Les ressources humaines sont en train d’évoluer à toute vitesse, et avec elles leur écosystème.
Le tableau, qui pouvait être dressé il y a encore douze mois, n’a plus rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui.
En lisant cette tribune de Gilles Babinet, sur le besoin de laisser les start-up innover pour permettre à Pôle Emploi de remplir sa mission, je me dois, en tant qu’entrepreneur impliqué du secteur RH, de montrer les limites de l’analyse réalisée, et souligner un décalage entre ce qui est écrit et l’actualité de l’institution.
Le but du Lab RH (association loi 1901) est de lever les freins à l’innovation dans les RH en fédérant tous les acteurs innovants de ce secteur.
Près de 100 start-up RH sont réunies sous le haut patronage du Ministère du Travail, du Secrétariat au Numérique et… de Pôle Emploi.
Directement sur le terrain, à l’intersection entre les start-up RH, les entreprises en pleine transformation, et les acteurs publics, Le Lab RH constitue un véritable poste d’observation des évolutions, freins et ambitions propres à chacun de ces acteurs, afin de mieux agir.
J’écris cette tribune comme une invitation ouverte au dialogue, dans la volonté de sensibiliser l’opinion publique, poser sur la table des éléments factuels et actuels issus du terrain, et faire converger toutes les initiatives en cours sur le sujet.
Qu’on le veuille ou non, la solution pour un retour à la croissance et à l’emploi en France ne sera que collective.
Il est délirant de penser qu’un acteur aura à lui seul la réponse. Pôle Emploi ne fait pas exception. Si ce constat semble évident aujourd’hui, il ne l’a pas toujours été, et Pole Emploi a notamment cru pendant longtemps être le détenteur légitime de l’emploi en France.
En tant qu’acteur public de référence, historique et médiatique, il est facile de le pointer du doigt. Pourtant, cette institution n’est ni responsable de la création ou destruction d’emplois en France, ni responsable de l’inadéquation des formations scolaires avec la réalité du marché du travail.
Autrement dit, le manque d’emplois et le manque d’employabilité ne sont pas directement imputables à Pôle Emploi. Un reproche légitime pourrait être celui du monopole et du refus de collaboration. Mais ce n’est plus le cas.
Entre l’Emploi Store, la Direction de l’Innovation, les accords sur la transparence du marché du travail, le Lab Pôle Emploi et de très nombreuses autres initiatives ayant récemment émergé, Pôle Emploi se réinvente et ne joue plus cavalier seul.
Je rejoins bien entendu le point de vue de la tribune sur l’inertie et la difficulté de faire évoluer un acteur public majeur tel que Pôle Emploi.
Les enjeux y sont politiques, mais également sociaux, car il s’agit de faire évoluer des mentalités en interne, et aucune solution innovante ne pourra réaliser ce tour de force en quelques semaines ou quelques mois.
La plupart des gens ne connaissent pas l’ampleur et la portée des services proposés par Pôle Emploi, qui vont loin au delà de la recommandation d’offres d’emploi. Mais l’emploi est un sujet d’intérêt général récurrent, que la médiatisation a relégué au rang de statistique.
Chaque mois, des millions de Français constatent les chiffres annoncés, en se disant que ‘ça repart un peu’, ou que ‘c’est de pire en pire’. Le débat n’avance pas plus que les solutions, en apparence. Derrière ces chiffres de ‘non emploi’, il y a une réalité, celle de la ‘non employabilité’.
Car pour trouver un emploi, il ne suffit pas d’avoir le profil requis pour un poste, mais il faut également avoir une situation suffisamment stable : un logement, un moyen de transport, un moyen de communication, une couverture santé, un accès à l’information.
Voici le premier rôle de Pôle Emploi, celui dont on ne parle jamais : accompagner des centaines de milliers d’actifs vers une situation d’employabilité minimale.
La légitimité de Pôle Emploi sur le volet social est largement démontrée.
Peut-on en dire autant des entreprises, qui sont celles qui fixent les conditions de l’emploi ? Et quant à la légitimité de Pôle Emploi comme acteur référent en charge de proposer une visibilité maximale du marché de l’emploi, côté recruteurs comme côté candidats, il est vrai que moins d’une offre d’emploi sur trois se trouve sur la plateforme nationale.
Mais autrement dit, cela signifie que moins d’une entreprise sur trois transmet ses offres d’emploi à Pôle Emploi. La diffusion publique d’offres d’emploi ne constitue pas l’activité principale des agents de Pôle Emploi, loin de là.
Sur ce sujet, notamment, Pôle Emploi travaille de concert avec les acteurs privés (pas seulement les start-up), depuis près de trois ans maintenant, sur le projet appelé « Transparence du Marché du Travail ».
Ces accords public-privé permettent à Pôle Emploi d’agréger les offres d’emploi présentes sur les sites de recrutement, afin de les centraliser sur le site emploi possédant le trafic Web le plus élevé de France : Pôle Emploi, avec plus de 5 millions de visiteurs uniques par mois.
Avec plus de 50 sites de recrutement agrégés en 2 ans, Pôle Emploi a considérablement étoffé sa base d’offres d’emploi, et poursuit sa dynamique. La prochaine étape, prévue en déploiement pour les prochains mois : mettre à disposition des acteurs partenaires les offres en cours.
