Le terme « digital » a envahi toutes les sphères et est employé dans à peu près tous les contextes. En principe, il s’agit d’une démarche centrée sur le client et sur la relation que l’omnicanal l’entreprise va établir avec celui-ci au moyen de technologies issues d’Internet, ce qui inclut la mobilité, le marketing (digital), l’e-commerce, le CRM, le big data, ainsi que l’innovation, la collaboration, la socialisation des relations, etc.
Toutefois, cette définition est trop restrictive car elle ne prend pas en compte les impacts de la révolution digitale sur les organisations. Nous verrons ici que le digital ne peut pas être cantonné au « business digital » et que seule une approche holistique assure la réussite de la révolution digitale.
Celle-ci doit s’appuyer sur la culture, l’organisation et la technologie de toute l’entreprise. La révolution digitale met à terre les anciennes façons de travailler et de penser.
L’organisation digitale est aujourd’hui loin d’être tranchée et stabilisée dans la majeure partie des entreprises. Le consommateur le ressent directement lorsqu’une marque présente sur le marché du BtoC, propose plusieurs sites et des dizaines d’apps dont les fonctionnalités se recoupent mais dont les réalisations sont différentes en fonction des systèmes mobiles.
Ou lorsque la gestion des points fidélité est faite sur un site et les achats doivent l’être sur un autre. Ou lorsqu’après avoir rempli un formulaire de réservation (par exemple), l’internaute reçoit un email qui l’informe qu’il sera bientôt contacté et puis plus rien !
La ligne téléphonique surtaxée est en rupture et, après des heures d’attente, le non-consommateur que personne ne (re)connaît doit tout recommencer car le formulaire en question n’a jamais été exploité.
Ou encore lorsqu’il faut naviguer sur le site institutionnel pour prendre des nouvelles de la marque et sur le site d’e-commerce pour commander car il n’existe aucun lien entre ceux-ci.
Chaque lecteur ajoutera de lui-même des exemples vécus en tant que consommateur digital.
On pressent que ces dysfonctionnements résultent avant tout des questions de frontières, des jeux de pouvoirs internes, des frottements d’egos et des périmètres qui se font au détriment de l’objectif final : offrir une expérience utilisateur unique, cohérente et sans couture avec des services qui répondent, voire anticipent la demande.
Pour sortir des guerres des tranchées internes, la priorité des priorités, c’est l’acculturation digitale de tous, à commencer par le top management, dont on nous dit souvent qu’il se sent peu impliqué n’ayant ni le temps, ni l’occasion de naviguer sur Internet ou d’effectuer des actes que ses propres clients font tous les jours.
« Nos patrons ne vont jamais sur notre site, ils ne voient pas pourquoi il faudrait le refaire », est un argument très fréquent pour expliquer l’immobilisme.
La faible culture numérique d’une bonne partie des managers et top-managers des grandes entreprises explique les retards, les réticences, les incompréhensions, l’absence de communication et de collaboration, les peurs et les fantasmes.
La défiance envers l’entreprise (et la mondialisation), la culture de la relation hiérarchique ainsi que le rapport passionnel au travail en France sont des freins considérables à l’adoption du digital.
À cela, on peut ajouter les freins au travail collaboratif : la culture de la performance individuelle qui favorise le travail solitaire, celle du manager « sachant », celle des cloisonnements et des châteaux forts, qui empêchent la propagation rapide du collaboratif et du social.
Ne pouvant se permettre d’attendre le renouvellement complet de générations, il est impératif de recourir à la conduite du changement, à l’expérimentation effective, à la création de la vision commune du digital.
La conduite de changement doit donc couvrir des populations ciblées : les top managers, les managers et les salariés acteurs opérationnels et ce de manière simultanée pour créer les conditions d’une adaptation au nouveau contexte économique et technologique.
Les entreprises qui opèrent depuis des années (« brick and mortar ») dans leur secteur d’activités se sont organisées, ont structuré leur Système d’Information, investi des centaines de millions d’euros, conçu des procédures et stabilisé les processus.
