Jusqu’ici les montants perçus au titre de la copie privée sur les supports d’enregistrement numériques étaient reversés aux « auteurs, artistes-interprètes et producteurs des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes », en d’autres termes seuls l’audio et la vidéo étaient concernés. Ce n’est plus le cas. En effet, un texte adopté cet été étend la rémunération « aux auteurs et aux éditeurs des oeuvres fixées sur tout autre support », en clair l’écrit, mais aussi les images, voire les oeuvres multimédia sont concernées. Niché au creux de la loi du 17 juillet 2001 « portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel », l’article 15 « relatif à la rémunération pour copie privée » va beaucoup faire parler de lui. Il semble en effet particulièrement difficile à appliquer. La proposition de loi avait été adoptée en mai (voir édition du 22 mai 2001), le texte final en conserve les principes. La rémunération perçue au titre de la copie privée ne concernait au départ que l’audio et la vidéo, les seuls contenus enregistrables à l’époque des cassettes. Mais avec l’arrivée du numérique, désormais tout ou presque peut être copié, d’où l’idée d’étendre la rémunération. « Rien ne justifie donc plus que le bénéfice de la rémunération pour copie privée reste réservé aux seuls titulaires de droit sur des enregistrements sonores ou audiovisuels. » note le rapport de la Commission des affaires culturelles du Sénat rédigé par Danièle Pourtaud (PS), auteur de la proposition de loi. La Commission avait auditionné Francis Brun-Buisson début mai.
Autre nouveauté, le texte étend le remboursement de la rémunération aux « éditeurs d’oeuvres publiées sur des supports numériques » (les éditeurs de logiciels n’étant peut-être pas concernés) et non plus seulement aux entreprises de communication audiovisuelle et aux producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes. Les utilisateurs professionnels le réclamait à cors et à cris (voir édition du 18 janvier 2001). Mais il reste à savoir qui va réellement pouvoir en bénéficier… Une encyclopédie sur CD-Rom est-elle une oeuvre ou un logiciel ? Qu’en est-il des jeux ? Les questions sont nombreuses. Encore plus nombreuses quand on cherche à imaginer comment va être fixé le montant de la rémunération. Déjà la durée comme base au calcul pour l’audio et la vidéo était contestable, mais pour l’écrit et les images, les discussions risquent de ne pas être tristes ! Faudra-t-il compter en Mo ? En fonction de la définition ?
Une loi qui crée plus de problèmes qu’elle n’en résout
Le gouvernement s’est toujours déclaré hostile au texte. La ministre de la Culture, Catherine Tasca, l’a ainsi qualifié de « prématuré », tandis que lors de la discussion en dernière lecture à l’Assemblée nationale, Guy Hascoët, avait souligné les réticences du gouvernement. « Le Gouvernement regrette que le nouveau dispositif n’ait pas fait l’objet de davantage de concertation » indiquait le secrétaire d’Etat à l’économie solidaire, « Le problème était en cours d’analyse par le gouvernement et la plupart des questions très difficiles qu’il pose ne sont pas résolues par le texte adopté par les sénateurs. Son champ d’application reste flou, ainsi que ses modalités d’application. » estimait-il. Un avis qui semble partagé par tous les acteurs, certains n’hésitant pas à qualifier le texte de « patate chaude ». La loi est jugée « mal fichue », on regrette qu’elle soit « très, très générale », en avançant qu’« on ne sait pas trop ce que cela donnera ». « L’absence d’études récentes » sur la copie des oeuvres autres qu’audio et vidéo est également déplorée… Bref, il règne un flou qu’il va être difficile de clarifier.
C’est la tâche du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), inauguré en mai dernier par Catherine Tasca (voir édition du 14 mai 2001). La réflexion pourrait ensuite se poursuivre au sein de la commission Brun-Buisson qui serait alors modifiée pour l’occasion. Cette dernière reprend ses travaux le 13 septembre, avec toujours comme objectif d’étendre la rémunération pour copie privée aux supports d’enregistrements intégrés, typiquement les disques durs des nouveaux décodeurs numériques et des juke-box MP3, avant ceux des ordinateurs. Elle lance une vaste étude sur les usages en matière de copie sur ces types de support. En attendant on a comme l’impression que la loi du 17 juillet place la charrue avant les boeufs.
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