Même s’il subsiste un caractère politique sur la quantité d’offres transmises, il y a une percée claire sur le sujet, contrairement à ce qui est exposé dans la tribune.
Reste à faire accepter par les entreprises publiant leurs offres une multidiffusion sur d’autres sites tiers, ce que certaines refusent.
L’innovation est en plein essor au sein des équipes de Pôle Emploi, sous l’impulsion de son directeur général Jean Bassères, et de la Direction de l’Innovation qu’il développe.
Avec de plus en plus de tests de solutions (POC – Proof Of Concept), et d’analyses des données disponibles.
De nombreuses start-up RH ont ainsi pu bénéficier d’un partenariat avec Pôle Emploi pour tester leur solution à l’échelle locale.
Il reste encore compliqué de généraliser à l’échelle du pays les solutions qui fonctionnent bien, et c’est là l’une des missions du Lab RH : accompagner Pôle Emploi dans sa transformation numérique, et dans l’adoption des usages numériques susceptibles de faciliter la rencontre entre l’offre et la demande sur le marché du travail.
L’Emploi Store est, sur ce sujet d’innovation, une première réussite. Cette plateforme, voulue par le Ministère du Travail et Pole Emploi, et conçue avec de nombreux acteurs du marché RH, recense plus de 150 solutions innovantes d’acteurs privés et à destination des chercheurs d’emploi, 4 mois après son lancement. Pas mal pour un début.
Le Lab Pôle Emploi est un volet encore plus récent de la démarche d’innovation et d’ouverture de Pôle Emploi.
Le financement de l’innovation RH
Le secteur RH n’est pas réputé innovant par défaut. Au regard des enjeux émergents pour les entreprises et la Société dans son ensemble, les sujets RH deviennent de plus en plus stratégiques, et l’innovation y prend son sens.
On parle de dématérialiser et digitaliser les processus, de transformer l’entreprise et ses collaborateurs, ou encore de repenser l’emploi et les modes de travail grâce à la technologie.
Il existe dans notre pays plus de 300 start-up qui travaillent actuellement sur la thématique d’innovation RH. Parmi ces start-up, très peu trouvent une oreille attentive auprès de business angels.
Pour un business angel, investir dans les RH se résume souvent à investir dans un site de recrutement. Un échec quasi-assuré, comme le montre l’expérience sur les 15 dernières années, où le marché est passé de plus de 450 sites à 150.
Concernant les financements publics, il n’existe pas d’enveloppe dédiée à l’emploi chez BPI France. Il existe une enveloppe Emploi-Formation auprès du programme d’investissements d’avenir, mais les start-up n’y ont pas accès directement.
Dans l’innovation RH, presque tout est en cours de construction : les produits, les modèles économiques, les réseaux de vente, etc. Il est difficile pour un investisseur de s’y projeter encore aujourd’hui. Clairement, il est inutile de ‘laisser les start-up innover’, si les financements ne suivent pas derrière. Les financer et les accélérer, c’est encore mieux.
En 2015, pour la première fois depuis le début des années 2000, plus de 10 start-up RH ont levé simultanément des montants compris entre 1 à 3 millions d’euros (JobTeaser, EasyRecrue, Clustree, KeyCoopt, Talent IO, MyJobCompany, Monkey tie, Kudoz, Horizontal Software, Alcuin), et deux ont levé de plus de 25 millions d’Euros (Talentsoft, PeopleDoc).
Parmi ces levées, plusieurs ont été réalisées en partie par des entreprises établies, signe que des rachats à terme sont envisageables (le rachat de start-up étant un autre enjeu majeur de l’investissement en Europe).
La question du financement semble enfin trouver preneur, mais il s’agit d’un sujet sur lequel des enveloppes, publiques et privées, pourraient être débloquées très rapidement.
Les enjeux du secteur sont colossaux, et cela va nécessairement de pair avec les gains potentiels. Les géants de demain sont les start-up d’aujourd’hui, et seul l’investissement permettra le passage à l’échelle.
Il n’y a qu’en concentrant et en rationalisant les propositions de valeur que l’impact sur l’emploi et la croissance seront significatifs : site emploi unique agrégeant toutes les offres possibles, plateforme recensant tous les modes de sélection existants, plateforme recensant toutes les formations, leur disponibilité et les aides financières accessibles, etc.
La France dispose de la créativité et du terreau social nécessaires à l’émergence d’innovations de rupture dans le secteur RH. Notre nation dispose d’une carte à jouer pour devenir une référence mondiale en la matière.
L’Emploi Store – et plusieurs autres initiatives publiques en cours – en sont des exemples encourageants.
Pôle Emploi, à travers sa volonté de se rénover sans dénaturer sa mission et ses valeurs, peut être l’acteur public de référence qui aidera à coordonner cet enrichissement de la valeur proposée sur le marché.
Avec l’Emploi Store et les accords TMT, la démarche est initiée, mais doit être soutenue par les acteurs privés.
Je crois bien mieux au dialogue et aux preuves sur le terrain. Le changement est avant tout une histoire d’humains, bien plus que d’organisation. Adressons-nous donc aux dirigeants plus qu’à l’institution elle-même.
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