L’UEFA EURO 2016, c’est un peu Noël avant l’heure pour les start-up du Tremplin et du Welcome City Lab.
Les deux incubateurs, centrés respectivement sur les thématiques du sport et du tourisme, perçoivent la compétition comme un vaste terrain d’expérimentation pour les produits et services numériques des jeunes pousses qu’ils accompagnent.
Un travail de fond a été mené en amont de l’événement sur les problématiques d’organisation, d’accueil et d’expérience.
Du côté du Welcome City Lab, on a amorcé, en 2014, une réflexion traduite entre autres par la mise en place d’un MOOC (cours en ligne) pour former les volontaires et d’un chat communautaire qui permet aux touristes de recueillir des conseils auprès des Parisiens. Mais aussi de divers parcours ludiques, entre gamification sur la place de la Concorde et réalité augmentée dans le Marais.
À la baguette, Paris&Co.
L’agence de développement économique et d’innovation de la Ville de Paris sollicite une cinquantaine de collaborateurs pour animer dix plates-formes d’incubation sur le modèle du Tremplin et du Welcome City Lab. Spécialisée sur les thématiques d’attractivité, elle gère également un « club open innovation » pour assurer la mise en relation des start-up avec les grands comptes.
Arrêtons-nous un instant sur cet aspect, qui a suscité la controverse ces dernières semaines jusque de l’autre côté de l’Atlantique.
Au retour d’un voyage de presse « French Tech » organisé par l’agence gouvernementale Business France, un journaliste avait allumé la mèche… et déclenché un tollé. Pour résumer son propos, l’écosystème français manquerait d’ambition et les jeunes pousses ne seraient bonnes qu’à être rachetées tôt ou tard par de grands groupes ; alors qu’aux États-Unis, on se demande qui sera « le nouveau Google » perturbant l’équilibre établi.
Dans l’absolu, le turnover est nettement plus important sur l’indice Nasdaq 100 que sur le CAC 40. Pour autant, la vision d’un univers figé, acquis à des « dinosaures » en l’objet de Total, Danone, Orange ou Vivendi, ne fait pas consensus au sein même de la presse américaine. Laquelle entrevoit toutefois dans la polémique née de cet article le reflet d’une incertitude chez les acteurs de la French Tech.
Beaucoup de bruit pour rien ? On a ressenti, chez les entrepreneurs que Paris&Co avait conviés ce jeudi sur la fan zone du Champ-de-Mars pour présenter leurs projets, une indifférence certaine vis-à-vis de cette controverse.
Ce qui leur importe, c’est plutôt l’accès au financement, les problématiques fiscales, les enjeux juridiques et plus généralement les barrières réglementaires qui peuvent se poser à l’exercice de leur activité.
Entre deux pitchs, on attire notre attention sur la loi relative à l’encadrement des stages, adoptée par le Parlement en juin 2014.
Un décret d’application (no 2015-1359) est paru au Journal officiel le 28 octobre 2015 pour fixer le quota précis de stagiaires qui peuvent être accueillis en même temps dans une entreprise.
Il consiste en une modification du code de l’éducation, avec l’ajout de quatre articles, dont le R. 124-10, qui établit que le nombre de conventions de stage en cours sur une même semaine ne peut pas dépasser 15 % de l’effectif dans un organisme d’accueil d’au moins 20 salariés.
L’essentiel des jeunes pousses du Tremplin et du Welcome City Lab sont concernées par le deuxième alinéa de cet article : « Trois stagiaires, pour les organismes d’accueil dont l’effectif est inférieur à vingt », à l’exception de quelques cas, dont les contrats d’alternance sous statut scolaire.
Pour plusieurs de nos interlocuteurs, c’est difficilement compatible avec leur activité. Tout particulièrement pour cet entrepreneur qui loue l’école 42 de Xavier Niel : « J’y ai trouvé des pépites. Ils ne sont pas simplement développeurs : ils ont une vraie vision business ».
Un autre prend la balle au rebond : « J’ai un super stagiaire, mais si je veux le rémunérer davantage pour le convaincre de rester, mes charges augmentent d’autant ». Et de résumer, en appelant à la mise en place d’un statut « véritablement différencié » pour les start-up : « S’ils [l’État, ndlr] pouvaient attendre avant de nous mettre des barrières… ».
Et les incubateurs, dans tout ça ? Le discours à leur égard est positif dans l’ensemble, avec plusieurs mots-clés qui ressortent, dont la « visibilité » et le « partage de connaissances ». Même si les structures américaines restent des modèles. Ainsi nous cite-t-on Y Combinator, dont le principal dirigeant était récemment de passage à Paris, dans les locaux de TheFamily.
Au fil des discussions, on se fait une idée plus précise du quotidien de ces entrepreneurs, entre la gestion délicate des heures de sommeil et la négociation des baux pour la location d’espaces de coworking.
Puis on dévie sur les levées de fonds et sur une difficulté qui fait l’unanimité : passer de la phase d’amorçage au développement.
