Le parallèle est assez étonnant. Alors qu’Emmanuel Macron présentait lundi matin sa feuille de route du futur projet de loi sur les « Nouvelles opportunités économiques », Nicolas Colin présentait simultanément son rapport intitulé « La richesse des nations après la révolution numérique » sous la houlette de Terra Nova.
Il est disponible en téléchargement sur le site Internet du think tank.
Nicolas Colin maîtrise son sujet. Cet Inspecteur des finances dispose de multiples casquettes : associés cofondateur de l’accélérateur parisien TheFamily, membre de la CNIL, co-auteur d’un précédent rapport sur la fiscalité numérique remis en 2012 au gouvernement et de l’ouvrage « L’Âge de la multitude » écrit avec Henri Verdier.
Le postulat de l’auteur est probablement partagé avec le ministre de l’Economie : « La transition numérique nous oblige à redéfinir notre conception de la richesse des nations ».
La mondialisation est portée en grande partie par la dématérialisation des services et des process et la vie économique prend un incontestable tournant numérique.
Mais il y a un hic pointé du doigt rapidement par Nicolas Colin : « La France ne fait aujourd’hui pas partie des grandes puissances de l’économie numérique. »
Il poursuit : « Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les applications numériques les plus utilisées dans le monde sont américaines et chinoises; l’intensité des investissements dans l’économie numérique est sans commune mesure aux États-Unis, en Chine et en Israël par rapport au reste du monde; les places financières qui jouent un rôle moteur dans le développement de l’économie numérique sont New York et Londres. »
Pour Nicolas Colin, il faut donc accélérer « la transition numérique » mais il y a des frictions entre l’ancien et le nouveau monde.
« La plupart des filières sont d’ores et déjà le théâtre de batailles qui voient des entreprises numériques en pleine croissance disputer leurs positions aux acteurs en place et bouleverser radicalement les façons de produire et de consommer. »
Tout en poursuivant : « Alors même que la France et ses élites sont souvent sur la défensive face à ces mutations, elle impose non seulement d’investir et d’innover, mais aussi de repenser l’environnement social et réglementaire hérité pour une large part de la société industrielle afin d’entrer dans un nouveau paradigme. »
Dans cette tectonique des plaques, on observe des frilosités, des réticences ou des résistances. Nicolas Colin citent les cas des filières culturelles et d’industries (taxis, avocats, hôteliers, auto-écoles), qui, à ses yeux, « se mobilisent pour empêcher l’épanouissement en France des innovations de rupture et retarder la remise à plat de nos institutions ».
Difficile d’évoquer la transition numérique sans parler des risques et opportunités en termes d’emploi. « D’une part, elle contribue à la destruction des emplois anciens et au creusement des inégalités. D’autre part, les entreprises numériques créent certes de nouveaux emplois, que ce soit des emplois très qualifiés, à forte intensité en savoir et en compétences, ou des emplois peu qualifiés, notamment dans des activités de service de proximité. »
Nicolas Colin se montre assez critique vis-à-vis de « capitaines d’industrie qui dénoncent leurs nouveaux concurrents, mais sans engager la transformation numérique de leur propre entreprise ». Il fustige aussi la méconnaissance des dirigeants politiques de l’univers numérique et de ses enjeux.
« La France se trouve aujourd’hui dans une impasse », tranche l’auteur. « Les grandes entreprises, piégées par leur grande taille et leurs difficultés à changer, peinent à se ressaisir face à la dislocation de filières qu’elles ont longtemps dominées. Des PME sont acculées à la faillite sans posséder les clefs de compréhension ni le système financier pour les appuyer dans leurs efforts de transformation. »
Si l’écosystème de start-up françaises apporte de l’air frais, cela ne suffira pas à transformer l’essai. L’appui des grands groupes industriels dans une dynamique nationale voire européenne est essentielle.
La timide ouverture à l’open innovation et à l’open data ne suffira pas. Il faut désormais insuffler le numérique au cœur des organisations privées et publiques.
Pour que l’innovation devienne une vraie boussole et non pas une variable d’ajustement. Il y a du pain sur la planche.
(Crédit photo : copie écran vidéo L’Echappée Belle)
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