Primordiale dans les revendications des taxis face aux VTC, la question des licences sera-t-elle résolue par la mise en place d’un fonds de garantie qui rachètera les plaques de certains chauffeurs ?
C’est la piste suggérée par le gouvernement dans sa feuille de route pour « l’équilibre économique du secteur du transport public particulier de personnes », annoncée ce mardi 5 avril 2016.
À cette occasion, le secrétaire d’État aux Transports Alain Vidalies a annoncé la mise en place de quatre groupes de travail, dont l’un chargé de réfléchir à la « sécurisation du parcours professionnel des chauffeurs de taxis ».
Cet objectif implique de garantir une valorisation minimale des licences, qui constituent des autorisations de stationnement (ADS) et permettent, entre autres, la circulation dans des voies réservées ou encore la prise en charge de clients « au vol » (maraude).
À l’origine, ces licences étaient concédées gratuitement par les pouvoirs publics. Mais leur caractère cessible, doublé d’une pénurie artificielle orchestrée par l’État (moins de 20 000 taxis autorisés à Paris ; environ 55 000 dans toute la France), a fait qu’un marché noir de la revente s’est développé.
La bulle spéculative commence à éclater, tout particulièrement sous l’impulsion des chauffeurs qui « changent de bord » pour devenir VTC. La multiplication des faillites aurait aussi, selon plusieurs économistes, contribué à créer une offre supérieure à la demande.
Bilan : le prix des licences s’effondre, alors qu’il avait nettement augmenté ces dernières années – témoin ce chauffeur qui confiait récemment au Huffington Post : « C’était sans doute l’un des meilleurs placements financiers des années 2000. Leur prix est passé de 100 000 à 200 000 euros [à Paris] en dix ans ».
Sentant que ce fonds de commerce pourrait, à terme, ne plus financer leur retraite, les taxis réclament, dans le cadre de leur mouvement social marqué ces jours-ci par des blocages à Toulouse, une indemnisation au titre de la « valeur perdue ».
Quand bien même l’État opterait pour le rachat de ce qu’il avait concédé gratuitement, la loi Pasqua de 1995 le lui interdit, comme le rappelle Le Monde.
Une telle indemnisation poserait en outre des problèmes de fraude, comme l’économiste Joseph Delpha l’expliquait il y a quelques semaines à Atlantico : par endroits, le prix des plaques n’est plus justifié par les revenus qu’un chauffeur peut en tirer, même si la valeur de la plaque incorpore toutes les fraudes fiscales et sociales anticipées.
L’idée d’un fonds de garantie avait déjà été évoquée à de nombreuses reprises, notamment dans le cadre d’une table ronde organisée en début d’année pour les premières Journées Chauffeurs-Entrepreneurs.
Le gouvernement envisage de l’ouvrir aux titulaires actuels d’une ADS cessible et acquise à titre onéreux. Il leur serait possible de se la faire racheter par l’État à un prix garanti qui pourra différer d’une ADS à l’autre. La référence serait le prix d’acquisition corrigé de l’inflation, sachant qu’il reste à définir des paramètres pour s’assurer que le dispositif soit « juste, utile et soutenable financièrement ».
Quiconque revendrait une ADS se retirerait du marché. De nouvelles licences incessibles et temporaires seraient alors distribuées, a priori payantes, sur le principe de la « mise en location ».
Il faudra composer avec la limite des capacités d’intervention du dispositif. Ce qui pourrait se traduire par la mise en place de conditions d’éligibilité prioritaire : situation de surendettement, départ en retraite, accident de la vie…
Le financement du fonds se ferait par la solidarité au sein du secteur*, « pour ne pas faire peser ce dispositif sur le contribuable », selon le gouvernement. Lequel précise que d’autres pistes impliquant tous les acteurs doivent être discutées, « notamment avec ceux réalisant le métier d’intermédiation, car la solidarité du secteur doit s’exprimer depuis le début de la chaîne de valeur ».
Prélèvement d’une taxe auprès des plates-formes ? Commission sur chaque course en taxi ou en VTC ? Le mode de financement devrait être arrêté cet été. Les dernières estimations de Bercy – portant uniquement sur les chauffeurs à l’approche de la retraite et ne tenant pas compte de l’inflation – font état d’un coût de 2 milliards d’euros sur 20 ans.
Fin janvier, en marge du forum de Davos, le ministre de l’Économie Emmanuel Macron avait tenté de convaincre Travis Kalanick, CEO d’Uber, d’indemniser partiellement les taxis. Ce dernier avait répondu : « Les fabricants de voitures ont-ils payé pour la disparition des chevaux ? », comme le souligne La Tribune.
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