, nouveaux ou anciens, qui exploiteront la technologie de filtrage et de paiement Snocap. Cela signifie que les majors comprennent que le seul moyen de contrôler le P2P est de contrôler les réseaux notamment par une dépendance financière. Si on ne peux les racheter, on les « achètent ». On devrait d’ailleurs voir des acquisitions dans le domaine en 2005. A titre d’anecdote, j’avais fait une présentation, il y a six mois, à la direction du développement des média, d’une étude
Journaliste, consultant, animateur de GenerationMP3.com, blogueur associé au Monde Interactif…Tarik Krim multiplie les casquettes dans l’univers des nouvelles technologies, en particulier celui du peer et de l’implication de cette technologie dans les divertissements numériques (musique, cinéma…). Il réalise des missions de consulting pour le compte de l’Adami(société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes) et de la Direction pour le développement des médias (DDM). Tarik Krim a réalisé plusieurs études autour du peer-to-peer et du modèle économique de la musique en ligne. (interview réalisée le 14/12/04)
Quels principaux enseignements tirez-vous de la problématique des échanges de fichiers sur les réseaux P2P en 2004?
Il y a trois choses fondamentales à mon sens. Premièrement, les poursuites judiciaires lancées à travers le monde n’ont aucun effet sur la croissance de l’usage du peer-to-peer (P2P). Le nombre d’utilisateurs simultanés a dépassé les 10 millions et les réseaux se sont complexifiés. Chaque fois qu’un réseau est attaqué, les utilisateurs basculent sur un autre. Il y a notamment eu un re-équilibrage entre Kazaa et eDonkey à la faveur de ce dernier. Et 2004 a vu l’avènement de BitTorrent qui permet d’optimiser la bande passante et d’avoir des fenêtres de diffusion très courtes. On est aujourd’hui sur l’instantanéité. Deuxièmement, les majors de l’industrie du disque sont toutes en train de signer avec les réseaux P2P. Peer Impact et Wippit en premier lieu. Cela devrait être annoncé au cours du prochain Midem (le salon des professionnels de la musique qui se tiendra en janvier à Cannes, ndlr). Enfin, les trois journaux qui font l’économie de la planète, à savoir The Wall Street Journal, The Economist et Business Week disent tous la même chose à savoir : si la seule réponse qu’apporte l’industrie culturelle face au P2P est l’attaque de ses clients, cela signifie que leur offre est faible face aux échanges en ligne qui est un marché énorme et que ceux qui n’y sont pas positionnés sont condamnés. Autrement dit, le marché qui va faire exploser le divertissement en ligne viendra des échanges et des nouveaux services.
Dans ce cas, comment expliquer l’acharnement de l’industrie du disque qui multiplie les procédures judiciaires contre les internautes?
Probablement à cause d’une méconnaissance de l’Internet. Face aux circuits fermés que sont la distribution physique, la radio et la télévision, le seul service qui propose une diffusion multicanal est le P2P. Or, la réponse des majors est de refuser cet état de fait. En France surtout. Il faut rappeler qu’il y a dix ans, les premières start-up qui se sont créées autour de la musique en ligne sont tout de suite allées présenter leurs projets aux majors… qui leur ont ri au nez. On ne peut donc pas dire qu’elles n’étaient pas prévenues. Du coup, aujourd’hui, il va être difficile pour les gens en place d’expliquer que ce qui était mal hier est bien aujourd’hui.
Pourquoi l’adaptation à la nouvelle P2P est si lente?
Il y a deux modes de pensée dominants au sein des majors. Les personnes qui n’ont pas compris et qui ne comprendront probablement pas, et ceux qui, formés à l’Internet, essaient de faire bouger les choses. Mais le marché auquel les maisons de disques s’adressent est beaucoup plus complexe qu’à l’époque de Napster qui, il faut le rappeler, avait proposé 1 milliard de dollars en 1999 à l’industrie du disque pour bénéficier de leur soutien. Mais les majors ont refusé à l’époque. En guise de réponse, ils ont forcé Napster à fermer son service.
A votre avis, le P2P est-il à l’origine de la crise du secteur de la musique?
Non, le P2P correspond à un phénomène nouveau qui offre un canal de diffusion supplémentaire de la musique. Il peut annuler des ventes mais aussi en créer. Comment faire pour qu’il n’annule pas des ventes et rendre les CD plus attractifs que les MP3 sur Kazaa? Les maison de disques se refusent d’y répondre. Le CD, qui n’a pas évolué depuis les années 80, est de moins en moins attractif. Contrairement au cinéma qui, avec le DVD, a su séduire avec des bonus. Les utilisateurs ont créé des usages. Au lieu de les monétiser, les majors contournent le sujet. C’est une perte de temps contraire à la logique de la vente en ligne. Au lieu d’établir un pacte directement avec les consommateurs, les majors ont préféré prendre comme interlocuteur privilégié des distributeurs en ligne. Ainsi, Apple a réussi à s’imposer dans ce domaine avec des fichiers vendus à un prix très bas par l’intermédiaire de sa plate-forme iTunes Music Store.
Quelles sont les solutions pour sortir de l’impasse P2P?
Il faut réfléchir sans tabou à un système d’abonnement sur les fournisseurs d’accès car le P2P est là pour longtemps. Il faut envisager la manière d’exploiter légalement cette technologie qui permet de toucher un public plus large que celui qui achète des CD, tout en garantissant des modèles économiques viables.
Qu’apporte Snocap, le nouveau service P2P conçu par Shaw Fanning, le créateur de Napster?
Snocap est une technologie de filtre qui s’implante sur les réseaux P2P. Snocap est en négociation avec un peu tout le monde. La start-up américaine a déjà reçu les faveurs de Vivendi Universal. Début 2005, on verra apparaître des réseaux, nouveaux ou anciens, qui exploiteront la technologie de filtrage et de paiement Snocap. Cela signifie que les majors comprennent que le seul moyen de contrôler le P2P est de contrôler les réseaux notamment par une dépendance financière. Si on ne peux les racheter, on les « achètent ». On devrait d’ailleurs voir des acquisitions dans le domaine en 2005. A titre d’anecdote, j’avais fait une présentation, il y a six mois, à la direction du développement des média, d’une étude
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