La « taxe YouTube » ayant été adoptée par les deux chambres du Parlement, elle devra être mise en application dans le cadre de loi de finances rectificative 2016.
Dans la nuit de vendredi à samedi, les sénateurs ont adopté une nouvelle taxe sur les revenus publicitaires des plateformes vidéo (gratuites ou payantes).
Et ce, malgré l’avis défavorable du gouvernement. Début décembre, l’Assemblée nationale avait déjà voté cette disposition qui avait fait bondir des organisations professionnelles du secteur du numérique comme Tech In France (ex-AFDEL) ou l’ASIC qui regroupe des services communautaires qui reposent en grande partie sur les contenus vidéo.
La « taxe YouTube », fixée à 2% des revenus publicitaires engrangés par les plateformes vidéo, concernera tous les opérateurs. Et ce quel que soit son lieu d’établissement. Tout acteur devra y contribuer s’il propose un service en France qui donne ou permet l’accès, à des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles ou autres contenus audiovisuels, en contrepartie d’exposition publicitaire.
L’assiette est large : elle concerne les éditeurs de services de médias audiovisuels et les plateformes communautaires (YouTube, Dailymotion).
Les extraits piochés dans la séance publique au Sénat à ce sujet ont été marqués par une fracture entre le rapporteur général et le gouvernement qui voulaient reculer d’un côté et, de l’autre, un assaut de sénateurs ayant une position tranchée sur la question avec un mot d’ordre : « On ne lâche rien. »
Albéric de Montgolfier, sénateur d’Eure-et-Loir (LR) et rapporteur général, voulait supprimer cet article (24ter) visant à créer cette taxe. « Il soumet à l’impôt les revenus des grandes entreprises du numérique. Qui n’y souscrirait pas ? Pourtant, son effet serait que seules les entreprises installées en France seraient touchées. Les services fiscaux n’auraient pas les moyens de recouvrer l’impôt des autres, qui représentent pourtant la quasi-totalité du marché. Son rendement serait faible. »
Au nom du gouvernement, Jean-Vincent Placé, secrétaire d’État chargé de la Réforme d’Etat et de la simplification, a souhaité aussi la suppression de l’article « imprécis » qui « pourrait donner lieu à des contentieux » et dont la « mise en place serait très délicate ».
Davis Assouline (Paris, PS) réagit : « Nous discutons depuis longtemps de cette injustice : tout ce qui contribue ici à la création est taxé ; mais il y a un espace où il n’y a rien…On peut y faire de la publicité incitant à consommer de l’alcool, les créateurs y sont pillés. Oui, Dailymotion est notre joyau. Mais il pèse peu face à YouTube et finira vendu aux Chinois si nous ne faisons rien. Nous devons combattre, c’est comme cela que nous avons par exemple gagné à Bruxelles sur la TVA du livre électronique. On ne peut toucher les entreprises étrangères ? Mais toutes sont basées en Europe ! »
Même son de cloche pour Vincent Capo-Canellas (groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC, Seine-Saint-Denis) : « Cette disposition va dans le sens de l’histoire. Nous avons réussi à taxer les VHS, les DVD, la vidéo en ligne payante… Il faut maintenant compléter en taxant les vidéos sur internet, en accès libre et avec publicité. Le marché de la publicité dans les vidéos en ligne croit de 35 % par an. La taxe serait difficile à recouvrer ? Mais Bercy dispose des moyens nécessaires et la directive européenne qui obligera l’an prochain les entreprises à déclarer leur chiffre d’affaires pays par pays devrait faciliter les choses.
L’écologiste André Gattolin (sénateur des Hauts-de-Seine) assure également: « Notre belle administration fiscale serait peut-être plus populaire si elle taxait les contribuables installés au-delà de nos frontières ; elle devrait en avoir les moyens. En Europe, les choses bougent, sur le livre numérique, sur les sites d’informations en ligne la neutralité de la fiscalité avance. Si les parlements nationaux ne proposent pas d’évolution, Bruxelles ne fait que reproduire l’état du droit. YouTube pèse 30 à 40 fois ce que pèse Dailymotion. En faisant payer ces entreprises pour la création, on pourrait financer l’animation [par l’intermédiaire du CNC, ndlr] – qu’on nous a accusés, il y a peu, de ruiner en interdisant la publicité pendant les émissions pour enfants. »
Sur fond de pré-période de campagne présidentielle, il est difficile d’imaginer que cette nouvelle initiative de taxation va réconcilier la classe politique avec les organisations professionnelles du numérique déjà à cran.
(Crédit photo : YouTube)
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