Les 30 start-up incubées en 2015 par le Welcome City Lab – la moitié en amorçage, l’autre en « décollage » – ont réuni plus de 12 millions d’euros de financements. Elles ont, d’après Paris&Co, créé une centaine d’emplois. Tout en expérimentant des projets avec les partenaires de l’incubateur, allant parfois jusqu’à déployer leurs solutions en environnement de production.
La promotion 2016 est moins garnie : sur 151 candidatures reçues, 20 ont été sélectionnées dans l’accueil des visiteurs, les voyages d’affaires, la valorisation des données, la relation client, la création d’expériences sur des lieux physiques et l’extension des territoires touristiques.
En matière d’accompagnement, le casting est alléchant. La Ville de Paris et son Office du tourisme et des congrès sont membres fondateurs du Welcome City Lab, aux côtés de la DGE, de Bpifrance et de 9 industriels : Aéroports de Paris, Air France, Amadeus, Carlson Wagonlit Travel, Galeries Lafayette, Skyboard, Sodexo, Viparis… et la RATP, qui a rejoint la boucle fin 2015.
Cinq des « élèves » du cru 2016 ont eu l’occasion d’exposer leur projet, en la présence notable d’une délégation venue du Cameroun.
Dans la veine de l’économie collaborative, BubbleGlobe a fait le point sur l’expansion géographique, à Paris, Londres, New York et Barcelone, de sa plate-forme communautaire qui permet de réserver des activités touristiques proposées par des locaux. Le service est exploité en mode CtoC avec Best Western, Air France et la RATP. Il l’est aussi sous l’angle BtoB, en tant que service événementiel.
Carlili s’est positionné dans le secteur du transport, en concurrent d’un Zipcar ou d’un Drivy, avec une place de marché pour des voitures de location à la demande. Les véhicules, fournis par des loueurs professionnels, sont acheminés jusqu’au client par des « carsitters » qui travaillent en freelance. Les agences paient un abonnement pour être visibles sur la plate-forme.
Travel Fashion Club voit plus large, mais aussi plus spécialisé avec un agrégateur présenté comme « le Google du voyage ». Ciblant les professionnels de la mode, il permet d’organiser le séjour (transport, logement, showroom, conciergerie), avec une dose d’intelligence artificielle pour aider à la planification. On sent toute l’importance de la data dans le modèle de cette start-up qui mise sur une relation personnalisée avec le client.
Tripnlive a choisi la vidéo pour permettre aux touristes de partager leurs expériences. Le résultat : un complément à TripAdvisor pour découvrir des destinations, via de courtes séquences de 15 secondes. Les professionnels du tourisme peuvent intégrer ces vidéos sur leur site Internet via un widget. Cinq hôtels et un office de tourisme sont dans la boucle pour l’heure.
Gustave intervient en aval sur la chaîne, pour s’occuper des bagages en fin de séjour. Le client les laisse à la consigne de son hôtel lors du check-out ou dans un point de dépôt partenaire et les récupère sur son lieu de départ. Outre les professionnels de l’hôtellerie, le service est mis en avant par des agences de voyages et des propriétaires qui louent leur logement via des plates-formes de type Airbnb.
Lancé en novembre 2014, le Tremplin réplique le modèle du Welcome City Lab. Ayant accueilli 17 start-up la première année, il en héberge cette fois-ci 19, dont Footovision, qui propose de décrypter des matchs de football en analysant les images. Ses algorithmes apprennent à reconnaître les joueurs sans qu’ils aient à porter de capteurs.
Chez Gymlib.com, on est sur la réservation de salles de sport sans engagement, pour une durée allant d’une séance à trois mois. Avec 1 200 clubs partenaires, la start-up vise surtout une clientèle en déplacement. Elle s’est associée au groupe AccorHotels, dont tous les Novotel mettront l’offre en avant à compter du 1er juillet 2016.
Tech’4’Team donne dans le lead management pour les organisations sportives et culturelles. Sa solution Arenametrix se connecte aux systèmes de billetterie pour une exploitation CRM, avec la possibilité d’optimiser les revenus en jouant sur la tarification, les catégories et les distributeurs. Le Stade de France en fait usage, tout comme les clubs de l’OGC Nice et du FC Lorient.
Pour WeFan, c’est devant la télé que ça se passe. L’idée de cette application mobile est de permettre aux supporters d’encourager leur équipe comme s’ils se trouvaient au stade, avec des animations, des statistiques et un système de messagerie. Le contenu généré par les utilisateurs est fourni à des diffuseurs comme D8 pour son émission « Touche pas à mon sport ».
L’organigramme est plus difficile à lire chez Sporting Heroes, qui se sert de la gamification pour inciter à la pratique sportive : les utilisateurs gagnent des points à utiliser chez des marques partenaires. D’abord appliqué à la course à pied, le concept s’est élargi au cyclisme et au ski.
Sporting Heroes a aussi aidé Amaury Sport Organisation à développer l’application officielle du marathon de Paris en y intégrant sa technologie de « courses dématérialisées », assortie d’un programme de motivation lancé cinq mois en amont. Quant à sa branche United Heroes, elle s’est spécialisée dans le « team building digital ».
* En illustration de l’article, Laurent Queige, délégué général du Welcome City Lab.
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