Des économistes et des politiques qui recommandent de laisser davantage de liberté aux VTC pour développer leur activité, des sociétés de transports capacitaires (LOTI) qui brandissent l’épouvantail des pertes d’emplois, des plates-formes qui dénoncent une « paupérisation » du secteur sous l’impulsion d’Uber… Difficile de s’y retrouver entre tous les tirs croisés qui émaillent le conflit taxis-VTC.
Les premiers avaient manifesté la semaine passée pour dénoncer les « dérives » des seconds. Lesquels sont à leur tour descendus dans la rue ce mercredi, moins nombreux (plusieurs centaines, selon BFMTV ; un demi-millier à en croire une source policière du Figaro)… et, d’après la presse sur place, dans un calme contrastant avec les échauffourées qui avaient abouti à plusieurs dizaines d’arrestations lors du mouvement des taxis.
Le cortège a défilé de Montparnasse aux Invalides lors de cette « marche funéraire », voulue silencieuse pour symboliser « l’enterrement », par le gouvernement, de la profession de VTC.
Mais il n’y avait pas que des chauffeurs VTC dans la masse. On trouvait aussi des « capacitaires », ces chauffeurs de transports collectifs à la demande dont le statut dépend de la LOTI (loi d’orientation pour les transports intérieurs), votée en 1982.
Cette législation est l’un des points de cristallisation du conflit avec les taxis. Ces derniers estiment que les plates-formes comme Uber la détournent, notamment sur un point ajouté en 2014 : les capacitaires LOTI ne transportent souvent qu’une seule personne, alors qu’ils sont tenus d’en prendre au moins deux en charge – et 9 maximum – pour chaque course.
Pour faire le point sur le respect de cette disposition, le gouvernement a exigé des plates-formes qu’elles communiquent, d’ici à fin février, la liste de tous leurs chauffeurs affiliés (alors qu’elles ont normalement jusqu’au 31 décembre de chaque année pour transmettre le document).
Il a surtout envoyé à une vingtaine de ces plates-formes une lettre de mise en demeure insistant sur les risques pénaux associés à l’exploitation indue de la LOTI.
Jusqu’alors, le statut de capacitaire était plus facile à obtenir que celui de VTC. Si bien que les principales applications du marché faisaient appel à ces chauffeurs. Selon Yves Weisselberger, fondateur de SnapCar, un tiers des 15 000 voitures de tourisme avec chauffeur qui circulent dans Paris le font sous LOTI, relève Le Monde.
Les règles du jeu ont changé ce matin, quelques heures avant le début de la manifestation, avec la publication, au Journal officiel, d’un arrêté sur la formation et l’examen des chauffeurs VTC.
Ledit arrêté devait, à l’origine, être pris au plus tard pour le 1er janvier 2016. Depuis lors, à défaut d’un texte, il n’était plus possible de devenir VTC en France.
Le vide est comblé et les modalités imposées par la loi Thévenoud, nettement allégées : la « formation continue obligatoire » ne durera plus 250 heures, mais 7 heures au sein d’un centre agréé (un deuxième arrêté précise les conditions d’agrément).
S’ensuivra un examen de 3 h 30 avec 6 épreuves à coefficient sur 110 questions à choix multiples (réglementation des transports, sécurité routière, gestion d’entreprise, relation client…). Il faudra obtenir au moins 12/20 et éviter certaines notes éliminatoires.
Le gouvernement n’a, en revanche, pas apporté de clarifications sur l’avenir des LOTI.
Du côté de l’association Alternative mobilité transport (AMT), qui regroupe une dizaine de sociétés LOTI, on évoque « 10 000 emplois en danger », en rappelant que les capacitaires tirent « jusqu’à 80 % de leur chiffre d’affaires des applications VTC ». Des applications qui tendent justement à exclure les LOTI au vu de la pression exercée par le gouvernement en matière de contrôle de leur activité.
On retrouve, chez Richard Darbéra, le même discours que celui tenu par Christophe Caresche (député PS de Paris) et Thierry Solère (Les Républicains, Hauts-de-Seine) la semaine dernière lors d’une table ronde organisée par Uber.
Au Point, ce chercheur du CNRS explique qu’il faut « laisser les VTC se développer plus librement en indemnisant les taxis [référence aux licences, ndlr] ». Il fustige aussi certains points de la loi Thévenoud comme le « retour au garage », sur lequel Manuel Valls a justement promis davantage de vigilance.
Le Premier ministre avait annoncé une série de mesures vendredi dernier, après avoir rencontré une dizaine de syndicats et d’associations représentant les taxis.
Joseph François, président d’AMT, avait réagi en lançant l’appel à la manifestation de ce mercredi. Un appel relayé par Uber France, Chauffeur-Privé, CinqS et SnapCar auprès de leurs chauffeurs. Plusieurs loueurs (Voitures Noires, Driveforme) ont indiqué soutenir l’initiative.
Certaines associations n’étaient pas de la partie, signe de dissensions au sein de l’écosystème VTC.
Sur France 24, Sayah Baaroun, de l’Unsa SCP-VTC, affirme : « On n’a pas besoin de sociétés comme Uber pour nous dire contre quoi on doit ou on ne doit pas manifester ». Elle estime qu’il faut une médiation et non un nouveau mouvement social qui risque d’éveiller un peu plus les tensions.
Pour appuyer son argumentation, Uber a commandé une étude dont ressortent des conclusions décortiquées par I-Télé : la plate-forme d’origine américaine aurait, en 4 ans d’activité en France, créé 10 000 emplois dans 10 villes. Elle vise les 100 000 à moyen terme, « à condition que l’environnement réglementaire évolue ».
Uber estime par ailleurs avoir rapporté 400 millions d’euros à la France en 2015 : 75 millions d’euros via les économies faites par l’assurance chômage (25 % des chauffeurs Uber étaient sans emploi auparavant), 200 millions en retombées (création de richesses via les assureurs, les loueurs…) et 150 millions en taxes (TVA notamment ; c’est plus compliqué sur la question des impôts…).
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