Télécoms : la Commission européenne esquisse « un continent connecté »
Bruxelles émet des propositions pour réformer les télécoms en Europe : suppression des frais d’itinérance, fluidité des activités des opérateurs, et neutralité Internet.
Neelie Kroes en convient : impossible de concevoir un marché commun des télécoms avec 120 opérateurs éparpillés sur le vœux continent.
Il faut favoriser la consolidation de blocs au sein de l’Union européenne, considère la vice-présidente de la Commission chargée de la stratégie numérique.
Et avoir du répondant face à des mastodontes américains comme T-Online ou Verizon Wireless qui consolide son capital en se séparant de son partenaire Vodafone dans un méga-deal.
Plusieurs gros paquets sont traités simultanément : roaming, fréquences pour favoriser la 4G (voire la 5G de manière anticipée) et la dimension de la neutralité Internet.
Cette réforme du marché des télécoms, qui se présente comme « un paquet législatif relatif à la création d’un continent connecté« , est ambitieuse.
Le secteur des télécommunications représente à peine 9 % de l’économie numérique européenne, est-il rappelé au passage.
Reste à savoir si le Parlement européen et le Conseil européen valideront les propositions.
« C’est une excellente nouvelle pour l’avenir des services mobiles et de l’Internet en Europe », déclare Neelie Kroes, cité dans le communiqué. »La Commission européenne s’oppose aux redevances d’itinérance et se déclare en faveur de la neutralité de l’Internet, de l’investissement et de la création d’emplois. »
Cheval de bataille perpétuel de la Commission européenne : les coûts des communications mobiles à l’étranger.
« La proposition prévoit d’éliminer, à compter du 1er juillet 2014, les frais d’itinérance applicables aux appels entrants lors de déplacements dans l’UE ».
Bruxelles veut mettre un terme aux surcoûts liés au roaming (itinérance) et pousser les opérateurs à proposer des offres plus attractives à leurs clients lorsqu’ils se déplacent à l’étranger.
Comment ? Si les opérateurs expriment des réticences à tendre les tarifs de roaming vers le bas, la Commission européenne envisage d’autoriser les abonnés mobiles à sélectionner une offre alternative plus attractive en cas de voyages dans d’autres pays de l’UE…Tout en conservant leur carte SIM.
Un manque à gagner potentiel qui devrait faire réfléchir des acteurs de la téléphonie mobile comme Orange ou Vodafone, considère Les Echos.
En fait, la Commission européenne veut faire sauter tous les surcoûts télécoms jugés injustifiés. En supprimant des majorations applicables aux appels intra-UE (« les tarifs facturés par les entreprises pour un appel fixe intra-UE ne pourraient pas être plus élevés que pour un appel national longue distance »).
Encore plus fort : pour stimuler la concurrence intra-européenne, Bruxelles prévoit l’instauration d’un système de guichet unique pour les opérateurs.
Une seule notification accordée à un opérateur dans un pays favorisera l’extension de ses activités dans la sphère des 28 pays de l’UE.
Cet élan de simplification de la réglementation de l’UE applicable aux opérateurs télécoms nécessitera une standardisation paneuropéenne de l’exploitation des fréquences, des conditions d’accès aux réseaux télécoms nationaux et à une harmonisation du droit des consommateurs.
Le volet de la neutralité Internet a toujours été sensible : où placer le cursus de la régulation tout en évitant l’apparition de carcans dans la diffusion de l’information par le Web (fixe et mobile) ?
La Commission européenne cherche un certain pragmatisme économique en accordant aux opérateurs une certain flexibilité.
Comme la possibilité de facturer les clients en fonction du débit ou du volume de données échangées.
Bruxelles voudrait instaurer « des règles juridiques visant à préserver l’Internet ouvert ». Le blocage et la limitation du contenu Internet seraient interdits.
Et les consommateurs disposeraient du droit de vérifier s’ils bénéficient réellement du débit pour laquelle ils paient. Et de renoncer à leur contrat si l’entreprise ne respecte pas ses engagements à cet égard.
Fleur Pellerin : la gestion du secteur télécoms en Europe nous a menés dans le mur |
Les télécoms ne constituent qu’un élément de la réflexion de la stratégie numérique européenne, considère Fleur Pellerin. Et le cas de l’itinérance ne doit pas constituer le coeur de l’agenda numérique européen, estime la ministre française déléguée en charge des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique. Il faut élargir à la R&D, à la formation, aux investissements start-up, aux modes de financement…Interrogée par Les Echos, la représetante du gouvernement a du mordant vis-à-vis de la Commission européenne. »Cela fait quinze ans qu’on se focalise sur ce secteur en ajoutant chaque fois plus de réglementation, et cela nous a menés dans le mur. Nous avons perdu tous nos fabricants de téléphones mobiles : Nokia, Philips, Alcatel, Sagem, Ericsson, Siemens avaient pourtant 55 % de part de marché en 2000. Aucun des maîtres de l’accès aux services en ligne n’est européen. »Parfois, il semble que l’horizon le plus favorable pour une société européenne soit de se faire racheter par Google ou par Microsoft. » Nokia, fleuron technologique finlandais racheté par le groupe de Steve Ballmer, n’est pas cité mais son cas flagrant a marqué les esprits. |
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