Apple et Google précipiteront-ils la fin de Heetch ?
Les deux firmes ont reçu, ce lundi 7 mars 2016, une lettre de mise en demeure adressée par la Fédération nationale du taxi (FNDT), qui leur demande de supprimer de leurs places de marché respectives – l’App Store et Google Play – cette application mettant en relation passagers et chauffeurs non professionnels.
L’argument retenu, c’est l’article 6.2 de la loi du 22 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
Ledit article établit que les personnes physiques ou morales doivent agir « promptement » pour retirer des données ou y empêcher l’accès dans le cas où elles sont associées à des activités au caractère illicite. Dans le cas contraire, elle mettent leur responsabilité en jeu.
Google, comme Apple, l’annonce d’ailleurs clairement dans le règlement associé à sa marketplace : les applications doivent être en conformité avec la législation des pays dans lesquels elles sont distribuées.
Problème : Heetch, qui fonctionne de 20 h à 6 h, est-il vraiment illégal ?
La start-up parisienne estime que les pouvoirs publics se fourvoient en la classant dans la même catégorie qu’un UberPOP.
Une distinction qui a son importance : alors que le service exploité par Uber est clairement visé dans l’arrêté préfectoral no 015-00526 du 25 juin 2015 portant « réglementation particulière de l’activité de transport routier de personnes […] à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places dans certaines communes de la région d’Île-de-France », on ne trouve aucune référence à Heetch.
Sauf que l’application, présentée comme une « solution de mobilité nocturne », est clairement nommée dans le communiqué (document PDF) associé à la publication de l’arrêté.
Heetch, qui a organisé sa résistance avec entre autres un site Internet où sont compilés des témoignages d’utilisateurs (voir notre article « Heetch essaie de décoller l’étiquette UberPOP »), considère que son service n’est pas assimilable à du « transport entre particuliers à titre onéreux ».
Dans ses CGU, il est précisé, en capitales grasses, que l’app « n’est en aucun cas destinée à permettre aux conducteurs […] de réaliser un quelconque profit ». Notamment parce que « le passager décide librement et sous sa seule responsabilité de verser ou non une participation aux frais ainsi que de son montant ».
Les clients sont effectivement supposés « [participer] aux frais du véhicule », mais rien ne les y oblige, bien que ceux qui « profitent du système » finissent par être bannis.
Me Jonathan Bellaiche, qui mène la charge pour la FNDT, confie à La Tribune : « Le seul moyen de se défendre efficacement face à des acteurs du Net, c’est d’utiliser le droit de l’Internet. Les éditeurs et les hébergeurs de contenus sont, eux aussi, soumis à une réglementation ».
L’intersyndicale des chauffeurs de taxis avait déjà demandé, début janvier, « l’arrêt immédiat de toute activité de Heetch, qui organise du transport clandestin sous couvert de covoiturage ». Une plainte qui intervenait après une décision du Conseil constitutionnel entérinant l’illégalité des « services de type UberPOP » au regard du premier alinéa de l’article L. 3124-13 du code des transports.
Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, les deux dirigeants de Heetch, seront jugés en correctionnelle au mois de juin. Ils sont soupçonnés de concurrence illégale avec les taxis.
La start-up comparaître aussi en tant que personne morale pour les mêmes griefs que ceux retenus contre les dirigeants d’Uber dans le dossier UberPOP : « organisation illicite de mise en relation », « complicité d’exercice illégal de l’activité d’exploitation de taxi » et « pratique commerciale trompeuse ».
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