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Télécom ParisTech : trois retours d’expérience big data décortiqués

Premier bilan pour la chaire de recherche « Big Data & Market Insights » de Télécom ParisTech créée en juin 2014 avec le soutien de Deloitte, du groupe Yves Rocher et de Voyages-sncf.com.

Dans ses locaux, l’école d’ingénieurs organisait, vendredi 2 octobre, une table ronde sur le big data, en tant que levier de la transformation des entreprises.

Voici le retour d’expérience de trois entreprises « data driven ».

Accor : lutter à armes égales avec les « barbares » du Web

Comment remplir au meilleur prix quelque 495 000 chambres d’hôtels dans le monde entier ?

C’est l’équation que doit résoudre AccorHotels 365 jours par an. Un enjeu d’importance pour le groupe hôtelier qui fait vivre quatorze marques dont Sofitel, Pullman, Novotel, Mercure ou Ibis dans 92 pays.

« En termes de volume de données et de complexité, le secteur du voyage a des besoins en traitements informatiques aussi importants que celui des transports ou de la grande distribution », avance Vivek Badrinath, Directeur général adjoint d’AccorHotels.

« Le groupe ouvre un hôtel tous les deux jours et, à chaque fois, c’est un modèle économique particulier en fonction de l’environnement, de la typologie de voyageurs. Autrefois, le marketing identifiait un segment de population à qui il adressait des messages. Aujourd’hui, avec le numérique, cette démarche vole en éclats.»

Une stratégie client d’autant plus sensible que les pure players du Web sont venus « désintermédier » les acteurs traditionnels en trois vagues : les agences en ligne avec le duopole Booking et Expedia, les comparateurs de tarifs (Skyscanner, Kayak) et les plateformes de locations privées (Airbnb, Homeaway).

« Si ces pure players ont fait grossir le gâteau, ils exigent aussi une commission pour la mise en relation client supérieure aux 10 % réclamée jadis par les agences de voyages. Ils viennent capter de la marge et de la valeur », s’insurge Vivek Badrinath.

Des « barbares » du Web dont les robots « scrawlent » en continu la base de données d’AccorHotels afin de savoir combien de chambres sont disponibles et à quel prix, établissement par établissement.

Sa plateforme Web enregistre ainsi 35 millions de consultations chaque jour venant des quatre coins de la planète mais ne fait « que » 150 000 réservations quotidiennes en direct.

AccorHotels : « 50 % de nos profits viennent de 5 % de clients »

« Si le secteur hôtelier n’a pas été actif sur ces 3 vagues, il faut désormais anticiper la prochaine. »

AccorHotels s’en donne les moyens en plus que doublant son budget dévolu au numérique avec une enveloppe 225 millions d’euros sur cinq ans. Le big data fait partie des huit programmes clés identifiés dont la relation-client et la mobilité.

Plus qu’une question d’outillage avec l’adoption de Haddop ou NoSQL (« nous avons trouvé l’adoption des nouvelles technologies plutôt aisée »), le changement a surtout été organisationnel.

Il a fallu casser les silos – chaque base données était pensée pour une entité avec un format particulier – et les chapelles.

Les équipes data du marketing et de la distribution ont fusionné sachant qu’un peu plus de mille personnes passent l’essentiel de leur temps sur l’analyse de données.

La fonction de chief data officer a été aussi créée en janvier dernier, occupée par Fabrice Otaño, et un business data lab a été monté.

Une nouvelle configuration qui donne déjà des résultats, notamment en termes de fidélisation client. Sachant que le data lake mis en place contient les données de 14 millions de clients.

« 50 % de nos profits viennent de 5 % de clients. Il n’est pas idiot de s’intéresser à eux », s’amuse Vivek Badrinath (photo), « sachant que Booking ne capte, lui, que les clients qui viennent chez nous pour la première fois ».

Le big data a permis de trouver des caractéristiques communes à ces bons clients au-delà des images d’Épinal sur le voyage d’affaires.

Il a aussi permis de pousser sur le Web davantage d’offres personnalisées, permettant de tripler le taux reconversion, en évitant d’envoyer des photos de plage à un amateur de ski.

Désormais,  le groupe peut aussi s’appuyer sur sa propre place de marché : pour la réservation de chambres d’hôtels, Accorhotels.com  s’ouvre aux pros indépendants, après le rachat de Fastbooking.

AccorHotels se défend de faire de l’IP tracking et parle plutôt de « smart pricing » en positionnant les tarifs en fonction de la zone de la chalandise, de la concurrence locale, de l’affluence dans la ville. Sachant que, par principe, le groupe récompense ceux qui réservent tôt.

