Essor des darknets, vulnérabilité des outils open source, fragilité des systèmes de paiement électronique, menaces sur le mobile et l’Internet des objets : il faut s’attendre à une année 2015 chargée en matière de sécurité informatique.
Ce constat, Trend Micro l’a établi dans un rapport – document PDF, 23 pages – diffusé voici quelques semaines. BitDefender, qui s’est également livré à l’exercice des prédictions, en arrive plus ou moins aux mêmes conclusions. Les deux éditeurs s’accordent notamment sur le fait que les cyber-attaques visent de plus en plus systématiquement des données à forte valeur (par exemple la propriété intellectuelle), avec des motivations d’ordre essentiellement financier.
Face au renforcement des mécanismes de cyberdéfense, les pirates informatiques ont tendance à exploiter, au-delà des faiblesses de la machine, les erreurs humaines. Si Trend Micro insiste sur ce point, BitDefender met plutôt en avant le défi que représente le développement des systèmes de paiement électronique dans le sillage d’Apple Pay, qui a réalisé un démarrage remarqué fin octobre aux Etats-Unis.
Au coeur du débat, la technologie sans contact NFC, qui, à l’instar des flashcodes, pourrait faciliter la transmission de code malveillant destiné à voler des données en toute discrétion, par exemple en corrompant des applications légitimes. Evoquant ce même problème l’année passée, Kaspersky recommandait aux utilisateurs de n’activer la fonction NFC que lorsqu’ils s’apprêtent à l’utiliser.
Autre élément en commun dans le discours de BitDefender et de Trend Micro : les attaques atteignent un niveau de sophistication sans précédent. Souvent parce qu’elles s’appuie sur une alchimie complexe de failles. Les cybercriminels vont généralement chercher les données là où elles sont centralisées, c’est-à-dire dans les organisations des secteurs public et privé. Ce qui leur permet par la suite de mener des campagnes plus ciblées… avec des méthodes de plus en plus élaborées exploitant de multiples vecteurs (l’année dernière, Fortinet faisait tout particulièrement référence aux technologies de communication sans fil).
BitDefender s’inquiète aussi de l’explosion des ventes de kits « prêts à l’emploi » sur des forums spécialisés, sur le marché noir… et sur les darknets. Cette « face cachée d’Internet », utilisée entre autres par des agents de sécurité nationale qui ont besoin de communiquer sans être suivis, constitue un lieu de partage pour les pirates, qui y échangent outils et techniques d’attaque, tout en commercialisant des données volées.
Ce canal va compliquer la détection des pirates, tout comme le réseau d’anonymisation Tor, qui permettra de dissimuler des activités susceptibles d’être repérées et coupées par les autorités. La technique est déjà utilisée pour diffuser le malware TORLocker, classé dans une catégorie en pleine émergence : les « rançongiciels ». Ces derniers bloquent l’accès à des données ou tout simplement à des appareils et ne le restaurent qu’en échange d’une rançon.
Attention également aux brèches dans les produits open source. Le contrôle des composants défectueux n’est pas toujours rigoureux. Illustration avec les failles Heartbleed et Shellshock, découvertes respectivement au sien du protocole SSL et de l’interpréteur de commandes Bash (sur Unix/Linux). BitDefender s’inquiète aussi des portes dérobées intentionnellement laissées dans certains logiciels commerciaux… et qui facilitent le travail d’espionnage.
Plus globalement, les points critiques dans les réseaux informatiques se multiplient. La mobilité des employés n’y est pas étrangère. Elle est souvent mal maîtrisée, plus encore lorsque les entreprises tolèrent la pratique du BYOD (« Bring Your Own Device »), par laquelle les collaborateurs se servent de leurs appareils personnels à des fin professionnelles. Qu’il s’agisse d’ordinateurs portables, de tablettes ou de smartphones, la mise en oeuvre de politiques de sécurité reste faible. A tel point qu’elle entraînera, selon BitDefender, au moins une attaque à grande échelle en 2015.
Autre point sensible : le cloud privé. Les grands groupes sont à la pointe de ce modèle d’hébergement qui consiste à exploiter des ressources dédiées pour faire fonctionner applications, OS, réseau ou encore data center. D’après BitDefender, la transition s’accélère depuis les divulgations d’Edward Snowden sur les campagnes gouvernementales de cyber-espionnage dirigées contre les fournisseurs de cloud public. Mais les pirates ont cerné ce phénomène et affûtent leurs armes en conséquence.
Les entreprises sont confrontées à une autre problématique majeure : l’éducation des utilisateurs. Aussi bien sur la gestion des mots de passe que des liens entre leurs comptes sur différents services en ligne ou de leur(s) identité(s) numérique(s) afin de distinguer vie personnelle et professionnelle. Les employés sont effectivement les premiers visés dans de nombreux cas, typiquement les attaques par hameçonnage (« phishing »), c’est-à-dire l’envoi de mails en apparence légitimes, mais piégés.
La pratique du phishing est amenée à exploser sur mobile. Sur ces plates-formes, la propagation de logiciels malveillants pourrait être favorisée par l’interconnexion entre les appareil, sur le schéma de synchronisation PC – smartphone. BitDefender s’attend à une profusion de chevaux de Troie destinés essentiellement à envoyer des SMS surtaxés et à récupérer des informations bancaires. Si les menaces se concentrent pour la quasi-totalité sur Android, l’écosystème iOS sera probablement touché en 2015.
Prochaine étape dans le développement des malware : l’Internet des objets. Via les vêtements et accessoires intelligents, mais aussi les nouveaux appareils multimédias de salon et les équipements domotiques. Face à la demande, les fabricants ont tendance à relayer la sécurité au second rang, laissant parfois des failles béantes.
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