Or, la transformation digitale remet violemment cet équilibre en cause. L’adaptation est d‘autant plus coûteuse que les nouveaux entrants (« pure players ») peuvent se targuer de structures optimisées et légères, d’une présence internationale à peu de frais, d’une culture du client, de l’habitude de remettre systématiquement en cause l’existant, etc.
La recherche de l’organisation optimale s’apparente chez les brick & mortar, à la quête du Graal.
La direction digitale, lorsqu’elle existe, cherche encore sa place et sa légitimité. De qui doit-elle dépendre ? Est-elle indépendante ou fait-elle partie, au choix de la DSI ou du Marketing ? Quel est son périmètre d’intervention ? Est-ce à elle d’initier les projets ou doit-elle avoir simplement un rôle de conseil ?
Qui pilote les changements internes, conséquences des décisions relatives à la politique digitale ? Qui en est responsable ? Et comment doit-on organiser la phase industrielle lorsque le digital est partout et que les questions de réutilisation, de maintenance et de déploiement prennent le pas sur les expérimentations ?
Où se place la direction e-commerce et de qui doit-elle dépendre ? Qui prend en charge la mobilité et dans quelle perspective, celle du client final ou celle des collaborateurs, notamment des commerciaux ?
La collaboration au sein de l’entreprise est donc un facteur clef de l’adaptation et de l’appropriation pleine et entière des processus ; comment peut-on, en effet, imaginer qu’une entreprise cloisonnée puisse aller jusqu’au bout de sa transformation digitale ?
Le déploiement des plateformes collaboratives, des réseaux sociaux d’entreprise et le partage des connaissances en interne sont une condition nécessaire au développement du business digital.
L’usage et le déploiement des technologies sont au cœur des bouleversements apportés par le business digital. Et leur impact ne se cantonne pas à la sphère d’interaction client – entreprise. La dimension technologique du business digital modifie l’écologie des systèmes IT.
Or, pour un moment encore, les contraintes de sécurité, de productivité, de coûts d’adaptation placent les DSI face à une contradiction : la complexité des programmes intégrés est inversement proportionnelle aux désidératas des utilisateurs, ce qui entraîne un décalage entre les attentes des uns et des autres et donc des frustrations diverses.
Pour suivre, retenir et surprendre ces nouvelles catégories des clients, l’entreprise doit modifier son organisation interne et le Système d’Information qui la sous-tend. De fait, ce ne sont pas seulement les équipes en lien direct avec les clients qui sont concernées mais tous les pans de l’entreprise ainsi que son écosystème.
Au-delà de la technologie, l’impact du digital sur l’organisation se résume par deux autres « T » : le Temps et la Totalité.
Le temps du digital est celui de l’immédiateté et le long terme se compte en heures et non en mois ou années. Il n’est pas aisément compatible avec la planification des ressources et des budgets et l’élaboration des plans marketing.
Ne pas perdre un client demande de s’adapter à son échelle de temps et de réactivité et de passer en un mode de planification et de conception réactifs et agiles. Cette exigence d’agilité temporelle demande une réflexion sur le fonctionnement, sur les modalités de prise de décision, sur l’organisation de l’affectation des ressources, donc sur une large part des processus de l’entreprise, au-delà même du fonctionnement des seuls services Communication et Marketing.
Le digital impacte donc l’entreprise dans sa totalité. Il est capital de comprendre ce changement holistique. L’entreprise ne peut pas (plus) se permettre de dissocier ses activités sur le Web de son mode de fonctionnement interne, tout comme elle doit savoir tirer parti de toutes les sources d’information disponibles, sans n’en exclure aucune.
Elle doit passer d’un mode de management de contrôle à un management du leadership et de la relation, car seul ce dernier est à même de conduire l’entreprise sur les chemins de l’agilité organisationnelle nécessaire pour s’adapter et développer son business.
Or, ceci reste encore relativement loin des usages et comportements de la majorité des sociétés françaises, c’est pourquoi le digital est un véritable big bang pour la majorité des organisations.
Seule une approche holistique qui associe la vision stratégique du business digital à tous les autres axes de développement et qui l’ancre dans un écosystème IT cohérent et compatible avec l’existant dans une roadmap unifiée, permet de garantir la réussite concomitante des différents projets.
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