Taxis-VTC : la tension monte malgré la médiation
On perçoit des signes d’irritation chez les chauffeurs VTC et LOTI pour leur troisième journée de mobilisation. Comment se positionnent les pouvoirs publics ?
Entre la « marche funèbre » organisée mercredi matin dans les rues de Paris et l’intervention des forces de l’ordre cette nuit à proximité Roissy-Charles-de-Gaulle après des jets de projectiles, le contraste est saisissant… et révélateur : la tension monte chez les VTC.
La soirée de jeudi avait déjà été émaillée d’échauffourées. Quelques dizaines de chauffeurs s’étaient postés dans les environs de l’aéroport, sur l’autoroute A3, pour une manifestation improvisée délogée par la police.
Ce vendredi, pour la troisième journée de mobilisation, le rendez-vous était donné pour 9 h place de la Nation, dans le sud-est de la capitale. Le rassemblement du cortège a finalement débuté vers 10 h, après une nuit agitée, notamment au niveau de la porte Maillot, épicentre de la manifestation des taxis la semaine passée.
Dès 5 h 30, des VTC ont bloqué l’accès à l’aéroport de Roissy-CDG au moyen d’un barrage filtrant, se lançant ensuite dans une opération escargot. Plus d’un usager de la route a dû terminer à pied, sur la bande d’arrêt d’urgence, pour prendre son avion, comme on a pu le voir sur les images d’I-Télé.
L’inconnue LOTI
Uber France, Chauffeur-Privé, CinqS et SnapCar ont relayé, auprès de leurs chauffeurs, l’appel au mouvement qu’avait lancé, la semaine dernière, Alternative mobilité transport (AMT).
Cette association, qui dit représenter plus d’un millier de chauffeurs, estime que 10 000 emplois sont directement menacés dans le secteur après les annonces de Manuel Valls.
Face à la colère des taxis, le Premier ministre s’est engagé à renforcer les contrôles pour débusquer les VTC « fraudeurs », notamment ceux qui se livrent à la maraude.
Mais le véritable point de cristallisation du conflit, ce sont les chauffeurs de transport collectif à la demande dont le statut dépend de la loi LOTI (loi d’orientation pour les transports intérieurs), votée en 1982.
Les taxis estiment que les plates-formes VTC détournent cette loi et plus particulièrement un point ajouté en 2014 : les « capacitaires LOTI » ne transportent souvent qu’une seule personne à la fois, alors qu’ils sont tenus d’en prendre au moins deux en charge – et 9 maximum – pour chaque course.
Pour faire le point sur le respect de cette disposition, le gouvernement a exigé des plates-formes qu’elles communiquent, d’ici à fin février, la liste de tous leurs chauffeurs affiliés (alors qu’elles ont normalement jusqu’au 31 décembre de chaque année pour transmettre le document). Il a surtout envoyé à une vingtaine de ces plates-formes une lettre de mise en demeure insistant sur les risques pénaux associés à l’exploitation indue de la LOTI.
Condamnations
Le secrétaire d’État aux transports Alain Vidalies a supervisé ce dossier. Il condamne aujourd’hui l’action des VTC. « On ne peut pas tolérer que quelques centaines de personnes sur les dizaines de milliers que représentent ces professions puissent générer de tels troubles à l’ordre public », explique-t-il au Parisien.
Du côté des chauffeurs qui se sont rassemblés ce matin place de la Nation, le discours est évidemment tout autre. L’un d’entre eux confie au Monde : « On va passer à l’étape suivante, on va casser, on va brûler. […] On a l’impression que l’État nous sacrifie comme des moutons pour faire vivre les taxis ».
Jeudi soir, dans le cadre des 10 ans de l’AFDEL (qui a changé de nom pour devenir Tech In France), Emmanuel Macron, ministre de l’Économie et des Finances, a mis un peu plus d’huile sur le feu en déclarant : « Ce n’est pas le gouvernement qui […] aura à décider quelque chose. […] On peut ralentir les choses, les accompagner, les accélérer, mais la révolution qui est à l’œuvre, […] elle est dans la main de chacune et chacun ».
En parallèle, plusieurs associations représentantes du secteur VTC ont été reçues par le médiateur Laurent Grandguillaume. Elles espèrent pouvoir en arriver à des propositions concrètes la semaine prochaine.
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