Pour ajuster sa tarification, AccorHotels analyse les réservations, les navigations sur son site mais aussi la météo et les médias sociaux. Vivek Badrinath entend aussi intégrer des facteurs exogènes comme l’actualité, des grèves….

En ce qui concerne les avis des consommateurs, le groupe a noué un partenariat avec TripAdvisor. « On peut faire des requêtes. Si beaucoup de clients se plaignent de la climatisation dans une région donnée, il faut peut-être envisager de remplacer le fournisseur. »

Tous ces algorithmes doivent in fine aider le directeur d’hôtel à prendre les meilleures décisions (tarifs, promotions…) sur la base de recommandations. « Il reconnaît lui-même qu’il y a trop de variables à prendre en compte. »

SCNF : prédire une panne 30 mn avant le départ

A la SNCF, le big data a une vocation à la fois interne et externe.

Côté clients, le groupe ferroviaire, avec Voyages-SNCF.com, estime avoir une bonne connaissance des parcours clients.

« Nous sommes en mesure de proposer les meilleurs produits aux meilleurs tarifs tout en conservant une interface simple », avance Sébastien Pialloux, en charge du programme big data à la SNCF.

A bord, l’Internet des objets pourrait améliorer l’expérience client. En juin dernier, Guillaume Pepy, Président de l’entreprise publique estimait que l’on pouvait mettre des capteurs partout.

« Par exemple, sur les 500 sièges d’un TGV. Si une tablette est cassée, on le saura à l’arrivée du train et non pas dans une semaine ».

Ayant équipé 128 de ses gares en Wi-Fi gratuit et illimité, la SNCF pourrait utiliser les données anonymisées des consultations afin de voir comment se déplacent les voyageurs. Et, au-delà delà, en déduire la valeur des différents baux commerciaux en fonction de leur emplacement.

En interne, le grand chantier porte sur la maintenance de son réseau, tout particulièrement depuis le drame de Bretigny-sur-Orge. La SNCF utilise notamment des drones pour surveiller ses voies ferrées et repérer les éventuels obstacles et notamment la végétation environnante qui pourrait envahir les rails.

La maintenance prédictive concerne aussi les rames grâce à une armada de capteurs. « Nous sommes en mesure de prédire une partie des pannes 30 minutes avant un départ », se réjouit Sebastien Pialloux.

Avec le risque de faire des « faux positifs » les modèles offrant toujours une marge d’erreur. Un Transilien peut être ainsi détourné, à tort, vers un atelier de maintenance situé à 200 km du sud de Paris.

BPCE : le big data pour prévenir le surendettement

Pour les banques, le big data est une opportunité pour renouer avec forme d’intimité avec leurs clients.

« Avant, le client venait en agence, on l’avait sous les yeux », se souvent Philippe Poirot, Directeur du développement digital, transformation et qualité du groupe BPCE (Banque Populaire Caisse d’Epargne).

Mais le numérique est arrivé par là. La fréquentation en agence baisse de 10 % par an au profit d’autres canaux (Web, mobile, centre d’appel). Et, c’est le paradoxe. Si le Français déserte son agence, il n’a jamais autant multiplié les contacts avec sa banque, avec 250 interactions par an et par client à la BPCE et 7 millions de consultations de sa plateforme web par mois.

« Nous sommes passés du face à face à une gestion à distance ».

Le big data doit aider à mieux fidéliser les clients mais aussi à reprendre l’initiative face à des FinTech qui court-circuitent le banquier de ses clients. A l’image de l’application de la start-up française Bankin’. Venant se greffer sur les comptes bancaires, elle alerte son détenteur des mouvements importants, classe ses dépenses par catégorie (nourriture, transports, loisirs…).

BPCE veut proposer en direct ce même type de services mais aussi « une gestion prédictive des comptes ». En jouant sur son rôle de tiers de confiance garantissant la confidentialité des données personnelles.

Le big data peut, enfin, aider une banque à valoriser son rôle de conseil. Les étudiants de ParisTech ont ainsi travaillé sur un modèle de détection à 6 mois du risque de surendettement. Améliorant de 14 points le taux de prédiction pour le porter à 94 %.

Un enjeu de taille sachant que 20 % des clients risquent le surendettement, soit 40 000 pour le groupe. Pour prévenir ce type de situation de banqueroute, il faut déceler divers signaux faibles.

« Généralement, la banque est informée au dernier moment. Tout se passait bien jusqu’ici avec elle, le surendetté dissimulant sa situation en multipliant les prêts extérieurs. »

Plus maintenant avec le big data !

De gauche à droite : Sébastien Pialloux (SNCF), Philippe Poirot (BPCE), Michel Elmaleh (Deloitte), Alain Monzat (Yves Rocher)

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