Dans quelle mesure la transformation numérique et l’open innovation bouscule les groupes français ?
Le 17 novembre à Paris, TNP (société conseil dans l’accompagnement des entreprises sur ce thème) organisait avec le magazine Challenges une convention sur ce thème avec une pléïade d’intervenants éclectiques (industrie, banques, automobile…) qui s’impliquent dans ces bouleversements.
La première table ronde sous l’angle « open transformation » a donné le ton sur les changements d’orientation et de vision pour s’adapter à l’ère du numérique.
Prenons le cas du secteur bancaire contraint de revoir ses fondements pour s’adapter à la nouvelle donne. C’est plus facile pour un groupe comme Crédit Mutuel Arkea qui dispose d’une fibre sur l’innovation. Logiquement, Anne-Laure Naveos, Directrice croissance externe, se montre proche des start-up en raison de ses fonctions.
Son groupe a beaucoup fait pour faire bouger les lignes entre start-up et secteur bancaire comme le prouve le rachat en 2015 d’une plateforme de cagnotte en ligne comme Leetchi (et prestataire de paiement électronique avec MangoPay).
Anne-Laure Naveos évoque un « choc culturel » pour accéder à « l’excellence opérationnelle au service du digital ». Crédit Mutuel Arkea a développé des services numériques distribués en marque blanche. C’est méconnu mais, par exemple, le groupe bancaire se présente comme « processeur de paiement pour Amazon France ».
Face aux mastodontes du secteur bancaire, des start-up au profil FinTech creuse des segments de marché qui restent à défricher dans le nouveau contexte numérique. C’est le cas de Clubfunding, qui a la volonté de démocratiser l’émission obligataire pour financer les entreprises.
Son créateur David El Nouchi déclare travailler avec une vingtaine de sociétés clientes dans ce sens. « On travaille systématiquement avec les banques en complément sur la partie financement », explique le start-upper.
Clubfunding collabore aussi avec des établissements institutionnels sur le volet des fonds de prêts à l’économie (FPE ou comment orienter l’épargne collectée par le monde de l’assurance vers le financement des entreprises).
D’autres groupes veulent avancer sur le terrain de la mobilité au sens large. Prenons le cas de la SNCF. Emmanuelle Saudeau, Chief Digital Officer du groupe, évoque le nouveau incubateur créé en interne : « ACT 574 » (qui fait référence au record de vitesse sur rail du TGV). « Il incarne cette transformation et cet esprit d’ouverture », évoque-t-elle.
On regroupe les start-up d’un côté avec l’écosystème industriel et technique de l’autre. Et la mise en œuvre est réalisée et colocalisée par équipe projet. Sachant que la SNCF tend à répartir ses efforts sur le territoire national « au regard de la capillarité géographique » du groupe.
« Nous sommes sur un sujet d’empowerment de nos clients », déclare Emmanuelle Saudeau. Avec des terrains d’actions particuliers sur l’e-tourisme et la transformation des réseaux.
Sous un autre angle, le thème de la mobilité intéresse aussi un constructeur automobile comme PSA. Brigitte Courtehoux, Senior VP Connected Services, rappelle que son groupe a investi dans une série de start-up comme Mister-Auto (pièces détachées automobiles), OuiCar (location de voitures entre particuliers), TravelCar (Solution de parking et Location de voitures)…Et plus récemment d’AramisAuto.com (plateforme de vente de voitures d’occasion), pourrait-on ajouter dans la liste.
« En règle générale, les relations avec les start-up est un sujet qui fait peur dans les grands groupes. Il ne faut pas », commente Brigitte Courtehoux. « Nous commençons à créer un écosystème de la mobilité et à apporter nos valeurs respectives. » D’un côté l’agilité start-up, de l’autre la puissance pour passer à une phase industrielle.
Brigitte Courtehoux est consciente que, dans la sphère du numérique, les frontières entre concurrence et partenariat sont poreuses avec des acteurs comme Uber ou Google. « On veut se positionner en opérateur de mobilité même si cela génère peu de vente de voitures ».
La représentante du groupe PSA le reconnaît : « Nous investissons dans des start-up qui nous concurrence un peu…Elles peuvent peuvent travailler avec d’autres marques constructeurs. » Reste donc à trouver le curseur du « partenariat gagnant-gagnant ».
On imagine même pas la lame de fond qui sévit dans des secteurs d’activité traditionnelle. Prenons le cas d’une mutuelle santé comme Harmonie Mutuelle.
En prenant récemment les fonctions de directeur opérations et transformation, François Couton est arrivé dans un autre monde. Lui-même arrivant avec un parcours d’expériences multiples au sein d’un groupe audiovisuel (il est passé chez Canal + avec des fonctions entre la relation client, la DSI, la direction financière et la gestion data).
« Maintenant, il faut transformer notre modèle avec les acteurs de la techno qui vont arriver sur notre marché et nous disrupter », prédit-il dans ses nouvelles fonctions au sein d’Harmonie Mutuelle. Ce qui a abouti à la constitution d’une direction de la transformation en charge de thème comme la digitalisation, l’exploitation de la donnée, l’ouverture métiers « tout en gardant le coeur de métier mutualiste ».
Sa volonté est de collaborer avec des start-up sous forme de POC (proof of concept) et n’hésite pas à évoquer le recours à la blockchain. De quoi perturber un secteur aussi ronronnant que la mutuelle…
Cette table ronde dense a également permis à OpenDataSoft de présenter ses activités de fournisseur de solution de valorisation et de monétisation des données et des API. La société, qui revendique 80 clients dans 10 pays, vient de lever 5 millions d’euros pour poursuivre son développement sur ce créneau.
Son CEO Jean-Marc Lazard ne cache pas sa volonté d’en découdre sur son segment de prédilection. « J’ai une liste de grands groupes que j’ai envie de faire disparaître
pour prendre leur place – comme les éditeurs de logiciels – pour faire les choses différemment », commente-t-il.
Vis-à-vis de la quarantaine d’organisations avec lesquelles OpenDataSoft travaille, Jean-Marc Lazard déclare qu’il n’a pas envie de se contenter d’être uniquement perçu comme un « prestataire et fournisseur ». « On veut travailler à grande échelle. Cela va nous challenger énormément. »
Reste à canaliser cette énergie créatrice pour la mettre au service des grands groupes.
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