Entre colère et consternation. Les opérateurs membres de l’Association des opérateurs télécoms alternatifs (AOTA) sont remontés contre l’ARCEP qui procède actuellement à la révision de ses décisions d’analyse des marchés du haut et du très haut débit fixe pour la période 2017-2020.
Car ils se sentent délaissés dans la vision esquissée du marché. La pression sur Orange dans le sens d’une ouverture plus large de son infrastructure n’est pas suffisante, estime-t-elle.
Le point de vue de David Marciano, Président de l’AOTA (et dirigeant de l’opérateur Adenis).
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« Dans la procédure de révision des décisions d’analyse des marchés du haut et du très haut débit fixe initiée par l’ARCEP, l’AOTA a contribué à la fois par le biais d’une réponse d’un de nos adhérents peu avant la création officielle de notre association puis par le biais d’une audition par le collège de l’autorité de régulation organisée en mai dernier.
Nous avons fait passer un grand nombre de messages issus des retours du terrain, la meilleure matière possible selon nous, et de quelques demandes pressantes. Dont la production d’une offre FTTH [fibre à domicile, ndlr] activée de la part d’Orange pour répliquer les offres de l’opérateur dominant.
Les équipes de l’ARCEP sont très compétentes et ont entendu nos divers messages. Mais nous avons le sentiment d’être pris pour les dindons de la farce et d’être sacrifiés alors que nous sommes des acteurs contributeurs, pour certains d’entre nous de longue date, à l’aménagement numérique, en étant clients des réseaux déployés par les collectivités (RIP) ou même des divisions opérateurs d’Orange et SFR.
La pression sur Orange est amicale. Elle n’a vraiment rien de contraignant malgré les messages passés dans la presse.
L’ARCEP a régulé a minima pour ménager les susceptibilités. Quitte à provoquer quelques dommages collatéraux qui seront plus marquants qu’elle le pense.
Contrairement à d’autres pays qui tentent de faire monter en charge des acteurs modestes, notre régulateur sectoriel national n’a absolument rien à faire des acteurs de taille modeste.
L’ARCEP ne sait pas gérer la multitude d’opérateurs indépendants et c’est l’une des raisons d’être de l’AOTA.
Comment réguler correctement un marché qu’on limite par défaut à quatre acteurs majeurs [Orange, Altice-SFR, Bouygues Telecom et Iliad-Free] ?
Elle a préféré ne pas imposer une offre de collecte FTTH activée (c’est-à-dire la collecte des connexions issues du réseau d’un opérateur à l’échelle régionale ou nationale) et se limiter à l’exigence d’une offre en « marque blanche » ou passive de la part d’Orange !
C’est scandaleux de nous réduire à de simples revendeurs-intégrateurs de box. C’est surtout totalement inefficace techniquement et économiquement puisque nous sommes opérateurs disposant de collectes en propre.
De facto, l’ARCEP évince et fragilise au moins une centaine d’acteurs qui étaient pourtant jusque-là favorable à ses orientations.
Certes, une offre de gros (passive donc utilisable que si l’on est hébergé dans le nœud de raccordement optique) sera disponible chez Orange avec garantie de rétablissement de service dont le tarif de détail cible voulu par le Président de l’ARCEP est de moins de 100 euros HT.
Mais, en décomposant les coûts, il restera très peu pour vivre. En condamnant les opérateurs de détail à faire du volume au risque de négliger la qualité de service incluant l’accompagnement client qui fait le succès de nos sociétés auprès de la clientèle.
Lorsque votre client appellera le support technique et que vous devrez suivre l’incident, la marge sera en grande partie évaporée pour quelques mois.
En pensant rehausser le marché, le régulateur avec son calque du marché résidentiel (focalisé sur les prix) va en fait le tirer vers le bas. Alors que l’entreprise (TPE ou PME) est appelée à utiliser de plus en plus le cloud et qu’elle attend de la qualité de service digne de ce nom.
L’ARCEP encourage massivement le déploiement de réseaux alternatifs comme Kosc ou Bouygues Telecom dans le segment du Wholesale (vente en gros). Dans tous les cas, nous serons très attentifs aux offres commerciales pour éviter toute tarification excessive.
Le cas échéant, nous mettrons tout en œuvre pour créer une souplesse d’accès au marché par des acteurs de taille modeste.
Néanmoins, ce n’est pas du tout le rôle du régulateur de décider quelles offres doivent être produites pour quelles cibles d’abonnés. Ni même de choisir à notre place quel grossiste pourra les fournir. Il faut que tous les acteurs puissent disposer d’une large palette d’offres de gros, incluant l’accès au réseau de l’opérateur dominant.
Nous avons tous des collectes Orange, parfois SFR, les collectes de RIP, demain peut-être Kosc…Et plus généralement, les offres activées ne sont pas opposées à l’investissement dans les réseaux, bien au contraire ! Voyez l’exemple de Free qui a commencé sur le DSL avec ces offres de gros activées pour finir par déployer progressivement un réseau en propre et investir massivement.
Ne laissons pas mourir les opérateurs alternatifs. L’ARCEP a pris le risque de fragiliser en premier lieu les premiers acteurs utiles à tout l’écosystème et par extension d’emplois dans les régions en sus de brider l’innovation pour longtemps.
Elle n’apporte pas de réelles solutions efficaces pour les alternatifs et c’est anormal alors que nous payons nos impôts en France contrairement aux GAFA et répondons présents dans les territoires pour aider le monde économique à embrasser la transformation numérique.
Un entretien avec le Président de l’ARCEP nous semble le minimum à court terme. Nous répondrons également à la mise en consultation des analyses de marché.
Nous initions enfin une action inévitable auprès de l’Autorité de la concurrence et sans doute à l’échelle européenne.
Cette possibilité aurait des conséquences lourdes sur le Plan France THD que nous n’avons pas pour ambition de paralyser mais bien de développer. »
Une tribune libre de David Marciano, Président de l’AOTA (Association des opérateurs télécoms alternatifs). La jeune association (sa création remonte à mars 2017) revendique près d’une trentaine d’opérateurs indépendants répartis dans toute la France pour un chiffre d’affaires agrégé dépassant la barre des 100 millions d’euros et représentant plus de 500 emplois directs.
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